ROMAIN DIDIER

A cinquante ans, le chanteur sort l'album "J'ai noté", enregistré en compagnie de jazzmen français et donne jusqu'au 20 mars une série de récitals au Café de la Danse, à Paris dans lesquels il s'éloigne de son piano.

Un chanteur à la rencontre du jazz

A cinquante ans, le chanteur sort l'album "J'ai noté", enregistré en compagnie de jazzmen français et donne jusqu'au 20 mars une série de récitals au Café de la Danse, à Paris dans lesquels il s'éloigne de son piano.

D epuis quelques jours, Romain Didier a retrouvé la scène du Café de la Danse. Son nouveau disque, J'ai Noté, vient de sortir chez Wagram Music: une incursion dans le jazz avec un groupe de musiciens d'exception: le batteur André Ceccarelli, le guitariste Christian Escoudé, le contrebassiste Rémi Vignolo, le violoniste Florin Niculescu et le saxophoniste Sylvain Beuf.
Un nouvel environnement pour un chanteur que l'on a coutume d'entendre derrière son piano, ou accompagné des cordes d'un orchestre classique.
J'ai Noté sort cinq ans après le précédent album en studio de Romain Didier.

Il avoue: "Jamais en vingt ans de chanson je n'avais eu autant de doutes quant aux arrangements. Est-ce qu'il fallait mettre des machines, reprendre un orchestre classique? J'ai été content de pouvoir dire: "on fait comme tu veux, je te suis".
Car Romain Didier a "donné les clés" de son disque à Mick Lanaro, producteur renommé (notamment pour Nougaro, Bruel, Sheller), qui a choisi de le "jazzifier". Et Romain Didier note avec bonheur "l'humilité, la disponibilité, l'envie de bien faire et, surtout, le doute qui animent les jazzmen avec lesquels il a travaillé. D'une certaine manière, il prolonge au Café de la Danse l'expérience avec une formation proche du jazz (guitare, contrebasse, batterie, accordéon).
Il s'en félicite: "Je suis de plus en plus extraverti sur scène, j'y prend de plus en plus de plaisir, surtout avec cette rythmique qui me permet de ne pas rester toujours assis derrière mon piano."

A cinquante ans, Romain Didier appartient à cette confrérie de chanteurs que leur attachement aux magiques formes classiques de la chanson française tient à l'écart des grands médias audiovisuels, malgré la fidélité du public.
"J'ai vu Brel à l'Olympia, raconte-t-il. Pendant une heure et quart, c'était de l'émotion pure. Quand il s'énervait, il chantait Amsterdam ou Jef; quand il se reposait, il chantait Les Vieux ou Le Plat Pays: il n'y avait rien à jeter, c'était toujours de l'émotion. Après, seulement, j'ai découvert Brassens, son travail du texte. J'essaye de prendre de Brel ce plaisir immédiat qu'on a avec quelqu'un devant soi, et de Brassens ce travail dans lequel la langue française est travaillée à la lime, chaque mot placé à sa juste place."

O utre ces deux grands maîtres, Romain Didier évoque volontiers Gainsbourg, Jean-Claude Vannier, Souchon. Et puis "Francis Lemarque, Jean Dréjac, qui m'ont fait prendre conscience que les chansons populaires d'il y a une quarantaine d'années étaient remarquablement écrites, avec de vraies histoires portées par un vrai développement. La chanson qui n'est dans l'écriture qu'une suite de slogans publicitaires me fatigue un peu."
Depuis une vingtaine d'années, il chante le cœur et ses blessures, l'amour et l'infinie succession de ses incarnations, l'âge d'homme et la mémoire d'enfance. D'abord seulement compositeur et arrangeur, il a peu à peu "augmenté son quota" en écrivant de plus en plus souvent ses textes. Le chanteur signe pour la première fois l'intégralité des textes et des musiques d'un album, après avoir beaucoup compagnonné, ces dernières années, avec Allain Leprest.
Les grandes émissions télévisées ne s'intéressent pas à lui, et il ne s'en plaint pas: "Je n'ai pas vocation à être poète maudit. Je fais de la chanson pour toucher le plus grand nombre possible de gens mais, quand on est soi-même l'objet qu'on expose, on n'a pas envie de se trouver dans n'importe quelle vitrine."
L a carrière de Romain Didier n'obéit pas, de toute manière, aux règles de fonctionnement des variétés. "J'ai cette chance de ne pas avoir à enchaîner obligatoirement un album, une scène à Paris, une tournée de trois mois et plus rien pendant deux ou trois ans. Je me suis vite rendu compte que si je voulais avoir une promotion nationale, j'avais intérêt à prendre mon bâton de pèlerin parce que c'est la meilleure de montrer aux gens ce que je fais."
Alors, Romain Didier donne des concerts à peu près toute l'année, se démultipliant même parfois, comme lorsqu'il a écrit et interprété en compagnie d'Allain Leprest un poème symphonique sur l'Ile-de-France, Francilie, ou écrit un opéra-conte pour enfant, Pantin-Pantine, qui tourne actuellement en France. Une manière, fidèlement, de servir encore et toujours la chanson, le coeur et le sentiment.

Bertrand DICALE