Boris Vian

Passer Boris Vian en Revue, loin des récitals poétiques, au travers de ses textes et de ses chansons, les connues et celles qui le deviendront, c'est le spectacle pataphysique présenté à la Grande Halle de la Villette jusqu'au 3 octobre. "Et Vian ! En avant la zique !" est un petit tour dans les fantasmes d'un artiste-caméléon, à la vie courte et mouvementée : les pépées canons, le jazz, l'alcool, les bagarres... Laissons l'immortel écumeur de nos jours lever le rideau de cette création : "Ce soir, vous serez nos cobayes, ce soir, vous nous servirez de poids mort. Bref, ce soir, nous aurons le plaisir de vous envoyer ailleurs."

En avant la Zique !

Passer Boris Vian en Revue, loin des récitals poétiques, au travers de ses textes et de ses chansons, les connues et celles qui le deviendront, c'est le spectacle pataphysique présenté à la Grande Halle de la Villette jusqu'au 3 octobre. "Et Vian ! En avant la zique !" est un petit tour dans les fantasmes d'un artiste-caméléon, à la vie courte et mouvementée : les pépées canons, le jazz, l'alcool, les bagarres... Laissons l'immortel écumeur de nos jours lever le rideau de cette création : "Ce soir, vous serez nos cobayes, ce soir, vous nous servirez de poids mort. Bref, ce soir, nous aurons le plaisir de vous envoyer ailleurs."

Si tous les adolescents ont au moins lu un ou plusieurs de ses romans, ne serait-ce que "L'écume des jours", "L'Arrache Cœur" ou "J'irai cracher sur vos tombes", l'œuvre, éclectique, de Boris Vian reste méconnue du grand public. Car celui qui fut le pilier des nuits de Saint-Germain-des-Prés, dès l'après-guerre, n'était pas seulement un musicien, mais un romancier, un dramaturge, un poète, un critique de jazz et surtout l'auteur de quelques 478 chansons qu'il a composées entre 1943 et 1959. "Et Vian ! En avant la Zique", le spectacle mis en scène par Laurent Pelly et Agathe Mélinand propose de lever le voile sur un aspect méconnu de Vian, son aspect potache, déconneur, un peu désespéré parfois. Non pas au travers des aspects les plus littéraires de son œuvre mais plutôt une sorte de collage de ses textes et de ses chansons, sans vraiment de fil conducteur (on aurait bien aimé) sinon celui de nous balader dans les fantasmes d'un provocateur conscient, disparu prématurément à l'âge de 39 ans.

Les joyeux bouchers

Laissons pourtant à l'immortel écumeur de nos jours le soin de lever le rideau de cette création : "Ce soir, vous serez nos cobayes, ce soir, vous nous servirez de poids mort. Bref, ce soir, nous aurons le plaisir de vous envoyer ailleurs". Le premier quart d'heure qui suit la sentence est quelque peu opaque, on y cherche un sens, et seuls quelques initiés s'y retrouveront. Passé ce cap, le spectateur lambda commence à s'y reconnaître : "C'est le tango des bouchers de la Villette.. faut qu'ça saigne, faut qu'les gens ayent à bouffer, faut qu'les gros puissent se goinfrer, faut qu'les p'tits puiss'nt engraisser, faut qu'ça saigne, faut qu'les mandataires aux halles puissent s'en fourrer plein la dalle, du filet à huit cent balles.. Tiens voilà du boudin !" entonné par une troupe de dix danseurs, chanteurs, comédiens, en costume à larges rayures. Parmi eux, la brunette à la gouaille parisienne Belle du Berry, la chanteuse du groupe Paris Combo et dont c'est la première expérience théâtrale, dirigée par un metteur en scène. Si l'univers de Vian la touche, (sans parler de son ironie, son goût du calembour), "un univers très ancré dans son époque, et notamment à cause de la censure", Belle du Berry regrette sa vision réductrice des femmes : "Ou bien elles sont peu intéressantes, ou alors c'est LA femme, l'intouchable mais entre les deux, il n'y a pas grand-chose. Peut-être l'ont-elles fait souffrir?". Pourtant lorsqu'en 1955, Boris Vian compose "Je bois" (enregistrée également par Serge Reggiani, les Charlots et Mouloudji), c'est bien au masculin qu'il la chante ; et c'est au féminin que Laurent Pelly en fait l'adaptation... et les femmes, en talons aiguille, titubent, titubent.

