KEVIN PARENT A QUEBEC
Ils capotent* tous sur Kevin Parent ! Depuis le lancement de son premier album, "Pigeon d'Argile" (Tacca, 1995) vendu à plus de 350.000 exemplaires, c'est tout le Québec qui est tombé en amour avec ce jeune interprète. En chaussures de sport, tee-shirt, jeans et comme à son habitude, timide, il arrive sur la scène de la Salle Albert-Rousseau de Québec en ce dimanche 28 mars. Personne n'aurait manqué le show du Gaspésien, surtout pas ces jeunes filles qui se sont massées devant la scène pour le voir de plus près, le toucher peut-être. Son ombre apparaît et déjà la foule se lève et hurle. En dépit des températures inférieures à zéro qui règnent sur la ville, inutile de chauffer la salle... Kevin Parent s'en charge.
Un gars bien ordinaire
Ils capotent* tous sur Kevin Parent ! Depuis le lancement de son premier album, "Pigeon d'Argile" (Tacca, 1995) vendu à plus de 350.000 exemplaires, c'est tout le Québec qui est tombé en amour avec ce jeune interprète. En chaussures de sport, tee-shirt, jeans et comme à son habitude, timide, il arrive sur la scène de la Salle Albert-Rousseau de Québec en ce dimanche 28 mars. Personne n'aurait manqué le show du Gaspésien, surtout pas ces jeunes filles qui se sont massées devant la scène pour le voir de plus près, le toucher peut-être. Son ombre apparaît et déjà la foule se lève et hurle. En dépit des températures inférieures à zéro qui règnent sur la ville, inutile de chauffer la salle... Kevin Parent s'en charge.
Né en 72, élevé au Québec par des parents anglophones, élève d'une école francophone, Kevin Parent est comme beaucoup de Québécois, partagé entre les deux cultures dominantes de la région. Dans son coin de Gaspésie, dans l'ouest du Québec, il a grandi avec cet accent singulier qui le rattache toujours, ou qu'il soit, à son bout de pays. Comme il le chante : "I am proud to be a French frog". Après des débuts en anglais, il chante pour la première fois en français lors d'un festival en 1992, au sommet du mont Saint-Joseph dominant la Baie des Chaleurs. C'était "Nomade Sédentaire". A partir de là, il emprunte un chemin qui le conduit vers la métropole Montréal et vers un succès qu'il a lui-même de la misère à expliquer mais dont il ne pourrait plus se passer, car comme il le dit : " Quand tu goûtes à des salles pleines, tu ne veux pas retourner à des salles vides".
Ce soir, la salle est comble. Il règne une atmosphère beaucoup moins coincée qu'à l'habitude dans cette illustre enceinte plus habituée à la prose de Shakespeare qu'à celle touchante, déroutante et si délicieusement gauche du sieur Kevin. Le public, dont l'âge va de 6 ans à... beaucoup plus, boit littéralement les paroles de ce "Grand Parleur, Petit Faiseur" (titre de son deuxième album. Tacca, 98) et semble vouloir, par ses cris, ses grandes déclarations d'amour, rassurer ce grand anxieux qui craint qu'on l'oublie. Qu'il se rassure, dix jours après son lancement en juin dernier, "Grand Parleur, Petit Faiseur" a dépassé les 100.000 copies vendues et ce n'est pas terminé.
En France, son premier album s'est vendu à 5.000 exemplaires mais Kevin Parent est loin d'être passé inaperçu dans d'importants festivals comme le Printemps de Bourges ou Les Francofolies de La Rochelle. Avec le renouveau printanier que connaît le Québec en Europe ces temps-ci, il n'est pas impossible que Kevin se retrouve plus vite qu'il ne le pense dans une autre vague étourdissante de l'autre côté de l'Atlantique. Les Français chanteront-ils bientôt ? : "Vous êtes ben comique, vous êtes ben smart, vous êtes le genre du chum qu'on achète au K-Mart", dont la version parisienne pourrait être : "Vous êtes bien drôles, vous êtes bien sympa, vous êtes le genre d'amis qu'on achète au Monoprix". Toutefois, avant l'Europe, une carrière anglophone d'envergure pointe fortement son nez et le succès des Bryan Adams, Céline Dion, Alanis Morrissette chez nos voisins du sud, en fait rêver plus d'un.
Et pourtant, Kevin Parent est plutôt discret, limite sauvage. Son côté nature, ses textes quelques fois naïfs ancrés dans la réalité, en ont fait un exemple pour toute une génération. C'est un être contradictoire, un mélange de sensibilité, de vulnérabilité et d'énergie, un gars du peuple qui chante les préoccupations des jeunes, surtout de ceux vivant à l'extérieur des grands centres. Que ce soit ses remords d'avoir trompé sa copine ("Mother of our child") ou de ne pas voir aussi souvent qu'il le voudrait son fils ("Father on the go"), il se questionne sur le présent d'un jeune homme entre 20 et 30 ans comme dans "Nomade sédentaire", la première chanson du show. Il interpelle Dieu dans l'excellente pièce "Seigneur" ou raconte comment il aime se détendre dans un bon bain au miel et au sel de mer ("Mon bain"). Ce que Kevin Parent nous raconte c'est le quotidien de n'importe qui, de lui ou d'un autre, d'un gars ben ordinaire.
Musicalement, Kevin se rapproche plus de Laurence Jalbert que des groupes québécois actuels, Bran Van 3000 ou Sky. Il a appris sur le tas, dans les clubs, les bars, et en écoutant ses maîtres Bob Dylan, Neil Young ou Cat Stevens. Des légendes dont il est très clair qu'il est la relève, car ce gars, sans en être encore conscient, est déjà une référence.
Pour l'instant, Kevin continue sa tournée québécoise avant peut-être de s'enfermer à nouveau dans sa maison du bord de mer pour écrire un troisième album loin du vacarme de la grande ville et du succès en dollars qui l'ont éloigné de l'écriture et le rendent, selon lui, très paresseux. Difficile de faire les unes des journaux et de se sentir libre. La meilleure alternative est incontestablement la scène. C'est encore là que Kevin Parent est le plus lui-même.
Pascal Evans
"Grand Parleur Petit Faiseur" (France : Virgin, 99/ Québec : Tacca, 98)
*adorent