Festival hip hop à Abidjan
Le premier festival de hip hop français a réuni près de 1 800 personnes, samedi dernier au Palais des Congrès de l'Hôtel Ivoire. Et ce malgré quelques gros problèmes d'organisation.
Oxmo Puccino, Busta Flex et les autres
Le premier festival de hip hop français a réuni près de 1 800 personnes, samedi dernier au Palais des Congrès de l'Hôtel Ivoire. Et ce malgré quelques gros problèmes d'organisation.
Jeudi 4 mars, aéroport de Roissy-Charles de Gaulle.
Avec une heure de retard, le vol Air France pour Abidjan décolle enfin, avec un équipage un peu particulier : les artistes et accompagnateurs du premier festival de hip hop français. A l'intérieur, la troupe (artistes, organisateurs, entourages, journalistes...) occupe joyeusement l'arrière de l'appareil qui lui a été réservé, sous l'œil sévère et inquiet de l'hôtesse en chef, soucieuse des bonnes manières bourgeoises et de la tranquillité du reste des passagers.
Vendredi 5 mars, peu avant midi.
Retour à la case départ, au Golf Hôtel, sorte d'oasis paradisiaque, bien loin de la ville et de ses quartiers populaires. Après le repas, trois visites d'école, une promo radio et l'enregistrement d'une émission de télévision sont au programme (serré) de l'après-midi. Dans la cour du groupe scolaire La Farandole, l'arrivée de Busta Flex, Oxmo Puccino, Donya et les autres déclenche l'engouement des jeunes adolescents, qui patientaient sagement alignés sur la coursive, et qui déboulent en courant. Oxmo Puccino, qui n'a joué qu'une seule fois à Abidjan l'été dernier (un concert pourtant peu concluant, de son propre aveu) remporte incontestablement le test de l'applaudimètre. Les demandes de dédicaces s'emballent, entre les cris de joie et les regards curieux et pétillants de fans en herbe. En Côte d'Ivoire, la culture hip hop a pris de plus en plus d'importance dans la jeunesse ivoirienne depuis un an. La scène locale (Almighty, Kajeem, Stezo...) est assez restreinte, aussi les rappeurs français (NTM, IAM, Shurik'n ...) sont très prisés, plus que leurs homologues américains. Quelques-uns de ces éléments actifs rejoindront l'affiche du festival, le lendemain soir.
L'école suivante, le collège international Jean Mermoz est lui aussi situé en plein cœur du quartier huppé des 2 Plateaux. Noyés dans la foule des élèves et de leurs parents (c'est l'heure de la sortie), la rencontre, tout aussi chaleureuse, se passe néanmoins de manière plus dispersée. Pour le troisième et dernier établissement scolaire, le lycée Blaise Pascal, il est trop tard : ses occupants ont tous déjà pris la clef des champs.
Samedi 6 mars, jour du concert.
Après une après-midi piscine et farniente, tous les artistes partent pour la balance, avec ce sens de la ponctualité si cher au milieu hip hop (près de trois heures de retard sur l'horaire prévu, déjà tardif pour régler 11 artistes). A 21h30, la foule, qui afflue depuis 20 heures, s'impatiente bruyamment devant les portes. Sans ménagement, les militaires frappent certains spectateurs, tandis que des vigiles de la sécurité privée affectée au concert arrachent des mains des places chèrement acquises (10 000 francs CFA, soit 100 francs français) pour mieux les revendre aussitôt à un tarif supérieur. Il n'y a pas de petite corruption. Le laxisme dans l'encadrement du spectacle est désolant, quelques indésirables parvenant même à s'introduire par les backstage. Pour le reste, c'est corruption à tous les étages : même les ingénieurs du son de la salle réclament une somme d'argent supplémentaire pour que commence le show. Vers 22h30, alors que le staff de IV My People est retourné dîner au Golf Hôtel, aucune des chanteuses et choristes n'a pu faire sa balance.
A 23h, le premier numéro (un ballet " hip hop ") de la soirée présentée par Claudy Siar de RFI donne le coup d'envoi des réjouissances, devant près de 1800 spectateurs, pour beaucoup déjà éprouvés par trois heures d'attente. Les " régionaux de l'étape ", les Maxi Boys (dont c'est ce soir la première prestation scénique) et Kajeem (qui vient de sortir sa deuxième cassette), préparent le terrain pour les " stars " de la nuit. Après la prestation des filles de X-Clusives, le duo D. Abuz System harangue une audience un peu molle du genou avec son " Syndicat du rap ". Viennent ensuite Donya, jeune chanteuse d'origine russo-tunisienne remarquée par le clip " Carte postale ", et K-Reen, connue pour sa participation à la bande originale du film " Taxi ". Séduisante, la gente féminine fait moyennement monter la pression. Il faudra attendre les Sages Poètes de la Rue (menés par Zoxea) pour se réveiller. Comme hier à l'école, Oxmo Puccino est accueilli comme une star. Lorsqu'il offre au public quelques piles de CD, on frise l'émeute... Pour conclure, le " crew " de IV My People (Busta Flex, Zoxea, Lord Kossity, Madison), autour de son initiateur Kool Shen (de Suprême NTM), a dispensé l'une des meilleures performances d'une soirée fort inégale.
Envoyé spécial à Abidjan,
Gilles Rio.