LOUSTAU
Ceux qui n'aiment ni les guitares électriques de Louis Bertignac (celui qui a décroché de Téléphone) ni les jeux textuels de Boris Bergman (celui qui a décroché de Bashung) - ceux-là, donc, devraient se tenir prudemment éloignés de l'album "Situations tangentes", proposé par un loustic nommé Loustau. Une écoute incontrôlée les plongerait irrémédiablement dans une jubilation qui ne saurait être le but de leur vie : attention, danger !
Situations tangentes pour passions incontrôlées
Ceux qui n'aiment ni les guitares électriques de Louis Bertignac (celui qui a décroché de Téléphone) ni les jeux textuels de Boris Bergman (celui qui a décroché de Bashung) - ceux-là, donc, devraient se tenir prudemment éloignés de l'album "Situations tangentes", proposé par un loustic nommé Loustau. Une écoute incontrôlée les plongerait irrémédiablement dans une jubilation qui ne saurait être le but de leur vie : attention, danger !
Certains artistes semblent possédés d'une boulimie enfantine : toujours plus de scènes, toujours plus de risques, toujours plus d'émotion. Jean-Pierre Loustau, 42 ans, est de ceux-là. Il aurait pu se contenter de la danse, qu'il a pratiquée de façon émérite pendant plus de dix ans. Oui mais voilà, "je voulais tout faire dans ce métier, danser, jouer la comédie, chanter. Je me disais : c'est l'occasion qui fera que je choisirai un jour telle ou telle expression."
Alors, on l'a vu, Loustau, on l'a vu au cinéma (entre autres, en 1984, dans le beau film de Gilles Béhat "Rue Barbare"). On l'a aussi vu à la télévision française dans quelques séries. On l'a enfin applaudi sur la scène du théâtre de Chaillot, à Paris, où Jérôme Savary lui a offert le premier rôle masculin de "Marilyn Montreuil"...
Mais seules des oreilles très à l'affût ont pu l'entendre chanter, au détour de l'année 90, un 45-tours confidentiel, "Alarmes égales" (EMI). D'où sa désolation : "J'ai toujours chanté : mon père est basque, moi aussi... Tout gosse, j'ai fait partie de chorales, à Ménilmontant... Dans mes divers métiers, je me suis toujours battu pour qu'il y ait de la musique". Alors, forcément, toutes ses expériences scéniques convergent un jour pour donner à Loustau des envies de micro.
Antécédents : c'est durant le tournage d'un téléfilm que Loustau rencontre Boris Bergman qui est alors le parolier historique de tous les succès de Bashung... Dix ans plus tard, en 1994, les représentations de "Marilyn Montreuil" agitent devant Loustau la muleta du chanteur solo. Il commence à composer les musiques d'un futur album... Et en 96, c'est naturellement chez son copain Bergman qu'il va sonner pour lui soumettre ses premières maquettes : banco ! L'album "Situations tangentes" paraît début 98.
Et là, contretemps : les "Situations" restent sur la tangente. Les indispensables radios "jeunes" semblent avoir oublié le goût de la guitare. Mais Loustau est tenace : pour brandir son album, il relance un autre vieux pote, Louis Bertignac, notre guitare héros à nous. Et entame, en octobre novembre 98, une tournée en première partie dudit Louis. La chance tourne alors : Loustau, consacré Talent 99 au MIDEM de Cannes, y donne un concert fort apprécié le 25 janvier 99. L'occasion ou jamais pour sa maison de disques de ressortir "Situations tangentes", augmenté de deux extraits "live" de la tournée Bertignac...
L'ingrédient principal du plaisir que procure ce disque - à côté des textes de Bergman et de la voix, souple, un rien nasale - ce sont les guitares électriques, omniprésentes. On en compte parfois trois pour un même morceau. "C'est normal, c'est du rock'n'roll, sourit Loustau. Je suis totalement inspiré par les années 70, l'époque où on est passé des petites guitares à un son torturé : Hendrix, Joplin...". A ce jeu, on tire son chapeau à l'agréable "situation tangente" et, plus encore, au talentueux "Chien d'Franco" ("la seule chanson politique du disque, mais à la façon de Bergman... Cherchez les allusions au Rwanda et aux pays de l'Est..."). Avec son refrain "L'feu passe à l'orange/ Pas d'quartier pour moi/ Renverser un ange/ J'l'ai pris pour un chat", ce "Chien"-là pourrait nous refaire le coup de Bashung-81, époque Pizza. Dans cette même veine, "Gitane", rock chiromancien, et "Beluga", à la nette influence Bertignac remuent très honnêtement les tripes. Rien que du normal pour Loustau : "Mon ambition, c'est l'émotion. Tout le reste m'ennuie profondément." En version originale, le verbe était plus énergique.
Jean-Claude Demari
Loustau "Situations tangentes" (Base records/ Podis, 547 006).