PATRICIA KAAS
Cinquième album studio de Patricia Kaas, Le Mot de passe vient de sortir dans une quarantaine de pays. Douze chansons d'Obispo et Goldman, une production réussie d'Obispo: le succès devrait suivre, encore une fois. Mais les anglophones attendront encore un disque «américain» de la chanteuse lorraine.
Le disque, l'interview
Cinquième album studio de Patricia Kaas, Le Mot de passe vient de sortir dans une quarantaine de pays. Douze chansons d'Obispo et Goldman, une production réussie d'Obispo: le succès devrait suivre, encore une fois. Mais les anglophones attendront encore un disque «américain» de la chanteuse lorraine.
Le Mot de passe, cinquième album studio de Patricia Kaas, est sorti mardi 18 mai en France et dans une quarantaine de pays étrangers. Un peu plus de deux ans après Dans ma chair, vendu à près d'un million et demi d'exemplaires en France et dans les pays francophones limitrophes.
C'est une chanteuse de trente-deux ans, aux goûts, au caractère et à l'esprit de décision encore plus affirmés qui sort un disque parfaitement dans l'air du temps.
Douze chansons dont une bonne moitié devraient devenir des tubes. Deux ont été écrites par Jean-Jacques Goldman (Une fille de l'Est, Les chansons commencent) et dix par Pascal Obispo en collaboration avec plusieurs paroliers, dont la chanteuse Zazie pour J'attends de nous.
Et, après des albums de Johnny Hallyday ou Florent Pagny, c'est Pascal Obispo qui a arrangé et réalisé le nouveau disque de Patricia Kaas. Mais sa main a été beaucoup moins lourde que dans ses travaux précédents: moins d'épais artifices, moins de rudesse, moins d'emphase que dans ses propres disques ou ses productions pour d'autres chanteurs. Patricia Kaas est parvenue à imposer ses émotions, ses fêlures, ses approches féminines.
Sections de cordes rencontrant les rythmes électroniques, joliesses classiques au piano ou à la guitare acoustique, clarté générale des arrangements, atmosphères plus aérées que jamais chez Obispo, le disque de Patricia Kaas est sans doute une des meilleures photographies du goût majoritaire des Français en matière de variétés en 1999: des textures naturelles, la discrétion du synthétique, la fusion organique des machines et du bois des instruments.
La monumentalité très tempérée des arrangements de Ma liberté contre la tienne (le premier single sur les radios françaises) ou l'ampleur d'hymne des chœurs dans Les chansons commencent contribueront assurément au succès de l'album. Et les fans de Patricia Kaas attendent avec impatience le début de sa tournée, début novembre prochain. Son prochain voyage à l'étranger n'est pas encore programmé.
– Vous avez sorti votre précédent album il y a exactement deux ans, puis enchainé sur une longue tournée. Voici un nouvel album. Quand vous reposez-vous?
– Avant l'album Dans ma chair, je m'étais arrêté de travailler un bon moment, mais pas cette fois-ci. Quand j'ai fini ma tournée, nous avions déjà commencé à travailler sur des chansons, entre autres avec Pascal Obispo, et on a commencé à travailler en studio en décembre, ce qui était bien car la voix est beaucoup plus jolie en fin de tournée. En janvier, j'ai pris des vacances, j'ai fini d'enregistrer en février mais je n'ai pas eu l'impression d'enchaîner sur un rythme trop vif.
– Pourquoi avoir demandé l'essentiel de cet album à Pascal Obispo?
– J'ai fait comme d'habitude: je voulais de belles chansons, alors j'ai demandé à différents compositeurs et auteurs, un an avant l'enregistrement. Je pensais que Pascal m'en donnerait trois ou quatre. Et puis il m'a proposé des chansons. J'en refusais une, il m'en envoyait une autre et, finalement, il en a écrit une quarantaine. Et, quand j'ai fait mon choix dans tout ce qu'on m'avait donné, il y avait dix chansons de Pascal... Alors, on a décidé qu'il allait aussi faire la réalisation de l'album, y compris les deux chansons que m'avait donné Jean-Jacques Goldman, puisque celui-ci n'y voyait pas d'inconvénient.
