ANGOULÊME (BIS)
Le festival des Musiques Métisses s'est terminé lundi 24 dans la liesse générale. La programmation fut éclectique et s'invita sur tous les continents… ou presque. L'Afrique, comme chaque année, y reçut une place de choix. Directeur du festival, Christian Mousset a une devise : sa programmation doit toujours rendre hommage aux musiques métisses en devenir, qui s'inscrivent dans la bataille de l'homme contre l'urbanité rampante, tout en s'ancrant dans une authenticité qui ne renie pas le passé. De ce principe sans doute positif naissent chaque année des rencontres d'une qualité artistique indiscutable, qui célèbrent sur les rives de la Charente le mariage d'une certaine modernité scénique avec la nostalgie des traditions et des patrimoines musicaux. Angoulême, après avoir été un festival de jazz, est devenu ainsi au fil des années le rendez-vous obligé des musiques du monde en France.
La convivialité n'est pas que musicale
Le festival des Musiques Métisses s'est terminé lundi 24 dans la liesse générale. La programmation fut éclectique et s'invita sur tous les continents… ou presque. L'Afrique, comme chaque année, y reçut une place de choix. Directeur du festival, Christian Mousset a une devise : sa programmation doit toujours rendre hommage aux musiques métisses en devenir, qui s'inscrivent dans la bataille de l'homme contre l'urbanité rampante, tout en s'ancrant dans une authenticité qui ne renie pas le passé. De ce principe sans doute positif naissent chaque année des rencontres d'une qualité artistique indiscutable, qui célèbrent sur les rives de la Charente le mariage d'une certaine modernité scénique avec la nostalgie des traditions et des patrimoines musicaux. Angoulême, après avoir été un festival de jazz, est devenu ainsi au fil des années le rendez-vous obligé des musiques du monde en France.
Un projet qui réussit entre autres grâce à quelques éléments de bonne volonté. Des talents confirmés et de passionnantes découvertes, une action sociale qui déborde le festival et qui s'introduit dans les quartiers défavorisés de la ville, une gratuité et un coût des concerts qui rend la programmation accessible à tout le monde, un travail avec les associations communautaires qui grignote les barrières entre les différents habitants d'Angoulême, une convivialité et un cadre qui attire le public d'ailleurs. De quoi concurrencer énergiquement l'autre rendez-vous de l'année dans ces lieux (le festival de la bande dessinée), avec des musiques sur lesquelles les major compagnies ont du mal parfois à parier.
Un autre principe qui fonde le succès de ce festival, c'est l'Afrique. Mousset est persuadé que c'est le continent-mère de toutes les musiques. Chaque année, il se débrouille donc pour lui tailler une place de choix dans sa programmation. Cette dernière édition n'a pas dérogé à la règle. Elle nous a fait voyager du nord au sud. Le Maroc, l'Algérie, le Mali, le Congo, le Zimbabwe, l'Afrique du Sud… et bien d'autres pays encore. Près de quinze pays représentés pour la seule Afrique Noire. Un déluge de sons, qui, une fois encore, se situe entre histoire urbaine et mémoire du terroir. C'est ainsi que Busi Mhlongo, ambassadrice de l'art vocal zuló, est descendue dans le coin lâcher sa fureur de femme fatale annonçant le 3ème millénaire, sous le grand chapiteau des Musiques Métisses. Baignée très tôt dans un paysage sonore où le doigté des instruments naviguait entre le son de la mbira (piano à pouce) et de la guitare électrique, la zimbabwéenne Chiwoniso, élue Découverte 98 par RFI, est venue lui emboîter le pas aussi, au cours d'une soirée réservée aux femmes africaines (aux côtés de Sally Nyolo et de Cesaria Evora).
Déesse Herminia, Oumou Sangaré, Habib Koité, Boubacar Traoré, Néba Solo, Scorpions, Mahmoud Ahmed (photo)… le festival nous a offert un plateau de rêve, concernant la partie noire du Continent. Nous pourrions vous détailler le bonheur provoqué par chacune des sonorités conviées sur ces rives angoumoises du 20 au 24 mai. Mais il est fort probable que le public, mieux que personne, a su l'exprimer. Près de vingt mille personnes par exemple se sont déplacées samedi et dimanche, qu'il pleuve ou qu'il fasse beau, pour honorer ce rendez-vous. Tous n'avaient pas forcément les moyens de rentrer dans les concerts payants. Mais la scène du Mandingue et celle réservée aux concerts acoustiques, toutes deux gratuites, ont su les combler. Le village de Bourgines où se tient le festival sait aussi charmer ses visiteurs. Percussions en plein air, expositions, gastronomie, débats… On aura remarqué le stand de l'association qui fédère les militants charentais de la lutte pour une régularisation des 'Sans-Papiers'. Voilà en quelques mots ce qui institue l'éclat d'un festival musical aussi pluriel.
Un coup de cœur pour terminer, puisqu'il faut en distinguer au moins un : les Mamar Kassey du Niger (photo). Leur nom, ils l'empruntent à un empereur Songhaï. Leur leader, Yacouba Moumouni, est un ancien berger, qui s'est reconverti, après bien des déboires (il a été boy, une condition sociale pas très évidente dans l'Afrique contemporaine), dans le chant et la composition. Leur musique, ils la trafiquent au nom d'une urbanité grandissante dans la ville de Niamey, en allant puiser dans le patrimoine (Songhaï, Peul…). Ceux qui ont connu les grands classiques africains des années 80, y compris le miracle 'Touré Kunda', ne seront certainement pas surpris : croisement des instruments traditionnels (flûte seyse, tambour d'aisselle kalangu…) avec le monde de l'électroacoustique (basse, guitares…), un challenge connu de tous les mélomanes africains. Ceux qui apprécient le son malien, souvent confondu avec le blues (Ali Farka Touré, Boubacar Traoré), comprendront sans difficultés aucunes le message des neuf membres du groupe. Mais là où l'ensemble séduit et impressionne à la fois, c'est au niveau de ses prestations scéniques : ils sont jeunes, ils en veulent! Aucune facilité dans la fusion, tout dans la sincérité, voilà ce qui les distingue. On attendra certainement à nouveau reparler d'eux dans les jours qui viennent.
Soeuf Elbadawi.