FESTIVAL D'ÉTÉ DE NANTES (2)
Pour la première soirée, le public du Festival d'Eté de Nantes était au rendez-vous. Certes, les Nantais paraissaient quelque peu déboussolés par ce changement de site : les douves royales du Château des Ducs ont laissé la place au site ouvrier de Dubigeon, les pieds sont légèrement humides et les concerts sont à apprécier debout. Mais qu'importe, que les spectacles commencent.
Entre maloya, fado et gavotte
Pour la première soirée, le public du Festival d'Eté de Nantes était au rendez-vous. Certes, les Nantais paraissaient quelque peu déboussolés par ce changement de site : les douves royales du Château des Ducs ont laissé la place au site ouvrier de Dubigeon, les pieds sont légèrement humides et les concerts sont à apprécier debout. Mais qu'importe, que les spectacles commencent.
Kiltir ouvre les festivités. Ces huit jeunes Réunionnais investissent la Scène du Village pieds nus, certains avec des chaînes (en plastique) autour des poignets : le décor est planté, le maloya frappe fort. Sorte de blues festif qui porte haut les couleurs de la culture créole, le maloya fut introduit dans l'île par les esclaves à partir du 18ème siècle. C'est à la fois un chant et une danse dont les chorégraphies très élaborées, alternent évocations de la vie quotidienne et 'moringue', danse-combat des esclaves. Avec une grande variété de percussions, le maloya allie force et subtilité rythmique.
Kiltir joue certes du maloya traditionnel (à l'opposé du maloya électrique), mais musicalement enrichit par des influences rap ou reggae sans que le style y perde son âme. Les textes sont positifs, entre patrimoine, mémoire et problèmes actuels, avec une chanson-hommage à Nelson Mandela ou encore ce titre dédié à tous les gens de la rue. Le public s'essaie à quelques déhanchements sur " Destin Maloya ", c'est hésitant pour un premier contact, et c'est normal. Mais Kiltir se produira à nouveau mercredi et jeudi. Parions que l'ambiance sera cette fois au rendez-vous. Jeannick, le chanteur, de rappeler que le maloya " c'est une façon de véhiculer la fraternité ". Après la génération Grammoun Lélé et Daniel Waro, la relève sur l'île s'avère talentueuse.
La vaste scène de la Cale se prépare. Du haut de l'immense hangar couvert la vue plonge sur la Loire avec au-delà le Quai de la Fosse. C'est là que naissaient les navires, on en voit encore les sillages. Mais ce soir, c'est un autre voyage que ce lieu nous réserve, un voyage magique et envoûtant au pays du fado. Trois guitaristes de noir vêtus prennent place, leurs visages sont concentrés. Les notes s'envolent au-delà du fleuve, comme pour accompagner le tournoiement des mouettes.
Après un premier morceau, Christina Branco entre sur scène sous les applaudissements et entame son tour de chant. Son regard part au loin, bras levés, les paroles se lisent sur son visage expressif. Son emphase est élégante, son timbre aigu et clair, sa tessiture large. La chanteuse nous transporte avec bonheur dans son monde. " Mon français, c'est terrible ". Oui, terriblement chantonnant aux accents du sud. Custodio Castelo (guitare portugaise) la couve du regard, Carlos Manuel Proença (guitare) et Alexandre Silva (guitare basse) suspendent une fraction de seconde leurs doigts encore pincés au-dessus des cordes, la voix s'élève, quelle merveille ! Cette voix et cette sensibilité qui œuvrent pour parfaire ce délicat mariage des mots et des notes. Gracieuse et délicate, Christina Branco fût la reine de la soirée, largement ovationnée. " Je pars, mais je reste un peu parmi vous à jamais ".
L'Occidentale de Fanfare clôturera cette soirée par un savant mélange Bretagne/Gascogne. Après le minimal requis par Christina Branco, la scène de ces 18 musiciens semble fastidieuse à superviser et rutile de mille feux : pieds de micro, caisses claires et cuivres en tous genres. L'Occidentale de Fanfare c'est le bagad breton (bombardes, cornemuse et caisses claires) et la ripatalouère gasconne (fifres, tambour d'état major, grosse caisse), deux types d'orchestres, réunis pour une même fonction de danse et de fête, avec entre les deux tubas, saxophones, trombones et percussions. Orchestrée par Francis Mounier (clarinette, saxophone), cette joyeuse fanfare ne se veut jamais cacophonique, grâce à la qualité instrumentale et à la rigueur technique.
Les instruments se répondent, se confondent sans jamais s'entrechoquer pour nous emmener dans une gavotte effrénée, nous faire swinguer sur un air de reggae " Rondeau de l'an 2000 ", auquel s'enchaîne une " Valse du cercle ". La bonne humeur qui se dégage de l'ensemble se diffuse sans peine parmi les spectateurs.
Rendez-vous vendredi dans le Petit Journal pour de nouvelles destinations et de nouveaux sons du festival " Musiques sur l'Ile " de Nantes.
Frédérique Hall à Nantes
Kiltir : " Destin Maloya " Discorama (1998)
Christina Branco : " Murmurios " MW Records (1998)
L'Occidentale de Fanfare : " L'Occidentale de Fanfare " coproduction Coop Breizh et Troisquatre ! (1997/1998)