– La date de sortie de votre album a été repoussée en France pour qu'il sorte en même temps à l'étranger. Vous vous intéressez beaucoup à votre public hors de France?
– C'est pour lui que je fais des tournées à l'étranger! Je ne veux pas défendre la chanson française mais voir s'il y a un public pour ce que je fais, moi. Et en même temps, ça me rends fière de savoir qu'on fait une sortie mondiale dans quarante pays.
Sortir en mai, ça me plaisait. J'ai déjà sorti deux albums en avril et j'avais envie de changer de date. Et puis le mois de mai, c'est le mois de décès de ma maman et je me suis dit que ça me porterait chance.
– Vous allez rencontrer beaucoup de médias étrangers?
– Pour la promotion, je vais en Allemagne, en Suisse ,en Belgique, en Autriche, en Hollande. Il ne faut pas trop en faire trop mais c'est tout de même important...
– Vous avez l'impression d'avoir la même image à l'étranger qu'en France?
– En France, je suis une artiste française parmi d'autres, alors que dans les autres pays je suis souvent la seule artiste française connue. Je ne parle pas des générations d'avant – Aznavour, Brel, Piaf – mais, pour les artistes d'aujourd'hui, les étrangers n'en connaissent souvent pas d'autres. Pour eux, la France c'est plus luxueux, cela représente l'élégance et le romantisme. A une époque, je me demandais même si les médias français s'intéressaient vraiment à l'exportation des artistes français. Une année, ils ont même retiré des victoires de la musique le prix de l'artiste qui s'exporte le plus. Là, j'étais furieuse, mais ce n'était pas facile pour moi de le dire – j'avais reçu cette victoire quatre années de suite.
– Vous avez l'impression que les médias français ont cessé de vous considérer comme une sorte de curiosité sociologique et s'intéressent plus à vous d'un point de vue artistique?
– Maintenant, j'ai l'impression qu'on me trouve plus intéressante. Au début, j'étais cette petite nana qui venait de l'Est, qui chantait bien mais qui ne disait pas grand-chose – ce qui était certainement vrai. Mais, quand on sort un premier album, on ne sait pas si on sera seulement de passage ou si on est là pour longtemps. Quand le single Mademoiselle chante le blues est sorti en mars 1987, personne n'en voulait. Ce n'était pas une chanson écrite pour moi, elle avait longtemps traîné dans un tiroir de Barbelivien. Je l'ai prise parce que ma maman était malade et que son dernier souhait était de me voir à la télé. Alors, je me suis battue pour cette chanson. Polygram sentait que j'étais motivée et on a continué, après l'été, à travailler sur cette chanson, qui a commencé à avoir du succès en octobre 1987. Je n'ai pas l'impression d'avoir ramé, au contraire. Mais je me suis battue pour cette chanson et ma maman est partie en ayant vu ce qu'elle voulait.
– Et où en est le disque en anglais que vous deviez sortir pour le marché américain?
– Ah, la question embarrassante du jour... Cet album, enregistré et mixé, est dans son tiroir. Et j'espère qu'un jour on va lui donner vie. Ce projet a été dirigé dans plusieurs directions, il y a trop de gens qui ont donné leur avis et on a écouté tous ces avis alors que l'on aurait dû faire ce que l'on voulait. Si cet album doit voir le jour, je pense que nous devons le faire par nous-mêmes puis le livrer tel quel. On ne peux pas tricher avec son propre goût. Bien sûr, par fierté, il faudrait que je finisse par sortir ce disque, pour me dire que je suis allée jusqu'au bout de ce projet. Après, qu'on l'aime ou qu'on ne l'aime pas là-bas, ce n'est pas le plus important.
Bertrand DICALE
Le mot de passe (COL 494559 2)