L'homme à la trompinette

Et la Zique dans tout ça ? Du jazz, toujours du jazz et comment en serait-il autrement puisque Boris Vian en était fou amoureux, qu'il jouait lui-même de la trompette et dirigeait l'orchestre du Tabou, un club de Jazz de Saint-Germain-des-Prés, fréquenté par Juliette Gréco et les Sartre. Mais revenons à la Villette où le jazz est pourtant live. Dommage seulement qu'il faille attendre la fin de la première partie pour découvrir de visu l'orchestre de onze musiciens, jusque là cachés derrière un rideau ! Et d'enchaîner sur une jam session : "On peut tout mettre dans les boîtes / Des cancrelats et des savates / Ou des œufs durs à la tomate / Et des objets compromettants / On peut y mettre aussi des gens / Et même les gens bien vivants / Et intelligents". Au même titre que l'interprétation de "La Cantate des boîtes" composée en 1954 qui remporte un vif succès, celle du "Rock hoquet" (également reprise par Au bonheur des Dames), dont la musique est d'Henri Salvador (et avec lequel Boris Vian a signé une soixantaine de chansons) sera, elle aussi, très applaudie par le public. Mais l'impression du début du spectacle semble confirmée lorsque le public s'anime enfin à l'écoute du fameux : "J'suis snob... J'suis snob / J'm'appelle Patrick, mais on dit Bob / Je prends des places à l'Opéra / Pour chaque soir, mais j'y vais pas / Je ne fréquente que des baronnes / Au nom comme des trombones / J'suis snob... J'suis snob.. Et quand je serai mort, j'veux un suaire de chez Dior !

Fais-moi mal, Johnny

Tout comme on apprécie de réentendre le premier rock sado-maso de l'histoire de la chanson française, immortalisé par Magali Noël (enregistré aussi par la québécoise Pauline Julien). Une version originale dont le metteur en scène Laurent Pelly a choisi de se démarquer complètement, et de prendre le contre-pied avec une adaptation masculinisée, chantée par un homme, en caleçon. Ça le fait aussi. "Ce mignon là, c'est pour mon lit / Il m'arrivait jusqu'à l'épaule / Mais il était râblé comme tout / Il m'a suivi jusqu'à ma piaule / Et j'ai crié vas-y mon loup / Fais-moi mal, Johnny, Johnny, Johnny / Envoie-moi au ciel... zoum !/Fais-moi mal, Johnny, Johnny, Johnny / Moi j'aim' l'amour qui fait boum !

Le septième art et la poésie sont également évoqués avec la projection sur grand écran d'un mariage qui tourne mal (ça dépend pour qui), et quelques proverbes pataphysiques joliment déclamés : "A bon château, bon râteau" ou encore "A bon chameau, bon rameau". Moment d'anthologie enfin, lorsque la comédienne Florence Pelly (merveilleuse), au moment de clore son strip-tease (effeuillage en français), en chantant "Strip-rock" laisse tomber un foie par terre, extraie de ses entrailles un chapelet de saucisses, quelques abats, bref une vraie devanture de boucherie-charcuterie...

On terminera avec "Le Déserteur", chanson-phare de Boris Vian, "Monsieur le Président / Je vous fais une lettre / Que vous lirez peut-être / Si vous avez le temps / Je viens de recevoir / Mes papiers militaires / Pour partir à la guerre / Avant mercredi soir / Monsieur le Président / Je ne veux pas la faire / Je ne suis pas sur terre / Pour tuer les pauvres gens...". Personne n'aura en tout cas déserté la salle et c'est tant mieux car si l'idée était de mettre en scène des textes peu connus de Boris Vian au travers de saynètes forcément inégales, ses chansons les plus marquantes restent encore dans la mémoire collective. On peut seulement regretter que le spectacle ne soit pas plus pédagogique. Le mieux est encore d'y aller, pour se faire sa propre idée.

A Paris, Grande Halle de la Villette jusqu'au 3 octobre
Réservations : 0 803 075 075
Renseignements : 0 803 306 306
Post scriptum : Pour le 40e anniversaire de la mort de Boris Vian, va paraître en septembre un album événement de 40 titres, dans lequel Catherine Ringer (Rita Mitsouko), Juliette Greco, Pierre Brasseur, Joan Baez, Serge Reggiani, Bernard Lavilliers interprètent Boris Vian (Distribution Musidisc/Production Jacques Canetti).