EN DIRECT DU MASA (4)
Après le succès planétaire rencontré par Deep Forest, qui en " samplant " les musiques pygmées, a permis à un large public de découvrir la beauté de ces polyphonies, c'est au tour des pygmées eux-mêmes à vouloir se prendre en charge en suivant la voie tracée par les musiciens lillois.
ORCHESTRE PATENGUE : des pygmées sur les traces de Deep Forest ?
Après le succès planétaire rencontré par Deep Forest, qui en " samplant " les musiques pygmées, a permis à un large public de découvrir la beauté de ces polyphonies, c'est au tour des pygmées eux-mêmes à vouloir se prendre en charge en suivant la voie tracée par les musiciens lillois.
Ainsi l'Orchestre Patengue, dirigé par le jovial Docteur Jockey, vient de présenter un spectacle d'une beauté limpide dans le cadre intimiste du Centre culturel français d'Abidjan.
Les guitares virevoltent, les percussions sont superbes et c'est toute la richesse des musiques camerounaises qui éclate au grand jour.
Après le makossa de Douala et le bikutsi de Yaoundé, voici que Patengué nous révèle toute la beauté des polyphonies pygmées, revisitée pour l'occasion par des instruments électriques.
Leur premier album" Fleurs orientales " est sorti l'an passé au Cameroun et le refrain de leur tube " Gba'Aka " est repris en cœur comme une litanie langoureuse dans tous les bars du pays.
Avec cet album, Docteur Jockey n'avait pas la prétention de faire un enregistrement historique, comme les ethnologues le font depuis des dizaines d'années.
Mais son but était de réussir une synthèse des musiques pygmées de l'est du Cameroun, conservant leurs bases rythmiques traditionnelles et les électrifiant pour moderniser ce patrimoine.
Un peu perdu chaque fois qu'ils sont loin de leur forêt, ils ont tout de même pris goût à l'aventure du show-business et aux feux de la rampe.
Et lorsqu'il a fallu " descendre " à Douala, la capitale régionale, enregistrer l'album, Justine la chanteuse, tout juste 1m10, se révèle étonnée par cet appareil des " blancs " qui enregistre sa voix et que d'ailleurs elle ne reconnaît pas.
En souvenir, avec tout l'argent gagné pour son premier album, elle s'est acheté un radiocassette !
Faire un disque, c'est bien. Mais le promouvoir est tout autre chose pour ces pygmées sortis tout droit de leur campement. Et là, ils ont été confrontés aux réalités mercantiles de la presse locale.
Alors, il a fallu trouver de l'argent, qu'ils n'avaient pas, pour entrer dans le système.
7.000 FF à la télévision pour produire le clip de " Gba'Aka ", 1.200 FF pour chaque diffusion, 500 FF pour être invités à l'émission vedette de la télévision nationale, 300 FF par semaine pour programmer l'album à la radio, sans compter les disques et les casiers de bière à offrir à chaque animateur.
C'est clair, le groupe Patengue à jusqu'ici peu récolté les royalties de la gloire. Seule consolation dans cet environnement, la présentation de l'album au Midem, une participation aux Rencontres Musicales de Yaoundé, une tournée en France pour animer les mi-temps du Mondial et cette présence au Masa.
La persévérance de Docteur Jockey va-t-elle finir par payer ?
Texte et photos de notre envoyé spécial à Abidjan :
Pierre RENE-WORMS