Technopol

Depuis la fameuse Techno Parade de septembre dernier et ses 100.000 aficionados dans les rues de Paris, l'association Technopol s'était faite discrète. A l'origine de la première Love Parade française, Technopol fédère aussi les acteurs de la scène techno pour défendre auprès des autorités et des institutions, l'avancée de dossiers tels que la reconnaissance des DJs ou la répression des soirées techno. A l'heure où une nouvelle circulaire concernant l'organisation des raves vient enfin d'être signée par les ministères concernés (Culture, Intérieur, Défense), Lionel Fourré, vice-président, Samuel Raymond, secrétaire, et Sophie Bernard, chargée de la communication, font le point sur les dossiers en cours.

Les chantiers techno

Depuis la fameuse Techno Parade de septembre dernier et ses 100.000 aficionados dans les rues de Paris, l'association Technopol s'était faite discrète. A l'origine de la première Love Parade française, Technopol fédère aussi les acteurs de la scène techno pour défendre auprès des autorités et des institutions, l'avancée de dossiers tels que la reconnaissance des DJs ou la répression des soirées techno. A l'heure où une nouvelle circulaire concernant l'organisation des raves vient enfin d'être signée par les ministères concernés (Culture, Intérieur, Défense), Lionel Fourré, vice-président, Samuel Raymond, secrétaire, et Sophie Bernard, chargée de la communication, font le point sur les dossiers en cours.

Qu'avez-vous fait depuis la Techno Parade ?

SOPHIE BERNARD : Après la Parade, nous étions sur deux bureaux en même temps. Le siège a depuis bougé de Lyon sur Paris.
LIONEL FOURRE : Il y a eu aussi des changements au sein de Technopol, avec l'élection d'un nouveau bureau et l'arrivée d'Eric Morand à sa tête.
S.B. : La Parade nous a donné un tremplin pour être médiatique. Maintenant, on connaît le nom Technopol. Nous allons en profiter pour dire que nous ne faisons pas que ça. Nous sommes aussi là pour informer et conseiller.

La Parade de 1998 a-t-elle aidé vos revendications ou bien n'a-t-on retenu qu'un carnaval dans les rues de Paris, un samedi ensoleillé ?

L.F. : Je ne pense pas que les revendications soient très bien passées à ce moment-là. Cette année, les bénévoles travaillent dans une société indépendante de Technopol. Nous avons délégué l'organisation de la Parade à un régisseur, W.M., une société de production d'événements de rue. Nous nous sommes détachés de l'organisation de tous les jours. En 1998, quinze bénévoles ont travaillé là-dessus tout au long de l'année. Il fallait que Technopol se libère du temps pour s'occuper des dossiers de fond. Nous avons gardé l'encadrement des chars et tout ce qui est administratif.

Sophie, vous êtes chargée de la sélection des chars pour la prochaine Parade. Comment préparez-vous cette édition ?

S.B. : Nous avons pris l'initiative de regrouper les chars parisiens. Comme nous voulions donner la chance à la province de monter sur Paris, nous avons laissé chaque ville avoir son propre char. Pour l'édition 1999, les gens téléphonent depuis le mois d'octobre. L'appel à candidature est déjà lancé, pour permettre à ceux qui veulent monter un char de faire des démarches.

L'édition 1999 sera-t-elle décentralisée, avec des défilés un peu partout en France ?

S.B. : Elle n'aura encore lieu que sur Paris. Mais il y a des Parades un peu partout, faites par d'autres, comme la première Techno Parade du Pacifique,à Nouméa.

Qu'en est-il du statut du DJ ?

S.R. : Dans le cadre de l'ordonnance de 1945, le ministère de la Culture a écrit au Fonds de soutien, lui conseillant de déclarer les DJs qui jouent sur des scènes de spectacle en tant qu'artistes. Les DJs radio et les remixeurs travaillant pour une entreprise discographique bénéficieront du régime d'intermittents du spectacle, au titre de l'annexe 8 concernant les techniciens de l'audiovisuel. Quant aux DJs résidant dans les clubs, ils seront assujettis au régime général comme animateur. A l'heure actuelle, l'Adami(Société pour l'administration des droits des artistes et musiciens interprètes)considère toujours qu'un musicien qui joue avec des machines n'est pas un musicien, mais un technicien. Le DJ qui joue de la musique en live est pour l'instant considéré comme intermittent et musicien, mais ne touche pas ses droits de l'Adami et de la Spedidam (Société de perception et de distribution des droits des artistes interprètes de la musique et de la danse). Il y a de nouvelles pratiques. Dans la techno, généralement, une personne est auteur, compositeur, interprète et producteur. Ils font tout à la fois et ont du mal à comprendre qu'on mette d'un côté auteurs et compositeurs et, de l'autre, les gens qui interprètent les œuvres. Les musiciens de musiques électroniques ont encore vraiment du mal à adhérer à l'Adami. Il y a un manque de connaissance de l'Adami, qui ne sait pas comment ça fonctionne chez nous, et des musiciens techno, qui ne savent pas bien à quoi sert l'Adami ou la SPPF (Société des producteurs de phonogrammes et vidéogrammes en France).

