LES TEMPS CHAUDS
La 9ème édition des Temps Chauds dans l'Ain a pris fin dimanche 25 juillet en compagnie de l'Acadien de Louisiane Zachary Richard. Etalé sur neuf jours, servi par une programmation éclectique qui sait mêler la musique à la cuisine des quatre coins du monde, ce rendez-vous annuel situé dans une région française plutôt discrète, concerne une vingtaine de villages qui vont de la Dombes à la Bresse. Petite tournée des folklores qui fleure bon le terroir.
Un plaisir réfléchi pour mélomanes gourmets
La 9ème édition des Temps Chauds dans l'Ain a pris fin dimanche 25 juillet en compagnie de l'Acadien de Louisiane Zachary Richard. Etalé sur neuf jours, servi par une programmation éclectique qui sait mêler la musique à la cuisine des quatre coins du monde, ce rendez-vous annuel situé dans une région française plutôt discrète, concerne une vingtaine de villages qui vont de la Dombes à la Bresse. Petite tournée des folklores qui fleure bon le terroir.
Le pari est celui d'une femme de goût, Françoise Cartade, qui préfère se décliner en "fabricante de curiosité", là où d'autres programmateurs revendiquent le titre de directeur artistique. Parolière et metteur en scène, elle a fait sien le combat contre toute forme de replis identitaires. Son principe consiste en apparence à faire découvrir le département de l'Ain, dans le sud-est de la France. Il s'agit en réalité d'emmener celui-ci à la rencontre du monde, et inversement, par une série de mise en espace sonore des musiques d'ici et d'ailleurs dans des lieux magiques et prestigieux (églises, halles, châteaux, vieille ferme du siècle dernier…). Un concept qui s'accompagne d'une pause gustative avec des assiettes dites "gourmandes" et qui correspondent toujours aux origines des différents artistes invités par le festival. Chaque concert est une rencontre de cultures et de sensibilités différentes. Et comme Françoise l'écrit : "Sur l'île au village, il y a la danse du monde. Avec elle, les petits patelins voient loin. Ils offrent ce qu'ils ont de meilleur, sont tour à tour, mitrons, hôtes, gabiers de misaine, passagers bleu-soleil."
Un festival qui fleure bon la poésie, qui n'oublie surtout pas de surprendre son public par son éclectisme sans mesure. Cette dernière édition a fait la part belle à l'Europe et à l'Afrique, avec un léger clin d'œil à l'Océan Indien via l'accordéoniste du sud malgache Régis Gizavo, et à l'Amérique du Nord avec le folk singer Zachary Richard. Les folklores revisités de la Bretagne et de la Gascogne étaient présents avec l'Occidentale de Fanfare, Yann Fanch Kemener ou encore Gwenfol. Le département de l'Ain et ses traditions musicales remuées était lui-même représenté par l'Orchestre Ephémère. La tarentelle de l'Italie méridionale fut défendue par Pino de Vittorio, la cornemuse de Galice par l'Espagnol Carlos Nunez. La Belle du Berry et ses titis du Paris Combo vinrent confronter leur fusion éclatée "à la parisienne". Les allumés burkinabés du groupe Djiguiya surent séduire sans mal un public venu en majorité de la région pour apprécier la percussion africaine. La Marocaine Amina Allaoui et l'Acadien Zachary Richard finirent le festival en beauté dimanche, la première à Neuville-les-Dames, le second à Chatillon-sur-Chalaronne. Ce ne sont, bien sûr, que quelques-uns des noms qui ont animé ce festival durant ces neuf jours où il n'y eut "que des moments de bonheur dans l'ensemble de l'Ain", nous avoue une spectatrice. A la même interrogation, une seconde spectatrice répond : "les artistes sont venus à nous. On est allé vers eux. Il y a eu des émotions partagées. Ils ont emballé tout le monde. Ça casse des barrières entre nos différentes cultures et c'est bien".
Message reçu cinq sur cinq. Le festival reste une ouverture au monde qui peut avoir son importance dans la région. A la fois pour les habitants de la vingtaine de villages concernés par l'événement et pour les artistes du monde qui y sont "conviés, et non programmés" nous explique Françoise Cartade. Moment extraordinaire parmi ceux, innombrables, occasionnés par cette neuvième édition des Temps Chauds : le concert de Tirana. Cet ensemble de polyphonies albanaises rentre entièrement dans cette perspective d'échanges. Pour l'occasion, des réfugiés kosovars, accueillis à quelques kilomètres de là (dans la ville de Lyon) furent invités à venir partager ces brillantes vocalises, surtout typiques du sud de l'Albanie, bien que réunissant par moments les registres de toutes les régions de ce pays. Un fabuleux répertoire de chants d'amours que surent nous restituer avec grâce les sept membres de Tirana. Une tradition aussi de chants en partie épiques, qui rappelle l'époque de la résistance albanaise face aux Ottomans au 17ème siècle. Une grande période d'échanges avec l'Orient dans l'Histoire, malgré les conflits ouverts. L'une des curiosités les plus courues du département de l'Ain est une cheminée sarrasine. Pure coïncidence.
L'émotion était forte en tous cas à la sortie de ce concert organisé dans le cadre d'un parcours musical atypique (à pied, en car et en salle), éclaté sur différents sites avec trois autres formations : 2 Caisses, dont les chansons populaires françaises célèbrent le zinc, la mer et le vin, tout en parlant d'amitié et d'amour. Le Syndrome de l'Ardèche, une sorte de "locomotive musicale" (cornemuse, soubassophone, percussions…) qui mélange les sonorités traditionnelles de sa région d'origine à des compositions inédites proches du répertoire de fanfare. Et enfin, La Moresca venue de Naples pour chanter la grande Méditerranée.
Soeuf Elbadawi.