MELA
Méla-Musique, concept de rencontres et d'échanges autour des sons d'ailleurs, avec carte blanche donnée à la Maison des Cultures du Monde pour la programmation, a pris fin hier soir à la Cité de la Musique, à Paris.
Concerts et forums… la belle formule !
Méla-Musique, concept de rencontres et d'échanges autour des sons d'ailleurs, avec carte blanche donnée à la Maison des Cultures du Monde pour la programmation, a pris fin hier soir à la Cité de la Musique, à Paris.
Ce fut une sorte de mini-festival. Un rendez-vous parisien essentiel pour tout mélomane appréciant les musiques du monde autrement que par leurs différentes étiquettes réductrices. Pour deux raisons. La première se situe au niveau de la programmation. Éclectique, ouverte sur tous les continents ou… presque, elle répondait à un principe unique qui mêlait les spectacles rares aux traditions populaires, en élargissant les barrières du sacré au profane. Il s'agissait de donner à voir toutes les possibilités que peuvent offrir les sons d'ailleurs en condensé (du 3 au 6 juin), tout en respectant un certain état d'esprit. Car l'idée du Méla tient beaucoup à se rapprocher d'un principe indien qui incarne les notions de fête et de rassemblement.
Vendredi 4 juin, une formation de Mariachis, venant du Mexique et de l'Allemagne, inaugurait le festival en musique. Au même moment, dans une autre salle, Gandab Gulieva, cantatrice en Azerbaïdjan, défendait les couleurs du mugam, une musique classique et raffinée qui rappelle les fastes de l'empire arabo-musulman, à une époque où Bagdad multipliait ses échanges culturels avec Cordoue. Théâtre musical tiré du Mahâbhârata avec la troupe indienne Satvikam-Kalasadanam, traditions épiques du Mandé avec la Malienne Diaba Koïta, tambours wadaïko du Japon avec Magumu Nishino et ses disciples, musiques Klezmer d'Europe orientale et nostalgie judéo-russe interprétée par l'ensemble Kasbek, flamenco et tendance jondo en compagnie du gitan "El Parron" alias Jaime Heredia, harpes et chants celtiques des bretons Kroaz Telenn, chants et danses soufi des Aïssawa de Meknès, virtuosité caribéenne avec les Steel Drum Melodies… Un programme alléchant sur lequel il y aurait peu de choses à redire.
La deuxième raison pour laquelle ce rendez-vous a su capter l'attention du mélomane averti, au-delà du spectacle vivant lui-même, est due aux forums organisés les 3 et 4 juin derniers. Réunissant des professionnels des médias et de la culture, ces rencontres avaient pour objectif principal l'établissement d'un état des lieux dans le domaine des musiques du monde en France. Le public, les pratiques de diffusion, les chiffres, la production et le management… autant de sujets passés au crible durant ce Méla-Musique. Dans le lot, nous aurons retenu le débat orchestré autour de la circulation des artistes extra européens : un sérieux problème pour la majeure partie des tourneurs, qui vient mettre à mal l'image d'une terre d'accueil que la France a toujours revendiqué jusqu'alors. On peut penser que la politique des visas, attribués au compte-gouttes à des artistes étrangers qui contribuent à faire tourner l'industrie musicale française (même si c'est à moindre échelle, comparé aux succès de la pop), tombe mal… dans la mesure où Paris aimerait bien redevenir la capitale de la sono mondiale qu'elle fut au début des années 80.
On peut aussi croire que la nouvelle circulaire qui accompagne les dispositions de la loi dite "Chevènement" sur l'entrée et le séjour des étrangers en France participe désormais aux solutions préconisées par les gens de la profession pour sortir les artistes ou les musiques concernées de la "spirale de l'immigration supposée sauvage". Elle admet l'idée que le séjour des artistes étrangers dans l'Hexagone répond à des considérations particulières. Une carte de séjour temporaire portant la mention "profession artistique et culturelle" a été mise en place. Une bonne nouvelle en soi qui a permis d'assainir un peu la situation, avec le Continent noir notamment. Bien que les couacs se multiplient encore. Dimanche 30 mai par exemple, se tenait le festival guyanais des Transamazoniennes à Paris. Un groupe d'artistes traditionnels, vivant sur le fleuve Maroni, n'a pu s'y rendre, à cause de problèmes du même genre. "Le comble, c'est qu'ils sont français…" nous explique un des organisateurs de cet autre rendez-vous. Malheureusement, ils n'étaient répertoriés nulle part dans l'administration française. Ils étaient donc considérés comme étrangers, ce qui explique "leurs galères de papiers".
D'où l'intérêt de ce type de rencontre autour des questions que peut soulever la diffusion des musiques du monde en France et en Europe. Rappelons que la circulaire en vigueur actuellement a été défendue au départ par différents organismes dont Zone Franche, l'association francophone en charge de ces forums du Méla-Musique. Rappelons également que ce colloque fait suite à un numéro spécial* de l'Internationale de l'Imaginaire, une revue publiée dans la collection Babel/Maison des Cultures du Monde (n° 11), qui réunit les meilleures plumes françaises sur la question.
Soeuf Elbadawi.
*Les Musiques du Monde en question (Babel).