Thank you Ferré
Rendez-vous dans la librairie libertaire de Paris avec Alain Aurenche et Julien, amoureux de l'œuvre du grand Léo et animateurs de l'association Thank You Ferré, les deux hommes parlent du "Vieux" ou de "Léo" quand d'autres évoquent Ferré comme s'il s'agissait d'une institution, d'un monument du patrimoine de la chanson française. Présentation de la soirée annuelle en hommage au poète-chanteur, le 14 juillet 99.
Le poète n'est pas mort
Rendez-vous dans la librairie libertaire de Paris avec Alain Aurenche et Julien, amoureux de l'œuvre du grand Léo et animateurs de l'association Thank You Ferré, les deux hommes parlent du "Vieux" ou de "Léo" quand d'autres évoquent Ferré comme s'il s'agissait d'une institution, d'un monument du patrimoine de la chanson française. Présentation de la soirée annuelle en hommage au poète-chanteur, le 14 juillet 99.
C'est Alain Aurenche qui ouvre la discussion. Auteur de quatre albums - dont le dernier date de 96 - il fit en 86, la première partie de Léo Ferré pendant 3 semaines au TLP Dejazet. Il fut le premier à lui rendre hommage après sa disparition : "Quelques semaines avant le premier anniversaire de la mort de Léo, je me suis aperçu que rien ne se faisait. Je me suis dit qu'on ne pouvait pas laisser passer ça. J'ai décidé de rameuter quelques amis et quelques personnages qui avaient connu Léo, dont Paco Ibanez et Jean-Pierre Chabrol. On a décidé de faire une soirée au Trianon. Puis d'autres camarades sont venus et ont trouvé que c'était une excellente idée." Julien enchaîne instantanément : "Ce sont des gens de l'ancien Théâtre Libertaire de Paris et de Radio Libertaire. Il faut partir de l'idée que les anars essaient d'être honnêtes intellectuellement et qu'ils ont la reconnaissance du ventre. Ferré nous a aidé pour l'achat du studio de Radio Libertaire. C'est grâce à des concerts qu'il a donnés bénévolement qu'on a pu acheter les murs de cette radio. On a une dette morale et physique envers Léo".
C'était le 14 juillet 94. Depuis l'association Thank You Ferré qui n'existe que pour l'organisation de cette soirée, donne chaque année un concert à la même date au même endroit avec des invités comme Allain Leprest, Cora Vaucaire, Guy Béart, Catherine Ribeiro, Sapho, lesquels depuis 5 ans ont interprété les chansons de Léo Ferré avec visiblement comme le dit Julien, quelques angoisses : "Il faut voir dans les coulisses la tête qu'ils ont tous. Célèbres ou inconnus, ils ont la trouille d'attaquer ce répertoire. Il y a en plus, la salle pleine à craquer. Quant tu ne sais pas le texte, c'est la salle qui souffle. 1000 personnes, 2000 yeux qui regardent et 2000 oreilles qui connaissent le mot que tu vas dire ! Et qui ont dans l'oreille le Vieux."
Interprétations inattendues
Les chanteurs trouvent sans doute le moment difficile à passer, pourtant ils viennent parfois de pays lointains où l'on ne s'attend pas forcément à ce que les mots de Léo Ferré aient trouvé un écho. C'est le cas par exemple de deux Japonaises. La première, Hiroko Tomobé, s'est produite en 98 et reprenait dans sa langue "Comme à Ostende" ou "Avec le temps". La seconde, Keiko Wakabayashi, Julien nous indique qu'elle a traduit 90 titres de Ferré et qu'elle a sorti deux disques, "fait à la japonaise, musicalement impeccables". Elle est déjà programmée pour le concert de 2001 ! Alain Aurenche explique : "la chanson française est très prisée au Japon. Brel, Barbara, Ferré... Keiko a découvert ce dernier dans les cabarets où se produisent les artistes français. Nous avons connu cette artiste par Iro Fumi Choman, un Japonais qui vit en France et qui connaît très bien la chanson française, parfaitement bilingue. Il a un circuit au Japon. Il fait venir des artistes japonais en France et des artistes français au Japon."
Pour remercier les interprètes de venir se produire bénévolement sur la scène du Trianon, Julien soucieux de "leur renvoyer l'ascenseur", assure leur promo sur le site internet dont il est à l'origine. En effet, depuis 4 ans, il s'active derrière son ordinateur pour proposer aux internautes un maximum d'informations sur Léo Ferré - une biographie, plus d'une centaine de textes de chansons, 17 partitions "pour montrer la diversité des orchestrations", des extraits sonores en MP3, de quoi rassasier la curiosité de chacun - ainsi que de permettre une meilleure connaissance des interprètes récents ou plus anciens du poète-chanteur.
Edition 1999
L'affiche de cette année rassemble une palette intéressante et colorée. On pourra entendre Jean Guidoni, Marc Ogeret, Francesca Solleville, Philippe Val, Benjamin et Michel Legrand, Emmanuelle et Guy Béart, etc. Quand on évoque la sensibilité politique, voire idéologique de ces artistes qui se produiront ce 14 juillet au Trianon en regard de celle de Ferré, Aurenche déclare simplement : "Je ne pense pas qu'un amoureux de Léo puisse ne pas être un peu libertaire. C'est l'ensemble de l'œuvre qui est imprégnée de la mouvance libertaire, pas seulement "les Anarchistes"." Il semble pourtant que le chanteur ait rassemblé autour de son œuvre un public très large sensible à la poésie des mots de l'auteur comme à la magie déployée par l'interprète. L'enchantement persiste et pour les spectateurs, cette soirée est un spectacle vivant. Aurenche : "C'est une fête de famille. Beaucoup se connaissent." Julien précise : "c'est une fête, mais une fête grave quand même".
Concert du 14 juillet 1999. Trianon 80, boulevard Rochechouart 75018 Paris