Axelle Red
Nouvel album pour Axelle Red, presque trois ans après A tâtons qui l'avait consacrée. Toujours moi sort alors qu'elle vient de recevoir une victoire de la musique, et confirme ses qualités: culture musicale féconde, intelligence du cœur, clarté du goût.
Une femme de trente ans
Nouvel album pour Axelle Red, presque trois ans après A tâtons qui l'avait consacrée. Toujours moi sort alors qu'elle vient de recevoir une victoire de la musique, et confirme ses qualités: culture musicale féconde, intelligence du cœur, clarté du goût.
Après une année 1998 exemplaire (l'hymne du Mondial, le single Rester femme), les temps sont fastes, en ce moment, pour Axelle Red: une victoire de la musique (meilleure artiste féminine), la naissance de sa fille (Janelle, en février) et la sortie d'un nouvel album, Toujours moi (chez Virgin), qui avait été retardée jusqu'à ce printemps à cause du succès durable de son album précédent, A tâtons.
La tête ceinte de sa couronne, trônant sur une belle popularité, la chanteuse belge n'en est plus à confirmer ses dons ou à prouver qu'elle sait écrire des chansons. Toujours moi a l'opulence sereine des valeurs sûres, la tranquille richesse des carrières établies. Elle affirme un style, un caractère, presque une méthode: une chanson qui se danse et qui parle pourtant à la première personne. L'enjeu la situe quelque part comme une Mylène Farmer sans les venins, comme une Ophélie Winter qui ne se voudrait pas seulement un objet utilitaire, comme une Elsa qui saurait avoir un corps.
Axelle Red tourne toujours ses regards vers les années 60-70: dans les mélodies, dans les instrumentations, dans les enflements de la voix, elle voisine régulièrement avec les temps héroïques de la soul et du rhythm'n blues. Son disque comprend même un morceau instrumental de huit minutes, Stay or not, qui évoque à s'y méprendre les manières d'Isaac Hayes, comme dans le couplage si singulier des violons et de la basse. Mais elle ne se contente de tenir le rôle de lady funk à la française: elle sait se déplacer sur le terrain, elle sait jouer sur toute la surface.
Chanson pop-funk grave à effets de voix et intentions de single (Faire des mamours), truc à danser en faisant «tutututu» (Mon futur proche), hymne intime à sections de cordes et de vents (Ce matin, le premier single), gospel profane presque goldmanien (Parce que c'est toi), petit plaisir narcissique de l'exercice de style (A 82 ans), rock mid-tempo à petits accents Marianne Faithfull (La Réponse), jerk hédoniste (Bimbo à moi), ballade entre Elton John et Joni Mitchell (J'ai jamais dit), slow détimbré (Quitter tôt), chanson italo-folk à refrain soul (Toujours moi): Axelle Red pratique la diversité avec assurance, ce qui lui est d'autant plus l'occasion d'affirmer sa singularité. Car, sous ces formes diverses, elle parvient mieux que jamais, avec Toujours moi, à dire qui elle est: sensible et énergique, indécrottablement sentimentale mais parlant fièrement à la première personne.
Née flamande, elle a appris le français sans que ce soit sa langue maternelle, et avait enregistré ses premières chansons en anglais. Après ces apprentissages et ces tâtonnements, Axelle Red atteint maintenant, à trente ans, à une sorte de maturité.
Sa place? Ce lieu difficile entre une chanson exigeante par ses textes et ses choix d'arrangements, et la variété de gros calibre destinée au plus grand public, position occupée ces dernières années par Mauranne ou Liane Foly, par exemple. Avec cette nuance qu'elle incarne un personnage d'une solide modernité, à la fois naïve et vaguement rebelle, sentimentale et indépendante - à la ressemblance d'une certaine femme d'aujourd'hui.