OKOUMÉ

Alors que le Festival de Lafayette s'est terminé le week-end dernier, nous avons rencontré deux des musiciens d'Okoumé, le chanteur Jonathan Painchaud et le bassiste Michel Duguay.

Nouvelle génération québécoise

Alors que le Festival de Lafayette s'est terminé le week-end dernier, nous avons rencontré deux des musiciens d'Okoumé, le chanteur Jonathan Painchaud et le bassiste Michel Duguay.

Commençons par le début, qu'est-ce que veut dire Okoumé ?

J : Ça n'a pas vraiment de rapport avec la musique. C'est un arbre d'Afrique équatoriale utilisé pour faire du contreplaqué et de l'hébénisterie fine.
M : A un moment donné, on voulait se trouver un nouveau nom de groupe car au début, on s'appelait Kababousté. Ce sont des câbles de survoltage en langage québécois. Donc, on a décidé d'un nouveau nom, on a ouvert le dictionnaire et on a pointé du doigt.

Okoumé ne sonne pas très québécois ?

M. Non, c'est vrai, mais beaucoup de gens croient que c'est un mot amérindien.
J. Nous, nous trouvons que c'est un mot qui a une belle musicalité, qui est bien rythmé.

Expliquez-nous comment vous avez commencé ?

J. Nous nous sommes rencontrés par des amis interposés dans la ville de Québec même si on vient de régions différentes. Il y en a deux qui viennent de la Gaspésie, deux des Iles de la Madeleine et un de Québec. On s'est donc rencontré comme çà, en faisant ce que vous appelez (en France) des bœufs ou des " jam sessions ". On s'est aperçu qu'il y avait une bonne chimie entre nous et on s'est inscrit à un concours au Québec qui s'appelle Pro-Scène. Quand on a gagné ce concours, on a pris un peu plus au sérieux ce qu'on faisait et on a commencé à travailler un peu plus. C'est un concours axé sur la composition. On a su alors que nos compos pouvaient plaire. Peu après, on a rencontré notre manager qui a travaillé énormément avec nous. Ça nous a aidé à trouver un contrat avec une maison de disques. On a fait énormément de tournées des bars avant de faire l'album, ça nous a vraiment aidé. C'est d'abord grâce à notre spectacle que les gens nous connaissent.

Le premier album était le produit de cette tournée, un support en somme ?

J. Oui. Mais quand on a enregistré ce disque, on était beaucoup plus jeunes. Et déjà certaines chansons dataient de quatre ans en arrière. On n'était plus nécessairement à l'aise avec ces propos-là. D'après moi entre 20 et 24 ans, il y a un énorme changement qui se produit chez une personne.

Qui a écrit ces chansons ?

J. Pour le premier album, c'était moi avec le guitariste et l'harmoniciste. Pour le prochain, chacun apportera ses nouvelles compos pour faire un travail collectif. Je pense que c'est une formule gagnante, car ça va souder encore plus le groupe et uniformiser un peu le son.
M. On est quand même sorti de studio avec un album dont on est fier encore aujourd'hui malgré notre manque d'expérience à ce moment-là. On a vendu plus de 100.000 albums au Québec.
J. Aujourd'hui, on écoute des choses différentes, on évolue dans notre compréhension de la musique. J'ai l'impression que le prochain album sera plus ressemblant de ce qu'on est.
M. On se comprend mieux aujourd'hui, on se connaît mieux. On est cinq amis. On a la chance d'être unis.
J. Chacun a une personnalité très différente de l'autre mais très complémentaire.

Sur la scène de Lafayette, vous reprenez une chanson de Michael Jackson, " Billie Jean " c'est un peu étonnant pour un groupe plutôt rock folk ?

M. Nous sommes nés au début des années 70. On a vécu les années 80. Le King de ces années-là, c'est Michael Jackson. Quand on s'est rencontré, on s'est dit que lors de nos spectacles, on allait faire des interprétations (d'autres chanteurs). On s'est demandé qui nous avait touché. Les cinq gars en même temps, on a dit Michael Jackson.
J. On a fait une reprise rock de sa chanson. Avec plein de guitares. Mais il y a tellement de choses qui nous ont marqués et influencés. C'est difficile de choisir un nom. On est cinq personnes différentes. On écoute beaucoup de choses.

Que pensez-vous du succès de " Notre-Dame de Paris ", la comédie musicale du Québécois Luc Plamondon ?

J. C'est bien parce que ça fait une autre fenêtre de visibilité pour le Québec.
M. Luck Mervil (le rôle de Clopin) a sorti son album en France. Il va pouvoir tourner sur les radios. C'est bon pour les artistes qui jouent dedans.
J. Ce que je trouve un peu déplorable, c'est que les artistes québécois qui percent en France, et qui ne sont pas des artistes qu'on pourrait qualifier de javelisés, plus " blanc que blanc "sont rares. Lara Fabian n'est pas représentative (en plus elle est belge et pas québécoise) de la culture québécoise. Céline Dion est une artiste on ne peut plus internationale. Elle ne représente pas le terroir québécois. Je ne veux pas dire non plus qu'on devrait promouvoir les chemises à carreaux et les tapages de bottes dans la cuisine ! ! Il y a d'autres choses au Québec que des produits ultra-polis.

La musique québécoise a des difficultés à passer l'Atlantique et à arriver jusqu'en France, non ?

J. Il y a l'accent. Définitivement, on se le fait dire. C'est le même phénomène partout. Les gros médias essaient d'uniformiser le son, les idées. Tout semble pareil. L'accent québécois dérange les gros diffuseurs qui n'ont pas compris que les gens ne sont pas aussi stupides qu'ils voudraient bien le croire. N'importe quel Français est capable avec un minimum d'effort de comprendre une expression qui ne fait pas partie de son vocabulaire. Moi, quand j'avais 14 ans, je virais fou du chanteur Renaud. Il était à cinq millions de km de ma réalité de tous les jours. Mais j'aimais ça quand même. En remettant les choses dans leur contexte, je comprenais tout ce qu'il disait. Sa révolte me frappait en pleine poitrine. Il ne faut pas prendre les gens pour des cons.

Vous allez venir en France ?

M. C'est en projet.

Vous êtes en tournée pour le moment ?

M. Oui, après Lafayette on repart pour deux semaines au Québec.
J. En fait, on est en tournée depuis que l'album est sorti en juin 97, à raison de deux spectacles par semaine en moyenne.
M. Ça fait une belle vie.

Vous préparez un second album ?

J. Au mois d'octobre, on arrête la machine. On écrit, on recherche. On va essayer de vivre de nouvelles expériences, car c'est un peu difficile d'être inspiré quand tout ce que tu vis, c'est la route, les chambres d'hôtel. Donc, si les choses se passent bien, on prévoie la sortie du deuxième album pour mars-avril 2000.

Propos recueillis par Valérie Passelègue.