PASCAL COMELADE

Le bricolage musical de ce musicien méridional autodidacte achève de convaincre les derniers irréductibles avec son dernier album, "L'argot du bruit". Instrumentiste pour ritournelles populaires au moyen de jouets détournés, Pascal Comelade déteste la chanson sauf lorsqu'il invite sur son disque la chanteuse anglaise P.J. Harvey. Démonstration à la Maroquinerie les 6 et 7 mai derniers, de ce pianiste de bal pas comme les autres, entouré d'une formation interlope, le Bel Canto Orquestra.

Musicalement incorrect

Le bricolage musical de ce musicien méridional autodidacte achève de convaincre les derniers irréductibles avec son dernier album, "L'argot du bruit". Instrumentiste pour ritournelles populaires au moyen de jouets détournés, Pascal Comelade déteste la chanson sauf lorsqu'il invite sur son disque la chanteuse anglaise P.J. Harvey. Démonstration à la Maroquinerie les 6 et 7 mai derniers, de ce pianiste de bal pas comme les autres, entouré d'une formation interlope, le Bel Canto Orquestra.



"Messieurs, choisissez vos cavalières et entrez sur la piste, le bal va commencer...". Point de Monsieur Loyal sur la petite scène mais cinq musiciens dont Pascal Comelade au piano. Stoïques, ils entament un air de balloche un peu triste, que l'on imagine dans un coin paumé et que l'on aurait vu dans ces films où le héros traîne, seul et désemparé, dans une fête foraine minable. Inclassable est l'univers musical de ce piètre pianiste, c'est lui qui le dit : " Je prenais des cours avec un pianiste de bal, qui m'a dit : tu ne seras jamais pianiste mais tu peux jouer quatre bribes..." . Le mystère est d'autant plus grand que l'ancienne petite usine de maroquinerie est pleine à craquer d'un public beaucoup plus jeune que ce Catalan de 40 ans, et bien loin de ses références musicales. Pourtant le courant passe.

Pianiste de balloche

Chemise grise, rouflaquettes qui lui mangent le visage, Pascal Comelade s'installe au piano, mais un piano à queue... pour enfant. Car le musicien a ce talent de faire revivre ces instruments-jouets sur lesquels beaucoup de carrières de virtuoses n'ont jamais commencé... Lui faisant face, un autre pianiste sur un autre piano-jouet, droit celui-là. Si leur musique peut prêter à sourire, eux ne décrochent pas un mot. Mais ils enchaînent avec "Bimbo jet" ou des espagnolades désuettes entendues dans un juke-box dont on n'aurait pas changé les disques depuis trente ans. Des airs qu'on écoute la tête sur l'épaule de l'autre en s'imaginant être partout ailleurs. Comelade s'amuse avec détachement à reprendre des ritournelles populaires "Petit Bambino", prend sa petite guitare en plastique aux fils de nylon désaccordés dont il sort les premières notes de "Smoke on the water" des Deep Purple. Car le Catalan n'oublie pas qu'il vient du rock même si parfois on s'attend à ce qu'il nous joue "Feelings" comme dans un vrai piano-bar. Et l'on se surprend à se demander si Comelade et ses acolytes du Bel Canto Orquestra ne forcent pas le trait dans la manière de jouer faux. Alors c'est du grand art. Enfin, la voix du clarinettiste Jakob Draminsky se fait entendre : présentation des musiciens. Dommage, il parle en danois et personne ne comprend. Encore un effet voulu. Installer la non-communication pour laisser place à l'instrumentation brute.

Pascale Hamon

L'argot du bruit (Delabel)
le 21 juin à Porto
le 25 juin à Lisbonne