LE QUÉBEC EN VOIX

L'année 98 est à marquer d'une croix blanche pour les artistes québécois qui, plus que jamais, ont été présents dans le paysage musical francophone. Des méga-stars Céline Dion ou Lara Fabian (1,5 millions exemplaires de "Pure") aux jeunes artistes de "Notre-Dame de Paris" (Garou, Bruno Pelletier), le Québec a littéralement envahi le marché européen. Isabelle Boulay a été l'invitée du chanteur français Serge Lama à l'Olympia de Paris du 20 au 25 mars dernier et les critiques de la ville lumière se sont montrés très enthousiastes quant à l'avenir de son plus récent album "Etat d'amour". A l'automne dernier, c'était Linda Lemay qui, après avoir séduit Charles Aznavour (parrain de son spectacle) et l'écrivain Alexandre Jardin (auteur d'une critique dithyrambique dans Le Monde), a emballé le public de l'Européen.
Après une présence minimale du Québec dans l'actualité musicale en France ces dernières années (à de rares exceptions près), c'est une petite révolution venue d'outre-Atlantique qui a lieu depuis quelques mois. Jamais autant d'artistes québécois n'avaient réussi à s'imposer autant à l'extérieur du Québec, pas même au Canada... De plus, la source ne semble pas vouloir se tarir. De nouvelles voix surgissent au milieu des anciennes et le tout s'exporte de mieux en mieux. Petit inventaire entre cousins.

Jolie livraison musicale de la Belle Province

L'année 98 est à marquer d'une croix blanche pour les artistes québécois qui, plus que jamais, ont été présents dans le paysage musical francophone. Des méga-stars Céline Dion ou Lara Fabian (1,5 millions exemplaires de "Pure") aux jeunes artistes de "Notre-Dame de Paris" (Garou, Bruno Pelletier), le Québec a littéralement envahi le marché européen. Isabelle Boulay a été l'invitée du chanteur français Serge Lama à l'Olympia de Paris du 20 au 25 mars dernier et les critiques de la ville lumière se sont montrés très enthousiastes quant à l'avenir de son plus récent album "Etat d'amour". A l'automne dernier, c'était Linda Lemay qui, après avoir séduit Charles Aznavour (parrain de son spectacle) et l'écrivain Alexandre Jardin (auteur d'une critique dithyrambique dans Le Monde), a emballé le public de l'Européen.
Après une présence minimale du Québec dans l'actualité musicale en France ces dernières années (à de rares exceptions près), c'est une petite révolution venue d'outre-Atlantique qui a lieu depuis quelques mois. Jamais autant d'artistes québécois n'avaient réussi à s'imposer autant à l'extérieur du Québec, pas même au Canada... De plus, la source ne semble pas vouloir se tarir. De nouvelles voix surgissent au milieu des anciennes et le tout s'exporte de mieux en mieux. Petit inventaire entre cousins.

Les premiers de la classe

Si un Québecois a fait parler de lui en France ces dernières années, c'est bien Jean Leloup. Avec son"1990" en... 1990, il avait explosé la scène musicale francophone. On le retrouve cette année avec son album "Fourmis" (Audiogram, 1998) enregistré en studio et en concert (au d'Auteuil de Québec). Les douze pièces de ce CD de génie sont une suite de chef d'œuvres comme le surréaliste "Fourmis", ou la triste histoire de "La vie est laide", qui ne cesse d'être joué en radio. Jean Leloup est sans doute le personnage le plus déstabilisant, le plus complexe mais le plus talentueux de la décennie au Québec et chacun de ses albums est à chaque fois une bonne raison de se réjouir.

Un plaisir qui croît avec l'usage : Kevin Parent (en photo). Après le succès monstrueux du le premier album, le Gaspésien était attendu au tournant par la critique. "Grand Parleur Petit Faiseur" (Tacca, 98), son nouvel album, n'est pas le genre de compact qu'on oublie vite après la première écoute. Avec son accent à couper au couteau et que même à Montréal on a de la misère à comprendre, Kevin Parent enfonce définitivement le clou et au fil des plages, affiche une façon de faire unique. Il existe un son Parent et un regard sur la vie sans la moindre complaisance que les jeunes et les autres ont adopté sans se poser de questions. Un incontournable, un essentiel.

