Paléo Festival de Nyon

Dans le doux pays helvète, sur les côteaux de la vallée de l'Asse, en Suisse romande pour être encore plus précis, se déroule LE festival européen de toutes les musiques.

Le feu au lac

Dans le doux pays helvète, sur les côteaux de la vallée de l'Asse, en Suisse romande pour être encore plus précis, se déroule LE festival européen de toutes les musiques.

Du 20 au 25 juillet, et pour la 24ème année consécutive, se retrouvent sur le gigantesque site du Paléo Festival de Nyon, à deux pas du lac Léman, les grosses pointures de la pop, des musiques du monde et électroniques et de la chanson. Dans le désordre : l'afro-beat du Nigérian Femi Kuti, les musiques tsiganes de Goran Bregovic, le rap cubain des Parisiens de P18, l'allumé belge Sttella, les bretons de Matmatah, le raïeur Cheb Mami, le tchatcheur Mangu, le Bahianais Carlinhos Brown, Zucchero, Cesaria Evora. Le déroulé des artistes francophones aura nos faveurs.

La petite bourgade helvétique, située entre Genève et Lausanne, voit affluer au beau milieu de l'été des hordes de campeurs-festivaliers venus en masse, et dans un bon esprit, écouter le meilleur de la musique.

Avec 200 000 spectateurs en 6 jours, le Paléo Festival aura affiché complet pour la seule journée du vendredi grâce à ses 35 000 spectateurs payants. Doit-on en déduire que l'affiche en grande partie francophone ce soir-là, ait dopé les foules ? Car il faut bien parler ici de foule... Celle qui déambule, se repaît aux différentes cuisines du monde, boit, dort, campe... Bref, une vraie petite ville de 10 000 habitants sur 10 hectares qui vit à l'heure d'un festival pour le moins original, non subventionné, et fier de ses 3 600 bénévoles, (le bénévolat restant encore une notion quelque peu obscure en France).

Ce vendredi 23 juillet, on aura eu droit à une belle affiche, emmenée par Charles Aznavour, le très déjanté Jacques Higelin, la Zazie qui court toujours, Tryo et ses rythmes jamaïcains, et le trio du cru, les Genevois de Der Klang. Ne vous fiez pas à leur nom germanique (la sonorité), car ces trois garçons qui chantent en français dépeignent un univers sombre, certes, mais porté agréablement par la diction appliquée du chanteur Charles Wicki. Celui-ci revendique d'ailleurs sur scène le peu de gaieté de leurs chansons. En blouse bleue de contre-maître et accordéon-jouet sur le ventre, Charles extirpe de son instrument des airs de musette déglinguée... Pascal Comelade aurait-il fait des émules de ce côté-ci des alpages ? On en reparlera, c'est sûr.

Le paradis païen de Jacques

Très en forme, le sieur Jacques Higelin, dont la loghorrée verbale est toujours intacte et qui l'a prouvé une nouvelle fois, lors de sa conférence de presse, durant laquelle il a excellé dans l'art du verbe et de la réthorique. A une question banale sur les clips, l'artiste part sur une invraisemblable histoire d'extra-terrestres dont son fidèle percussionniste Dominique Mahut ferait partie : " je lai récupéré un soir où la soucoupe s'est posée dans mon jardin... Allez savoir lequel des deux est l'extra-terrestre".

Sur scène, sa prestation sous le grand chapiteau du Paléo fut du même tonneau. En redingote et la voix superbement éraillée, en formation plus que légère car seulement accompagné du-dit Mahut, le courant passe toujours entre le public et son idole. Malgré les dérapages. Seul devant ses claviers, le grand Jacques délire sur Mona Lisa, le public le suit et hurle Kong quand lui crie King. Sourit même sur ses plaisanteries les plus douteuses ou ses délires sur l'érotisme chez les vieux... Mais le charme joue toujours lorsque Jacques Higelin prend son piano à bretelles, cite Piaf, très applaudie, et que deux jeunes trapézistes évoluent au-dessus des têtes.

Ils sont venus, ils sont tous là

Charles Aznavour, l'un des rares artistes francophones à s'être taillé une réelle réputation hors de nos frontières, et Genevois d'adoption, est venu en voisin. Pour sa première participation au Paléo Festival, l'artiste a reçu une véritable ovation du public. Chaleureuse et sans détour. Et ce malgré les dix minutes de retard ! ! ! que la presse locale n'a pas manqué de souligner... Ponctualité suisse oblige.

Heureux visiblement d'être là, le grand Charles a décidé d'offrir au public du Paléo un best-of de ses meilleures chansons " même si les partitions risquent de s"envoler ". Le vent ayant décidé de participer à la fête. Ils sont venus, ils sont tous là. 35 000 personnes, debout devant la grande Scène fredonnent les plus grands succès du " petit Arménien qui a réussit dans la vie " : Emmenez-moi au bout de la terre, la Bohème, la Mamma, Paris au mois d'août, les Plaisirs démodés... Un voyage dans le temps et dans la carrière de cet immense artiste de 75 ans.

 Zazie, la belle au tatouage

Après les prestations vocales de Jacques Higelin et de Charles Aznavour, on pouvait se demander comment la chanteuse Zazie, programmée sur la grande scène à minuit, allait habiter l'espace qui lui était dévolu. A commencer par ceux qui auraient pu douter de ses talents scéniques, Isabelle Truchis de Varenne, pour l'état-civil, aura bluffé tout le monde.

Etonnante Zazie. D'abord sa présence sur scène : enfin une chanteuse française qui parle à son public, ni mortifiée et sans trop en faire. Emue par une foule aussi nombreuse, Zazie avoue qu'elle n'a jamais chanté devant 30 000 personnes, le gros de ses concerts allant autour de 4 000 personnes. Pantalon blanc judicieusement transparent, la longiligne chanteuse aura aussi joué sur le registre de la sensualité. Mais elle le fait si bien. Et avec les sens du public, n'hésitant pas à l'interpeller en chansons : "Mets-toi tout nu si t'es un homme, pour voir où nous en sommes!!!".

L''histoire ne dit pas si des vocations se sont déclarées. Mais en rajoute en dégrafant lentement son bustier, dévoilant son nombril incrusté d'un diamant. Réchauffant sérieusement l'atmosphère, peu clémente pour une mi-juillet. Mais le plus étonnant, c'est le son résolument rock de ses chansons lorsqu'elles sont jouées live, provoquant ainsi une énorme différence avec le son lisse et policé de ses productions discographiques. Les puissants riffs des guitares électriques auront contribué à donner poids et force à la voix fluette de son interprète.

Trois énormes éoliennes, partie intégrante de son " Tour des anges " tournoient au-dessus des têtes des musiciens, faisant flotter au vent les cheveux de Zazie, et donnent un aspect magique à ce concert. Ceux qui ont entendu sa supplique sont restés zen. Ce soir-là, Zazie avait tout pour elle.