Hommage à Jeanne Moreau
Curieux, éclectique et copieux, le festival bruxellois des Nuits Botaniques a rendu cette année hommage à Jeanne Moreau. Une dizaine de jeunes pousses de la chanson se sont emparées de quelques-uns des titres qu'elle a rendus célèbres.
Spéciale dédicace
Curieux, éclectique et copieux, le festival bruxellois des Nuits Botaniques a rendu cette année hommage à Jeanne Moreau. Une dizaine de jeunes pousses de la chanson se sont emparées de quelques-uns des titres qu'elle a rendus célèbres.
Qui est Jeanne Moreau? Une grande dame, assurément. Une immense actrice, révélée il y a cinquante ans dans "Un mois à la Campagne", de Tourgueniev, donné à la Comédie-Française. Celle dont la voix, le charme, le magnétisme ont fait chavirer les salles de cinéma où l'on a projeté "Viva Maria" de Louis Malle, "Le Journal d'une femme de chambre" de Buñuel, "La Mariée était en noir" de Truffaut et des dizaines d'autres films essentiels qu'elle a marqués de son empreinte.
Jeanne Moreau est aussi une chanteuse, s'imposant comme telle dès 1962, quand elle interprétait dans "Jules et Jim" de Truffaut, "Le Tourbillon", une valse grisante composée par Cyrus Bassiak. Elle est, chacun en convient, un monument. Alors, il y a de quoi perdre les pédales, se sentir déstabilisé quand il s'agit de lui rendre hommage et qu'elle est là, sur scène, tout prêt de vous, terriblement attentive et présente.
Le 25 septembre au Cirque Royal à Bruxelles, lors de la soirée d'hommage à Jeanne Moreau, l'événement cette année des Nuits Botaniques, festival annuel à l'éclectisme de bon goût, le trac a encore fait son sale boulot. Il est venu jouer les trouble-fêtes, mettre de la raideur et trop de solennité là où l'on attendait déliés et creux de complicités.
Sur la scène, les admirateurs-chanteurs se succèdent avec des airs de bons élèves (l'atmosphère évoquerait presque celle du "Petit Conservatoire" de Mireille).
Voluptueuse et mûtine, Amina, en apparence la moins intimidée, accompagnée par Joseph Racaille, ouvre le bal avec "J'ai la mémoire qui flanche" (plus tard, en coulisses, elle confiera qu'elle se sentait terriblement émue, que Jeanne Moreau, en Tunisie, représente pour toute une génération une référence de la culture française).
Alexandre Varlet, qui lui succède, se risque à un brin d'humour pince sans-rire: "elle nous disait il y a dix minutes, on est là pour faire la fête, donc faut pas avoir peur".Jérôme Minière justifie la feuille qu'il ne quitte pas des yeux ("Je suis nul en par cœur"), s'entrave dans les fils en sortant. Il y aura aussi le groupe bruxellois Melon Galia, Polar, celui qui livrera l'interprétation la plus ébouriffante de la soirée ("Les ennuis du soleil"), puis suivront Ignatus et Julien Baer.
Jeanne Moreau présente ses chers amis, dit des textes de Norge, le poète d'origine belge décédé en 1990 qui lui donna un de ces coups de foudre dont on ne se remet jamais, et reprend bien sûr "India Song", la délicieuse ritournelle de Duras et Carlos d'Alessio. Elle est accompagnée par Pascal Comelade, l'enchanteur aux pianos-jouets. Une fois le spectacle terminé, celui-ci saura en deux-trois mots dire pourquoi cette soirée était si particulière, et au final, si précieuse : "il y a là quelque chose d'accidentel, de fragile, donc de poétique"