Michel Polnareff en interview

Je rêve d'un monde est sorti le 1er juin chez les disquaires français. Outre Lee Neddy, morceau instrumental paru en 1996 parmi dix-huit anciens succès sur son album Live at the Roxy, c'est la première chanson nouvelle de Michel Polnareff depuis l'album Kama-Sutra en 1990. Mélodie enflammée dans les aigus, arrangements emphatiques derrière le piano de Polnareff: pas de surprise pour des retrouvailles pesamment annoncées dans les médias, et qui annoncent un album à venir à l'automne ou à l'hiver prochain, quand le chanteur, perfectionniste maniaque, sera enfin prêt.

Une chanson en attendant l'album, une interview pour RFI Musique

Je rêve d'un monde est sorti le 1er juin chez les disquaires français. Outre Lee Neddy, morceau instrumental paru en 1996 parmi dix-huit anciens succès sur son album Live at the Roxy, c'est la première chanson nouvelle de Michel Polnareff depuis l'album Kama-Sutra en 1990. Mélodie enflammée dans les aigus, arrangements emphatiques derrière le piano de Polnareff: pas de surprise pour des retrouvailles pesamment annoncées dans les médias, et qui annoncent un album à venir à l'automne ou à l'hiver prochain, quand le chanteur, perfectionniste maniaque, sera enfin prêt.

Installé à Los Angeles où il mène une vie discrète, le chanteur travaille lentement, gardant le lien avec la France par internet et son actif site http://www.polnaweb.com/. Et, pour la sortie de Je rêve d'un monde, il a accordé parcimonieusement quelques interviews par téléphone.

Où en êtes-vous de votre album ?
Un CD peut faire 74 minutes. Or j'ai de quoi faire un double-CD. Alors, il faut choisir, mais il m'est plus facile d'enregistrer que de choisir.

 

  Où en êtes-vous de ce disque? A l'enregistrement ou déjà au mixage ?
En fait, un peu les deux en même temps. J'aime bien sauter d'un titre à l'autre.

Comment écrivez-vous vos chansons ?
Je compose la musique d'abord, sur laquelle je mets des paroles bidon. Après, j'écris les vraies paroles, si possible avec un aussi bon son que les fausses paroles - et un sens, évidemment.

Est-ce long d'écrire vos paroles ?
Ça jaillit d'un coup après pas mal de temps.

Comme la musique ?
Non, la musique est plus instantanée.

Toutes les paroles sont écrites ?
Pas tout à fait.

Vous angoissez ?
Raisonnablement.

Comme compositeur, vous avez toujours eu confiance en vous ?
La création et l'écriture sont fondées sur les doutes. Par contre, une fois que c'est enregistré, je n'en ai plus aucun.

Vous avez confiance en votre savoir-faire ?
Je n'ai jamais utilisé aucune formule qui marche, je veux toujours prendre des risques – il n'y a que ça qui m'intéresse. Je n'aime pas le professionnalisme, tout ce qui fait qu'on s'en sort de toute façon.

Cela vous inquiète-t-il de ne pas arriver à finir votre album à la date prévue ?
Si c'est au nom de la qualité, pas du tout. J'espère tenir la date butoir d'octobre-novembre, mais il faut que ce soit une bonne pression. J'ai bon espoir de l'avoir fini à temps.

Dix ans sans faire d'album de nouvelles chansons, ça n'a pas été trop long ?
Non, parce que je vis tout le temps avec mes nouvelles chansons – celles que je compose, sur lesquelles je m'excite, celles qui ne me plaisent plus, celles que j'enregistre ensuite. Il n'y a pas de règle établie pour le temps entre les disques et la quantité de disques. Ce qui est important, c'est de faire rêver le public.

Pendant tout ce temps, vous n'avez pas cessé d'écrire ?
Des fois, il faut s'arrêter, faire autre chose. Ce qui est important, ce n'est pas de sortir un certain nombre d'albums, mais de ne sortir que des bons albums. Même Live at the Roxy, qui était une revue des anciens succès sous une forme nouvelle, était un challenge important.

Vous réécoutez beaucoup vos anciens disques ?
Très peu. Mais quand ça m'arrive, je suis en général content de mes choix, content d'avoir choisi telle chanson et pas une autre. En fait, j'enregistre très souvent mais je jette pas mal de choses, parce qu'il ne faut pas se faire plaisir qu'à soi-même, mais aussi aux autres. Il y a des chansons qui me donnent l'impression de n'être écrites que pour moi. Mon plaisir est comblé mais je les jette parce qu'elles ne me semblent pas faites pour le plaisir du public.

Vous les jetez ou vous les gardez sur une étagère ?
Je les jette.