Les bandes

Du côté des groupes, les gars de Noir Silence ont relevé le défi de donner suite à un succès gigantesque ce qui n'était pas une entreprise évidente. Sans se renier, et tout en ralliant un peu plus les puristes, le quintette beauceron (Beauce, région du Québec, ndlr) vient de faire exactement le disque qu'il devait faire sans tomber dans le plagiat du premier. Le son très rock de "Piège" (MPV,97) avec ses guitares moins fleur bleue que sur le précédent et l'extraordinaire voix du leader en font un album diablement bon à découvrir pour savoir ce que les jeunes d'ici ont entre les oreilles.

Maîtres du hip hop made in Québec, Disoul, O.T. MC et DJ Choice, plus connus sous le nom de Dubmatique nous offrent avec "La force de comprendre" (Tox Records, 97) un opus rap de haute qualité avec des sons plus riches, des basses plus profondes, des scratchs maîtrisés et des invités de marque comme Shurik'n et Akhénaton d'IAM, Ashley Maclsaac et Shades of Culture.

La Gamic, contrairement à ce que certains critiques pourraient penser, n'est pas un clone de Dubmatique, mais une entité réelle. Pour leur premier album éponyme (Tox Records, 98), les trois Montréalais ne l'ont pas joué prudent. En intégrant opéra, cordes et chœurs à du hip hop nouveau genre, ils ont réussi à surprendre et à séduire un large public. Plus proche d'IAM que de MC Solaar, le trio s'impose comme une relève très surprenante et qui ne devrait pas attendre trop longtemps avant de traverser l'océan vers l'Europe.

Mais la grande surprise, c'est l'album éponyme d'Okoumé (Musi-Art, 97). Le phrasé et le timbre de voix du chanteur et guitariste Jonathan Painchaud, la musique folk et les thèmes abordés dans les chansons expliquent le succès immédiat auprès des jeunes. A écouter plus particulièrement la toune "Dis-moi pas ça".

Les anciens

Pas vraiment une nouvelle voix, Michel Rivard (en photo)(leader de feu Beau Dommage) intéressons-nous cependant qu'il est un inclassable, un auteur-compositeur-interprète à part chez les artisans de la chanson québécoise. Sur "Maudit Bonheur" (Audiogram, 98), il excelle avec des tounes (chansons, ndlr) qui savent si justement nous parler des petites choses de la vie. Ce dernier album est un heureux mélange de ses "Chansons Naïves" (son précédent album) et du spectacle "Chansons lousses et cordes sensibles". Probablement, le disque le plus tripant de l'année dans le genre.

Dan Bigras, quant à lui n'est pas le genre à décevoir et son cinquième album "Le chien" (GFI Musique, 98), est un petit bijou, une suite logique du fameux "Trois petits cochons". Une chanson en italien (Maledetto Angelo), un duo avec le bum (le petit dur) de la chanson Eric Lapointe (première partie des Rolling Stones en France il y a deux ans) et en définitive tout un album très réussi. A découvrir pour sa voix brisée et un univers fantastique très libéré.

Les filles

L'avenir est aux femmes et pas seulement en politique. Si la parité hommes/femmes est un défi largement relevé dans la vie québécoise, la musique n'est pas le dernier endroit où on peut la vérifier. En l'espace de quelques mois, plusieurs auteures-compositeures-interprètes ont réussi à s'imposer.

Nancy Dumais est une fille du Lac-Saint-Jean qui se décrit comme une ex-timide que la chanson a poussé a devenir quasi effrontée. Impossible d'en douter quand on la voit se déhancher sur un plateau de télé ou une scène. La critique, souvent snob et blasée, n'a cessé de la couvrir d'éloges pour sa présence fraîche, dynamique et une poésie urbaine à travers laquelle elle déboise ses idées noires. Tout est bon à chanter, l'amour, les bulletins de nouvelles et son lot de désolations. Loin d'être la nunuche de service, elle affiche un look de petite fille sérieuse, qui cache un volcan. C'est en débutant en première partie des spectacles du génial Daniel Bélanger, Kevin Parent et de Roch Voisine, qu'elle a appris son métier. Aujourd'hui, avec son album "Parler aux anges" (Polygram, 97), elle est très certainement une des voix qui restera dans le paysage musical des années à venir.

