Jacno
Jacno est un rescapé de la mouvance pop des années 80. Depuis deux décennies, le jeune homme moderne incarne l'une des figures les plus inclassables de la scène française. Punk avec les Stinky Toys en compagnie d'Elli Medeiros, il partage l'affiche londonienne avec les Clash, Sex Pistols et Police. Pygmalion malgré lui, Jacno réalise le premier album d'Etienne Daho, écrit pour Lio ses plus grands succès, compose pour le cinéma "les Nuits de la pleine lune" d'Eric Rohmer. Chante en duo avec Lio toujours, Elli, Romane Bohringer et collabore aux albums d'Axelle Renoir, Paul Personne et Jacques Higelin. Avec "la Part des anges", son dernier album, Jacno s'offre une réincarnation. Bénie des Dieux.
Le retour du dandy
Jacno est un rescapé de la mouvance pop des années 80. Depuis deux décennies, le jeune homme moderne incarne l'une des figures les plus inclassables de la scène française. Punk avec les Stinky Toys en compagnie d'Elli Medeiros, il partage l'affiche londonienne avec les Clash, Sex Pistols et Police. Pygmalion malgré lui, Jacno réalise le premier album d'Etienne Daho, écrit pour Lio ses plus grands succès, compose pour le cinéma "les Nuits de la pleine lune" d'Eric Rohmer. Chante en duo avec Lio toujours, Elli, Romane Bohringer et collabore aux albums d'Axelle Renoir, Paul Personne et Jacques Higelin. Avec "la Part des anges", son dernier album, Jacno s'offre une réincarnation. Bénie des Dieux.
Du tout électronique pour ce quatrième album solo avec un son marqué début des années 80, c'est somme toute un son très Jacno ?
C'est complètement délibéré de ma part. Je constate que tous ces sons sont dans l'air du temps maintenant, et comme je suis l'un des inventeurs du procédé, je trouvais ça drôle de faire un clin d'œil. J'ai pourtant horreur de l'ordinateur mais c'est un outil génial et j'aime ce que l'on réussit à faire grâce à lui. Moi, je dirais plutôt que c'est un album électro-acoustique, avec certes beaucoup de mélanges entre l'électronique, des samples et des instruments live tels que le piano ou la guitare. Thomas Dutronc joue d'ailleurs magnifiquement de la guitare Nylon, très fan de Django Reinhardt au passage, et il est venu nous faire un très bon petit tricotage. Derrière l'électronique, il y a aussi des cordes qui rendent un son bizarre et pourtant homogène au final.
Les jeunes me remercient sur leur pochette... Tout est cyclique, c'est comme des boucles, tu retrouves les choses que tu as faites, comme une spirale mais un cran au-dessus. J'aime bien foutre le bordel dans le disque des autres mais j'aime bien qu'on mette le bordel dans les miens. J'ai été heureux de cette collaboration avec les Valentins, avec Axelle Renoir ou avec Helena Noguerra, la sœur de Lio, avec qui j'ai chanté récemment en trio avec Doriand.
Toi-même, tu es inspiré par des artistes comme Kraftwerk ou Blondie ?
Oui ce sont des gens que j'ai aimés. Mais si on écoute le dernier album de Madonna, qui à mon avis est son premier, c'est incroyable ce que William Orbit s'est inspiré de tous les trucs de Gorgio Moroder, de Blondie et cela sonne particulièrement moderne. C'est pour cela que je parle de cycle, et ce qui est drôle, c'est que ce sont des cycles dégénérés car même si tu reviens au point de départ ce n'est jamais pareil, on évolue entre temps.
Quelle est la part de Jacno dans "la Part des anges" ?
La part des anges, je la partage avec les viticulteurs du Bordelais... Je vous explique : pour faire le cognac, il faut en gâcher une partie et la laisser s'évaporer, c'est cette part d'évaporation qui s'échappe du fût que l'on nomme la part des anges. C'est très ancien comme expression et je trouvais ça magnifique. Surtout qu'on peut en tirer toute une philosophie... Pour arriver à bien, il faut en faire beaucoup plus, et pour une chanson c'est pareil. Lorsque j'écris une chanson, si à l'arrivée, mon texte fait une page, y'en a quatre à la poubelle... Dans les textes, il y a cette part des anges, ce que tu ne gardes pas. La fabuleuse Françoise Hardy que j'adore, a même remercié dans l'un de ses albums les grands châteaux du Bordelais, de leur humanité.
Vous adaptez le "Je vous salue Marie" et l' "Ave Maria" qui reviennent comme des gimmicks…
C'est surtout un clin d'œil pour faire chier les curés... J'ai été torturé dans mon enfance par ces gens.... Mais j'ai voulu montrer qu'avec des textes religieux on peut aussi faire de bons morceaux. Je préfère la version de l'Ave Maria, celle en latin, car c'est très musical. C'est d'ailleurs pourquoi le latin a été conservé si longtemps, parce que c'est musical, un peu mystérieux et puis c'est une langue morte et comme personne ne connaît le bon accent... C'est Axelle Renoir et Edith Fambuena des Valentins, qui m'accompagnent aux chœurs. Leurs voix féminines se marient bien avec la couleur de la mienne, plus grave, et l'ensemble est plus aérien.
Jacno est avant tout un musicien européen ?
Complètement. J'ai une culture rock, celle du rock anglais mais de ses inventeurs, comme les Stones, les Who, les Kings. Surtout qu'on ne me parle pas d'Oasis... D'ailleurs Keith Richard, le guitariste des Stones, avait dit à leur propos "c'est un groupe rétro comme nous, à la différence qu'eux en ont inventé le procédé...". Dans un autre style, un groupe comme Kraftwerk, eux sont des inventeurs, totalement pillés aussi. La musique européenne pour moi, c'est Erik Satie, Chopin, des génies du gimmick, j'adore aussi Debussy, je trouve cela ultramoderne, c'est très européen. Même si j'aime la musique africaine celle d'Angélique Kidjo ou d'Ismaël Lo, loin des clichés. A une époque j'avais d'ailleurs enregistré avec Elli et les Touré Kunda. Je suis pour les mélanges... mais ne me parlez pas de salsa !
Un peu funèbre, Jacno, dans "Mort pour la vie"...
Je l'ai frôlée de près mais je n'ai pas spécialement pensé à moi en composant ce titre. Plutôt à quelqu'un que j'aimais et qui est morte et puis j'ai eu un terrible accident où j'ai eu les vertèbres cassées, six mois dans un corset, jours et nuits sans savoir si j'allais pouvoir remarcher. "Mort pour la vie" est une réflexion, ni drôle ni flippante, sur la vie. Un peu comme ce que j'aime chez Boris Vian. Ce côté jamais noir ni blanc. S'il disait un truc marrant, suivait une phrase grinçante et réciproquement, et moi je suis assez comme ca. Il faut relativiser les choses, le monde est moins manichéen qu'on veut nous le faire croire, on a probablement tous un fond criminel en nous et les criminels ont certainement un bon fond quelque part... De la même façon que le meilleur morceau de musique peut foirer quelque part.
Cette reprise de l'inoubliable "Sud" de Nino Ferrer, c'est un hommage ?
Un texte magnifique et un hommage improvisé, car je l'ai enregistrée le jour de sa mort, en piano-voix. Le reste tient de la compétence de l'ingénieur du son. J'ai été très ému par sa mort car lorsque l'on se flingue, cela sous-entend une souffrance. J'ai trouvé cela injuste, c'était un drôle de lascar qui avait une vision assez décalée des choses de la vie.
Jacno La part des anges (Celluloïd/Mélodie) 1999