Le cadre juridique est-il adapté ?

L.F. : Sur certains sujets, pas sur tous. Par exemple, avec la Sacem, il y a un vide de connaissances par rapport aux artistes. Très peu font leurs déclarations de prestations auprès de la Sacem. Il faut accompagner la professionnalisation du milieu. D'un autre côté, sur une soirée techno, nous avons du live et du "DJ" mélangés, c'est-à-dire qu'il y a des DJs qui jouent les disques d'autres personnes et des DJs qui jouent leurs disques. La Sacem a du mal à le comprendre. Ce qu'on appelle un live, c'est un mec avec ses machines, son ordinateur, ses boîtes à rythme, son synthé, et qui fait sa musique, comme Jean-Michel Jarre. C'est toute une éducation à faire des deux côtés, et nous n'y arriverons pas du jour au lendemain.
S.R. : Il y a plus ou moins de bonne volonté aussi. Par exemple, l'Adami nous a reçu avec plaisir, nous avons discuté, essayé d'avancer et de réfléchir ensemble, mais, jusqu'à la semaine dernière, nous n'avons obtenu qu'une fin de non-recevoir de la part de la Spedidam.

Avez-vous noué des contacts avec d'autres organisations ?

S.R. : L'Irma (Centre d'information et de ressources pour les musiques actuelles) nous donne un coup de main ; le Confort Moderne (salle à Poitier) nous aide à organiser des colloques. Même l'Adami a mis une commission en place en son sein pour réfléchir. Une autre commission s'est créée au Fonds de soutien. Mais c'est long. Le temps qu'ils mettent la commission en place, qu'ils trouvent les gens, qu'ils nous reçoivent…
L.F. : Les choses ont beaucoup avancé depuis la Parade. Plus qu'en termes financiers, elle a servi à montrer l'ampleur du phénomène.

Où en sont vos rapports avec le ministère de l'Intérieur ?

L.F. : Il y a une circulaire de 1995 qui était très répressive envers la techno. Il y a eu un document réécrit, qui a fait des navettes entre le ministère de la Culture et celui de l'Intérieur pendant un an et demi. La nouvelle circulaire vient d'être signée. Nous sommes satisfaits de ce document si longtemps attendu. Mais nous sommes inquiets du 2ème paragraphe qui contredit le 1er en ce sens qu'il envisage, en cas d'infraction, l'arrestation des participants alors que ceux-ci ne sont souvent pas au courant du caractère illégal de la manifestation dans laquelle ils se trouvent.

Quelle influence a eu la circulaire de 1995 ?

L.F. : J'habite Dijon, à mi-chemin entre Paris et Lyon. Je peux dire que, chez les disquaires, il n'y a plus beaucoup de flyers pour des raves. Ça prouve bien que l'activité a baissé.

Est-ce seulement le fait de la répression ? D'un département à l'autre, les préfets n'appliquent pas de manière identique la politique gouvernementale…

L.F. : C'est sûr qu'il y a aussi des raisons géographiques. Tu n'organises pas une free-party à Montpellier comme tu l'organises à Annecy. Le problème des différences géographiques est un problème contre lequel nous nous battons car, à priori, nous sommes en France, en république, donc les lois doivent être les mêmes partout.
S.R. : En Bretagne - une région que je connais bien -, il y a une grande tolérance.

Si la Bretagne est tolérante, quelles sont les régions particulièrement sinistrées ?

S.R. : L'Anjou, l'Aquitaine, Rhône-Alpes, le quart sud-ouest et le haut du sud-est.
L.F. : Le fait que le nombre des soirées baisse pose un problème de manque de renouvellement des artistes. La techno était un mouvement jeune avec des artistes jeunes. Les artistes les plus connus ont aujourd'hui entre 22 et 24 ans. Toute cette jeunesse qui doit progresser ne peut plus participer.

Quelle est la recette de la rave légale ?

L.F. : Nous avons édité un petit guide d'organisation de soirées qui explique comment faire une soirée de façon légale. La recette est simple. C'est avoir un lieu aux normes, comme une salle des fêtes ou un château habitué à recevoir ce genre de soirées, des artistes déclarés, une assurance, un service de sécurité compétent, une licence pour vendre des boissons... Ce n'est vraiment pas dur de faire une soirée créative, différente et légale. Sinon, Technopol essaie de se rapprocher des réseaux européens qui bossent sur des concepts de réhabilitation de friche industrielle. Par ailleurs, cette année, nous avons aussi pour objectif de recenser tous les acteurs français de la scène techno.

Propos recueillis par Gilles Rio.