Les chansonnières d'aujourd'hui ne sont pas toutes des féministes et Sylvie Paquette n'a pas l'intention de devenir un porte drapeau, mais simplement d'être vraie. D'ailleurs, sa première motivation est de faire de la musique tout en restant elle-même. Comme c'est le cas pour tous les artistes d'ici, la belle Paquette a promené sa guitare et sa chaude voix dans tous les bars et clubs de la province avant d'en arriver au succès de l'été dernier, "Oser" (BMG, 97). Son audace a d'ailleurs été récompensée par un prix Félix Leclerc et une nomination à l'Adisq pour le titre d'interprète féminine de l'année. Ses chansons parlent d'amour et de toute la gamme de sentiments qu'il fait naître en nous. Pratiquement toutes les compositions de l'album sont co-signées par Luc de Larochellière qui avait connu le succès en France avec "Cash City".

Une chanteuse québécoise qui n'a pas une belle et grande voix, ça n'existe pas. Celle de Sylvie Comble toutes les oreilles. Autre femme et non la moindre. On la connaissait très rock avec ses deux premiers albums "Déchaînée" et "Animale". Elle est de retour avec sans conteste son meilleur album, plus nuancé, plus apaisé.

Si au Québec, France d'Amour est une star, la France ne connaît d'elle pour l'instant que quelques chansons interprétées par Linda Lemay. Cette jeune chanteuse nous ouvre son intimité et son univers grâce à de très beaux textes comme celui du second extrait de son album, "Le silence des roses" (Tacca, 98). Elle n'hésite pas à nous faire partager son enfance, son cheminement. Le clip qui accompagne cette superbe chanson, témoigne bien lui aussi de cette volonté d'en dévoiler un peu plus sur ce qu'elle est. France d'Amour, c'est l'anti-Céline Dion (albums en anglais) et l'anti-Lara Fabian. Elle est terriblement authentique. La favorite sur toute la ligne.

Mara Tremblay est un visage déjà connu. Quand elle jouait avec Les Frères à ch'val, Les Colocs ou Les Maringouins, cette multi-instrumentiste enchantait déjà toutes les oreilles mais avec son premier album, "Le Chihuahua" (Audiogram, 98), elle comble toutes nos espérances. Donnez-lui une guitare, une basse et elle fait de grandes choses. Mais mettez-lui un banjo, un violon dans les mains et vous aurez droit à un folk-country très éclaté et définitivement moderne. A écouter en premier, "J'aime ton bordel". La fille à la voix de klaxon est la belle surprise de cette année, une flyée (dingue, ndlr) qui va "flailler" bien loin.

Enfin, n'oublions pas d'évoquer Lhasa de Sela qui a, elle aussi, marquée la scène musicale québécoise avec sa poésie meurtrie et attachante. De culture hispano-américaine, cette jeune femme née en 72 a percé en France avec plus de 100.000 copies vendues de son premier album "La Llorona" (Audiogram, 97). Ce succès la place au sommet des palmarès world music et cela, sans compter les 80.000 exemplaires vendus au Canada. Un p'tit dernier Mononc'Serge dévore les radios québécoises. Cet ex-contrebassiste des Colocs, est devenu en moins d'un an, le moins fréquentable des humoristes de la province. Sue son premier album "Mourir pour le Canada" (Double, 98), Mononc'serge chante la méchanceté en refaisant le portrait de Jean Charest (chef de l'opposition officielle au parlement québécois), Saddam Hussein, ou de Jean Chrétien, (Premier ministre du Canada), etc. A découvrir pour mieux cerner le monde dans lequel on vit. La pop québécoise, et plus largement toute son industrie est devenu un gigantesque bulldozer qui ne semble pas vouloir s'arrêter en si bon chemin. Reste à savoir si les Français ne feront pas une rejet aigu de ces voix puissantes et de cette invasion amicale. La sortie prochaine du nouveau disque de Lara Fabian en anglais, du nouvel album de Roch Voisine prévu en France pour le mois de mai (en avril au Canada) et les premiers CDs sur territoire français de Garou et de Bruno Pelletier, eux aussi prévu pour cette année, devraient faire en sorte que le rêve québécois se poursuive encore quelques temps à travers l'Europe francophone. Un rêve bilatéral que bon nombre de Québécois espèrent pouvoir profiter à leur tour.

Pascal Evans