LA TRAVERSEE DE PARIS
Mettons d'abord fin à l'insoutenable suspense qui, j'en suis sûr, vous noue les entrailles: il ne pleuvra pas cette nuit. Et c'est tant mieux parce qu'enfin une Fête de la Musique sous la flotte - on a connu - c'est un peu comme un café américain quand vous avez commandé un expresso.
Une douce nuit d'été
Mettons d'abord fin à l'insoutenable suspense qui, j'en suis sûr, vous noue les entrailles: il ne pleuvra pas cette nuit. Et c'est tant mieux parce qu'enfin une Fête de la Musique sous la flotte - on a connu - c'est un peu comme un café américain quand vous avez commandé un expresso.
Bref, en fin d'après-midi les derniers nuages se sont évanouis dans l'azur profond de cette première soirée d'été.
Juste un peu frisquet, mais ça pousse à danser. Alors direction le ministère de la Coopération, boulevard des Invalides, pour un peu de son cubain, histoire de se mettre en jambes. Justement, quand nous arrivons, Raul Paz est en train d'interpréter ce "Couleur Café" qui l'a rendu célèbre (après Gainsbourg, quand même). Un peu tôt encore ? Ou l'endroit est-il trop solennel ? Toujours est-il que l'ambiance est un peu terne, face à ce rock -reggae- latino qui mériterait plus d'enthousiasme. Sagement assis sur la pelouse, le public semble un peu décontenancé. Certes ce n'est pas de la salsa, mais c'est une nouvelle fusion -comme d'ailleurs l'était la salsa en son temps.
Allez, pas le temps de mollir, il y a encore beaucoup à voir et à entendre. Petit arrêt sympathique devant la musique de la garde républicaine, rutilante sous les rayons obliques du soleil couchant, et le scooter de Pierre avale la voie sur berges jusqu'au Marais où même un deux-roues a le plus grand mal à se frayer un chemin. Comme chaque année ce quartier de plus en plus à la mode est le vrai cœur de la Fête de la Musique. Quelle superbe idée, il est vrai, d'avoir ouvert tous ces lieux magnifiques à la musique vivante: des jardins du Palais-Royal au Musée Carnavalet, ce n'est qu'enchantement pour les yeux et les oreilles.
Au beau mitan de la place du Marché Sainte-Catherine, un petit groupe de musette new-look a mobilisé la foule des grands jours, laquelle se livre à une curieuse mais joyeuse java-pogo. Alentour, les terrasses des cafés affichent complet, archi-complet, jusque sur les réverbères ! En jouant des coudes, on atteint la cour splendide de l'Hôtel d'Albret où Ray Lema et les Gnaouas du Maroc sont en train de mettre la foule en transes. Une scène minuscule qui ne semble pas décontenancer les hommes du désert, et sur laquelle on a même réussi à caser un piano à queue. Il y a autant de monde dehors que dedans, mais personne ne râle, sachant qu'il y aura forcément, quelques mètres plus loin, un autre groupe, un autre chanteur, ou un couple venu de sa banlieue avec un tambourin et un pipeau et qui, pour un soir, se trouvera un public enthousiaste. C'est cela, la magie de la Fête de la Musique.
Pierre est devenu fou, et se livre à un dangereux gymkana en Vespa au milieu de la foule interloquée. C'est qu'il faut encore rejoindre les quais de la Seine, où s'étalent partout les mini-raves techno. De loin les basses traversent nos casques, il suffit de se repérer au son. Face à Notre-Dame, de la techno. A la lumière du bateau-phare, tout de rouge vêtu, de la techno. Un peu partout, de la boîte à rythme. Autant le dire, tout ça est aussi convivial qu'un banquet annuel de marteaux- piqueurs, et il faut avoir consommé au moins son poids d'ecstasy pour trouver quelque interêt à cette mélasse. Du reste les têtes, ici, sont sinistres, et les vibration carrément mauvaises.
Heureusement, au bout du bout du quai, coincées au pied du pont de Tolbiac, deux camionnettes anglaises, déglinguées comme on les aime, encadrent un mini sound system qui produit un son disproportionné à sa petite taille. Un toaster jamaïcain y enchaîne les Pablo Moses, Gregory Isaacs, Israel Vibration, dans le meilleur rub-a-dub style. Bouche-à-oreille (ou téléphone portable ?), le tout-Paris rasta converge vers cet oasis tropical d'où sélève un nuage qui ne doit pas être de l'Amsterdamer. A suivre…
JJD