POP ROMANTIQUE

On m'a récemment demandé d'écrire une chronique sur l'album "Pop Romantique" (Emperor Norton), un excellent CD sur lequel 12 artistes américains et anglais rendent hommage à la chanson française des années 60 et 70. Ce fut l'occasion pour moi de prendre un vrai cours sur la pop musique française de cette époque dans ce qu'elle a produit de plus loufoque ou de plus sublime. Si la production est dans son ensemble excellente, les artistes n'ont pas toujours su capturer les effets originaux avec justesse. Mais finalement, ce qui m'a le plus étonné, c'est la fraîcheur des versions d'époque.

La chanson française revisitée par les Américains

On m'a récemment demandé d'écrire une chronique sur l'album "Pop Romantique" (Emperor Norton), un excellent CD sur lequel 12 artistes américains et anglais rendent hommage à la chanson française des années 60 et 70. Ce fut l'occasion pour moi de prendre un vrai cours sur la pop musique française de cette époque dans ce qu'elle a produit de plus loufoque ou de plus sublime. Si la production est dans son ensemble excellente, les artistes n'ont pas toujours su capturer les effets originaux avec justesse. Mais finalement, ce qui m'a le plus étonné, c'est la fraîcheur des versions d'époque.

Avec le CD, j'ai eu le bonheur de recevoir une cassette des enregistrements originaux de 9 des 12 chansons de l'album. Ça m'a permis de réaliser à quel point la musique française était sophistiquée. Pourtant, elle ne recevait aucun écho dans les médias américains. De plus, c'était drôle de réaliser que je connaissais plus de noms parmi les interprètes français des versions originales que parmi les anglo-saxons, dans l'ensemble assez jeunes, présents sur la compilation.

Du bon et du moins bon

Je n'avais pas d'avis arrêté sur quelle version récente je préférais. Je décidai donc d'écouter simultanément l'originale et la reprise et d'écrire au fur et à mesure ce que j'en pensais. Je n'ai trouvé que trois chansons sur le CD que je trouvais meilleures que leur modèle. La version originale de "la Poupée qui fait non" par Michel Polnareff était plutôt sympa avec ses sonorités façon San Francisco-années 60 mais le groupe Luna a insufflé un élan rock qui donne beaucoup plus de vie au titre. C'est de loin ma plage favorite.

Quand les Français de Bijou ont chanté "Si tu dois partir" (en 77), ils ont alors adapté un titre de Bob Dylan, "If you must go". Donc, quand Lloyd Cole chante la version française, on ne sait plus trop si c'est l'original ou la reprise qu'il adapte. Mais sa production est de loin meilleure que celle de Bijou.

La version d'époque de "Pardon", écrite et chantée par Françoise Hardy, avait une merveilleuse allure country-western. Mais cette qualité a complètement disparu avec la nouvelle version des Hangs-Ups. En revanche, le titre "Jeanne", qu'elle chante elle-même sur le CD, semble beaucoup mieux convenir à sa voix particulière. Icône sixties par excellence, elle est accompagnée à cette occasion du duo français, Air.

A l'instar de "Jeanne", je n'ai pas entendu non plus la version originale de "Avril en mai". Et pour cause, cette chanson n'est pas des années 60. Elle a été composée pour l'occasion, en français, par un groupe de Denver, The Apples in Stereo. Mais cette initiative a, selon moi, parfaitement trouvé sa place sur cette compilation.

Gainsbourg

Le Saint Patron de la pop française, Serge Gainsbourg, est l'auteur de quatre titres de ce CD. En 65, il écrit "Nous ne sommes pas des anges" et le fait chanter à une jeune ingénue (devenue grande), France Gall. Cette dernière m'a donné l'impression d'avoir quelques difficultés avec les notes les plus élevées, ce qui ne fut pas du tout le cas du chanteur du groupe Heavenly qui a adapté le titre.

En 69, c'est Gainsbourg en personne qui interprète sa composition "L'Anamour". Difficile de battre cette version avec ses magnifiques orchestrations et sa voix toute en émotion. L'adaptation du groupe Ivy n'est cependant pas très loin de l'originale. Mais ils ont choisi des voix plus douces, plus aérées que le timbre âpre de l'auteur. En revanche, la version originale de "Contact", chantée par Brigitte Bardot, était beaucoup plus réussie que celle du groupe Godzuki qui n'a pas su reproduire les effets sonores si importants. Mais comment concurrencer la voix nature et le sex-appeal de Bardot (à l'époque, ndlr)?

La première fois que j'ai entendu la version de John Wesley Harding d'une autre célèbre chanson de Gainsbourg, "Je suis venu te dire que je m'en vais", j'ai été emballé. Puis, quand j'ai écouté la version originale chantée par son auteur, j'ai su pourquoi : c'est un chef d'œuvre. L'adaptation de Harding m'a alors encore plus impressionné, mais la façon bouleversante de chanter de Mr Gainsbourg et les pleurs d'une femme (Jane Birkin ?) en second plan sonore étaient tout de même de meilleure qualité.

Cinéma

"Zooooom", extrait du film de Claude Lelouch "Vivre pour vivre" (1967) et écrit par Francis Lai, est un titre assez drôle tout en s'éternisant sur la fin. Mais la version de Sukia ressemble à un générique télé des années 60 et semble encore plus s'éterniser…

La présence de Magnetic Fields sur ce CD ne m'a pas surpris. Je les ai vus un tas de fois quand je vivais à New York et j'aime beaucoup leur son. Leur version du standard "Le Tourbillon", extrait du film de François Truffaut "Jules et Jim" (1961), est assez bien faite. Mais la version de Jeanne Moreau était bien supérieure et sonnait tellement plus "français".

Souvenirs

La chanson "Puis-je ?" fut pour moi la plus grande surprise de ce CD. La version originale est extraite d'un album live de Kevin Ayers, "June 1,1974" sur lequel chantent aussi Nico et John Cale. A cette époque, Mr Ayers chantait ce titre en anglais sous le titre "May I?". L'album est sorti peu de temps après que je quitte le lycée. Je me souviens alors avoir chanté "May I?" constamment pendant des semaines et pour la première fois, j'ai eu envie d'écrire des chansons. L'adaptation et l'interprétation en français de Kevin Ayers lui-même, accompagné 28 ans après du groupe The Ladybug Transistor, reproduit assez bien l'intensité de l'original autant que je me souvienne.

Je suis sûr que le budget pour obtenir les droits de toutes ces chansons, sélectionner les groupes, produire et distribuer a probablement coûté dix fois plus que pour les versions originales sans pour autant leur apporter quelque chose. Mais peu importe. J'ai aimé certaines versions, d'autres moins. Ça ne m'empêchera pas de continuer à écouter ce CD parce que dans l'ensemble, il est de qualité et fut pour moi une excellente introduction à ces classiques de la pop française. De plus, je suis probablement le seul Américain à avoir les versions originales réunies sur une cassette.

Bop Tweedie
Traduction : CP

Pour plus de détails sur ce disque disponible seulement aux Etats-Unis, consultez le site du label Emperor Norton et leur page consacrée à 'Pop Romantique'.