Megalopolis

Le Bataclan fête le retour sur scène de Francis Lalanne dans une comédie musicale signée Herbert Pagani et interprétée par lui seul en 1972. L'action de "Megalopolis" se situe au milieu du 21ème siècle.
Une nouvelle version avec plus ou moins de bonheur.

Le retour de Lalanne

Le Bataclan fête le retour sur scène de Francis Lalanne dans une comédie musicale signée Herbert Pagani et interprétée par lui seul en 1972. L'action de "Megalopolis" se situe au milieu du 21ème siècle.
Une nouvelle version avec plus ou moins de bonheur.


Ce qui pouvait apparaître comme précurseur au début des années 70 ne l'est que très mollement vingt-sept ans plus tard. Si la presse parlait à l'époque d'un "opéra écologique", dans lequel Herbert Pagani, chanteur et auteur visionnaire, nous interpellait sur une société en état de déshumanisation avancée, aujourd'hui, l'œuvre prophétique toussote quelque peu.

"Mégalopolis" vaudra à son auteur, originaire d'une famille de juifs libyens, disparu il y a dix ans d'une leucémie, le Grand prix du disque de l'Académie Charles Cros. En 72, Pagani était seul en scène. Près de trente ans plus tard, cette nouvelle mise en scène s'est étoffée de 14 comédiens, chanteurs et danseurs, et se projette plus encore en avant dans l'histoire, en 2020, dans les états unis d'Europe... Seulement voilà : au lieu de découvrir le futur, on a plutôt une impression de déjà vu. L'histoire d'une bande d'amis, au milieu du prochain siècle, qui décide de vivre à contre-courant d'une société, Mégalopolis. Cela rappelle vaguement quelque chose. Mais continuons...

Francis Lalanne fait son apparition. Cheveux longs tombant sur les épaules, lunettes fumées, manteau élimé, clochard de luxe perdu au milieu d'un décor de gratte-ciel en carton pâte. Lalanne, chanteur adulé par les intermittents du spectacle et abhorré par les autres, et dont c'est le retour sur scène, traîne son mal de vivre au milieu d'une foule de consommateurs fébriles, portables collés à l'oreille... mais forcément seuls. Avec en ligne de mire un passeport pour "le bonheur obligatoire". Bref, le tout est censé représenter les affres de la modernité galopante.

Chef de clan. Lalanne, alias Herbert, est un rebelle à la tête d'un groupuscule hors-la-loi (le clan de la Bonne Franquette !), foncièrement révolté et anti-conformiste. Chef charismatique, il est partagé entre son envie de croire en la sincérité des sentiments et en une société meilleure, et sa lucidité sur l'avenir de Mégalopolis, irrémédiablement condamnée au chaos... Des thèmes qui ressemblent comme des gouttes d'eau à ceux d'une autre comédie musicale : "Starmania", évidemment, à l'incomparable longévité.

On ne manquera donc pas de trouver des similitudes : la complainte du chauffeur de taxi de Mégalopolis fait écho à celle de la serveuse automate de "Starmania", popularisée par la Québécoise Fabienne Thibault. Les rêves artistiques de Gilbert, le businessman affairé de la cité de Pagani, ressemblent étrangement à ceux de Zéro Janvier, chantés par Claude Dubois dans la première version de l'opéra de Michel Berger et de Luc Plamondon.

Visionnaire, Herbert Pagani, l'était à coup sûr. Peut-être même trop tôt. Car le sujet lui a été soufflé par d'autres avec davantage de succès. Etait-ce alors nécessaire de remonter une version, qui plus est totalement dépourvue de rythme et de charisme, lorsque l'on connaît le peu d'enthousiasme du public parisien pour les comédies musicales ? Peut-être l'incroyable succès de "Notre-Dame de Paris" a-t-il suscité des vocations. Mais celle-ci sent trop le réchauffé pour qu'on lui prédise un avenir radieux. Au fond, Pagani aura été visionnaire jusqu'au bout : Mégalopolis, c'est vraiment le chaos.

Pascale Hamon

Album "Mégalopolis" (Atoll Music/Emi)