Mais il doit bien y avoir quelque part des chutes de vos chansons inachevées ou écartées ?
– Sûrement. Je crois que la poubelle dans laquelle je les jette est ramassée soigneusement par quelqu'un d'autre. Par exemple, je sais qu'on a retrouvé l'enregistrement de La Poupée qui fait non que j'avais fait avec Jimi Hendrix à Amsterdam. Mais ça n'a qu'un caractère historique.

Vous aimeriez voir sortir tous ces enregistrements, ce qu'on appelle dans le jazz des "alternate takes" ?
Pourquoi pas ? Mais la question ne s'est pas encore posée.
 

 
Vous avez été surpris du succès en France de Live at the Roxy ?
Ce disque a été numéro un pendant des semaines, mais je ne peux pas dire que j'ai été étonné, puisque je connais la fidélité de mon public. C'est sûr que c'était un peu étonnant puisque c'était des chansons déjà connues. Mais je crois que ce qui intéressait mon public était de voir que je pouvais encore chanter après mon opération. Il a montré une fidélité que je crois mériter par rapport au respect que j'ai pour lui.

Vous êtes confiant pour votre prochain album ?
Très. Je n'aurais même pas pu le commencer si je ne l'étais pas. Aujourd'hui, j'aime plus faire les choses pour les autres que pour moi-même. Si je ne sentais pas que mon public attend ce disque, ça m'enlèverait beaucoup de la force nécessaire pour le faire.

Vous n'avez jamais eu la tentation d'arrêter la musique ?
Tout le temps. Je crois que ça fait partie des fantasmes de penser qu'on va être libre un jour. Mais ça ne s'est jamais présenté de façon très prolongée.

Quand cela vous prend-il ?
Dans ces moments où on se demande ce qu'on fait et pourquoi on le fait. C'est là qu'intervient la générosité, le manque d'égoïsme: il faut continuer pour ceux qui en ont besoin, pour mon public. Quand je regarde ce qu'on m'écrit sur mon site internet et que je vois l'attente qu'il y a sur ce disque, ça me donne la force et l'envie de continuer.

Vos problèmes avec vos maisons de disques sont légendaires...
J'aime la musique et j'aime le public. Tout ce qui s'intercale entre les deux me dérange souvent. Les maisons de disques sont des animaux étranges: des pouvoirs invisibles même pour les gens qui y travaillent, des intrigues, une politique, des inquiétudes... Je comprends tout ça mais je trouve tout à fait démodé d'avoir des problèmes avec sa maison de disques. D'ailleurs, je ne connais aucun problème avec la mienne.

Pourquoi en avez-vous eu si longtemps ?
Je pense que les maisons de disques ont des problèmes de maison de disques. J'ai toujours eu une réputation de rebelle, de provocateur, avec laquelle je ne suis pas complètement d'accord. Il se trouve que j'aime bien imposer mes idées mais je trouve que ces conflits sont désastreux. Encore une fois, ce n'est plus d'actualité.

Vous aimez les samplers et les nouvelles machines musicales électroniques ?
Bien sûr. Je rêve d'un monde est assez puriste mais sur le reste de l'album il y a beaucoup de samplers. J'adore les techniques nouvelles et j'ai toujours utilisé tous les gadgets musicaux. Je ne suis pas un fanatique de John Cage mais je pense que tout est musique: il y a des bruits de la vie de tous les jours que j'aime bien retrouver dans la musique. Alors j'essaie de rester humain face au côté froid et robotique que peuvent avoir les samplers.

Aimez-vous les bricoler, leur ouvrir le ventre ?
Je n'en ai pas le temps actuellement. Comme je suis en train d'enregistrer, je ne peux pas mettre mon énergie partout. J'ai avec moi un programmeur qui le fait. J'utilise plus que j'analyse.

Travaillez-vous beaucoup ?
C'est difficile à dire. Je travaille tout le temps mais le nombre d'heures en studio est variable. Parfois, c'est en sortant du studio que j'ai des idées. Alors j'y retourne. Mais je ne crois pas trop aux heures de présence.

La France vous manque ?
La France me manque quand j'y suis.

Vous trouvez qu'elle n'est plus telle que vous l'aimiez ?
Le monde est en train de devenir de plus en plus petit. Le fameux fossé de l'Atlantique, entre la France et l'Amérique, est de plus en plus petit, ce que je regrette un peu.

Pourtant vous vivez aux États-Unis...
Je ne suis pas un fanatique de la normalisation, et j'aime bien que chaque pays conserve sa culture. Je suis assez content de faire partie de la culture française, mais aussi de vivre aux États-Unis et de travailler avec des musiciens que j'adore, et qui sont très agréables.

Quel lien gardez-vous avec la France ?
Je suis ce qui se passe en France à travers l'écran – je suis fanatique de l'Internet. Et j'ai des projets de scène en France.

Michel Polnareff Je rêve d'un monde (Sony) 1999