Chris Combette

Le festival des Transamazoniennes, né sur les berges du Maroni, en Guyane française, s'exporte pour s'installer le temps d'une soirée au Cabaret Sauvage, au bord du canal de l'Ourcq, à Paris le 30 mai. Neuf groupes feront résonner leurs tambours sur le site de la Villette, le 30 mai, parmi lesquels Natural Roots, Ruben, Joelick Jornic, Compress 220 V, Ruben, Sista Rudo, Rami Man. L'une des ses têtes d'affiche, le charismatique chanteur et guitariste guyanais Chris Combette, nous présente ces musiques à la croisée de l'Afrique et des Caraïbes.

Les Transamazoniennes

Le festival des Transamazoniennes, né sur les berges du Maroni, en Guyane française, s'exporte pour s'installer le temps d'une soirée au Cabaret Sauvage, au bord du canal de l'Ourcq, à Paris le 30 mai. Neuf groupes feront résonner leurs tambours sur le site de la Villette, le 30 mai, parmi lesquels Natural Roots, Ruben, Joelick Jornic, Compress 220 V, Ruben, Sista Rudo, Rami Man. L'une des ses têtes d'affiche, le charismatique chanteur et guitariste guyanais Chris Combette, nous présente ces musiques à la croisée de l'Afrique et des Caraïbes.

Un projet ambitieux que ces Transamazoniennes, destiné à faire connaître ces musiques au monde jusque-là confinées sur les bords du fleuve Maroni ?
C'est avant tout la volonté d'une personne que j'ai plaisir à citer, qui est Michael Christophe, un Guadeloupéen de 25 ans, grand baroudeur et organisateur dans l'âme. Grâce à sa volonté et à son désir de donner à mieux connaître la Guyane, Michael a tout d'abord créé le Job'Art Café, dans la commune de Saint-Laurent. Un café-zique face au fleuve, devenu en l'espace de deux ans le lieu de rendez-vous de toute la scène locale. Puis, lui est venue l'idée de créer un festival des musiques de l'ouest, celles qui sont autour du fleuve comme l'Aléké, l'Awassa ou le Bigui Pokoe qui marche bien dans les bals de Guyane et du Surinam. Enfin le festival s'est étendu aux musiques de Guyane incluant le Surinam et la Guyane anglaise. Maintenant il arrive à Paris, au Cabaret sauvage, dans un chapiteau où nous allons fêter l'Amazonie, et réchauffer le cœur des Parisiens !

Des rythmes de tambours, l'aléké, qui sont frappés par les Nègres Marrons... tout du moins par leurs arrières arrières petits-fils ?
Oui, les Nègres Marrons, issus de ces esclaves africains évadés des plantations au 18ème siècle, les Bushi Nengué. Et qui se sont enfuis dans la forêt guyanaise pour échapper aux horreurs que l'on connaît. Leurs descendants ont quasiment créé une civilisation autour de ce fleuve et ils y ont créé une musique, celle de l'aléké, qui arrive tout droit de l'Afrique, certes, mais qui est à la fois très identitaire. En même temps, ce sont des Guyanais, donc des Français.

C'est dans les ruines de l'ancien bagne de Saint-Laurent du Maroni que s'est déroulée la première édition de ces Transamazoniennes. Tout un symbole ? C'est en effet chargé de symbole car pour une fois tous les jeunes qui venaient assister aux concerts faisaient le mur, mais de l'extérieur vers l'intérieur. La dernière édition a accueilli Jimmy Cliff lors d'un concert monumental avec 4.000 personnes dans cet endroit à la fois triste et heureux. On parle peu de la Guyane et malheureusement, je crois que le bagne doit y être pour quelque chose...

Né en Guyane française, vous avez grandi au Havre...
Jusqu'à l'âge de six ans, puis je suis parti en Martinique où j'ai vécu jusqu'à ma majorité. Dès mon adolescence, je faisais de la musique, même pendant mes études d'informatique. J'ai travaillé dans l'enseignement pendant quelques années avant de devenir musicien professionnel. Après neuf années passées à Paris, je me suis installé en Guyane depuis deux ans, où il fait bon vivre...

Influencé par Coltrane, Miles Davis et Bob Marley bien sûr, on est loin du zouk pourtant très associé aux Antilles ?
Oui et non, car dans ma musique il y a du reggae, de la bossa, de la salsa et du zouk. Mais un zouk qui va se balader sur les rivages de la bossa nova, du jazz, du reggae, je pense que ma musique est en devenir, une formation autour un creuset de recherche. Sur l'album des Transamazoniennes, il n'y a pas un groupe de zouk qui ne fasse uniquement cela. C'est aussi une façon de dire qu'il y a autre chose dans les Dom Tom et tout d'abord une richesse énorme.

Entre rythmes caribéens et influences jazzy, vous avez une chanson à votre répertoire intitulée "Tambour tabou", on peut la décrypter ?
Tout simplement parce que le tambour rappelait l'esclavage. Pendant longtemps aux Antilles on a souffert de cette idée de l'esclavage et on en souffre certainement encore. Sauf que maintenant avec les facilités de communication, grâce à l'apport de la télévision, d'internet ou du satellite, on se cultive beaucoup plus rapidement. Les Antillais sont plus conscients qu'ils ont quelque chose à apporter au monde. Ce ne sont plus des choses qui sont jugulées, enfouies, dont on ne veut plus parler mais au contraire qui deviennent des forces. Cette chanson "Tambour tabou", dit qu'il faut aimer le tambour, il faut aimer le gwoka, le ka, le belair. Ce sont des choses qui nous viennent de l'esclavage où lorsque après la récolte du coton, autour de la case le soir, les esclaves se réunissaient et faisaient de la musique avec du tambour. Pendant longtemps, il valait mieux jouer du piano que de taper sur un tambour.

Vous avez été sélectionné par le Midem, il y a un an, pour représenter les jeunes talents francophones susceptibles de s'exporter...
Parce que peut être que dans ma musique, il y a cette volonté d'englober tout ce qui existe dans les Antilles. Nous sommes le métissage par définition entre l'Afrique et l'Occident, nous sommes aussi un métissage culturel entre l'Afrique, Haïti, Cuba dans un creuset complètement vivant de cultures différentes. Pourtant, je ne me réveille pas un beau matin en me disant que je vais faire ce type de musique car cela va faire plaisir aux gens. Non, j'ai grandi avec la salsa, le compas, j'ai une chance et cette chance, elle vient du fait que j'ai grandi aux Antilles. Je ne sais pas ou je vais, mais je sais comment j'y vais. Je vois le chemin que j'emprunte et c'est vraiment de la recherche à l'état pur.

Une sélection qui vous a permis de tourner aux Etats-Unis ?
Oui car après mon passage au Midem de Miami pour les musiques caribéennes, je suis allé deux fois à Austin au Texas. Puis en juillet et en août dernier, grâce à l'association Magoa de Michael Christophe, on a fait des festivals de reggae à Houston et à Boston avec un petit tour au festival de jazz de Montréal.

La musique française qui s'exporte sur le continent nord-américain est classée dans la world music. Cela vous paraît-il assez bien refléter la tendance actuelle ?
Ce qui me plaît dans la world music, c'est le mot world. Ce qui me déplaît, c'est l'idée que lorsqu'on ne sait pas trop où la classer, on la range dans cette catégorie. Ce qui est vrai, c'est que lorsqu'on entend les musiques africaines nouvelles comme la Camerounaise Sally Nyolo ou la Zimbabwéenne Chiwoniso, c'est avant tout de la musique africaine. Avec tout de même, cette locomotive occidentale, avec des rythmes funk ou des grooves très modernes. Peut-être reviendra-t-on à des termes plus simples en parlant de musique africaine moderne ou bien de musique antillaise moderne.

Transamazoniennes, Musiques de Guyanne (Front Line/Night and Day)
Salambô Chris Combette (Déclic)