Jlmurat.com
Après un premier site qui sentait bon la potée aux choux et le lait de vache, Jean-Louis Murat a profité de la sortie d'un nouvel album en août 99 ("Mustango"/Labels) pour mettre en ligne une version qui sent plutôt le cheval et la peinture acrylique. Depuis que du fin fond de son ermitage montagnard, le chanteur s'est un jour mis au Net avec inspiration, ses deux sites ont chacun leur tour reflété l'état d'esprit du moment, en toute sobriété technique et esthétique. A l'image d'un artiste méditatif qui nous raconte son parcours sur le web.
Ou l'Internet libre
Après un premier site qui sentait bon la potée aux choux et le lait de vache, Jean-Louis Murat a profité de la sortie d'un nouvel album en août 99 ("Mustango"/Labels) pour mettre en ligne une version qui sent plutôt le cheval et la peinture acrylique. Depuis que du fin fond de son ermitage montagnard, le chanteur s'est un jour mis au Net avec inspiration, ses deux sites ont chacun leur tour reflété l'état d'esprit du moment, en toute sobriété technique et esthétique. A l'image d'un artiste méditatif qui nous raconte son parcours sur le web.
"J'aime bien les vaches, j'aime bien l'Auvergne. C'est parti comme une blague au départ. C'est l'idée de s'amuser."
Eh oui, Jean-Louis Murat a créé son premier site à cause d'une vache. C'est ce que confirme Jérôme Braque, musicien, dessinateur et surtout concepteur multimédia, qui a participé de près à l'accouchement du premier site début 98 : "Jean-Louis était plutôt contre à ce moment-là parce qu'il avait vu ce que faisaient les maisons de disques. Mais comme il est amoureux de la Salers (vache originaire du Cantal, ndlr), je lui ai suggéré de faire un site anthropomorphique autour de l'Auvergne et des vaches. Les journalistes évoquent toujours cette image d'Auvergnat reclus, et j'ai pensé que ce serait drôle d'enfoncer le clou."
Aucune motivation promotionnelle, technologique ou narcissique au départ. Juste l'envie de parler de ce qu'il aime, de créer en s'amusant, et par la même occasion, de partager ce projet avec sa compagne, Laure Desbruères, qui aujourd'hui gère le quotidien du site. "C'est un truc de couple. Ma copine s'en occupe, on fait ça ensemble, ça nous fait une activité commune. Ça m'est extrêmement utile et c'est très positif."
Premiers pas
Si le travail se fait en duo pour le contenu, l'amas d'information et la rédaction, c'est plutôt Laure qui prend la partie technique en main. "Je lui ai montré les rudiments et la manière de structurer le travail", explique Jérôme Braque. "J'ai fait la préparation et le développement du site et j'ai guidé Laure sur les différentes étapes jusqu'à la mise à jour. Ça devait être au départ quelque chose de modeste mais c'est mal connaître le caractère perfectionniste de Jean-Louis qui évidemment, a transformé l'affaire en projet pharaonique au bout d'un mois."
Pharaonique mais sobre. Chez Murat, point de débauche technologique. La simplicité est de rigueur. "Je connais plein de spécialistes qui me disent 'Mais mon pauvre garçon…'. Je crains comme le feu non pas la modernité mais tous les trucs qui en mettent plein la vue. Je préfère rester sobre, prendre des options amateur qui ne snobent pas les gens souvent peu équipés. Ce n'est pas une exposition de technologie. C'est juste le fond." D'ailleurs, Jérôme Braque se souvient : "Le choix de départ était que la ligne graphique soit désuète, c'est-à-dire à l'opposé du high-tech, de tous ces sites qui ont beaucoup de forme et peu de fond. De plus, c'est un des rares sites sans frame (cadre, ndlr)." Parti pris d'un homme qui vit le Net a sa façon. "Je ne vais jamais voir les sites des autres artistes. J'aurais trop peur de voir que le mien est ringard. Je préfère rester dans mon esthétique à moi, rester simple. Mais il n'est pas trop simple quand même ?…"
Contrairement à de nombreux sites d'artistes, celui de Murat est un site très personnel. La maison de disques n'a pas eu son mot à dire parce que "ça a été fait avec des moyens modestes", raconte Jérôme Braque. "Jean-Louis a assez de caractère pour imposer ce qu'il veut. On voit bien que c'est le site d'un homme libre". Mais quand on est un artiste connu, ce n'est pas si facile d'être indépendant : "Je me bagarre avec la maison de disques parce qu'elle veut récupérer le site. Le mien, je le finance de A à Z et je n'ai pas envie qu'il soit récupéré par Virgin ou Labels. J'e ai fait un promotionnel mais honnête, rien à vendre, pas d'épate."
Mutation
Depuis le 1er août 99, le premier site tout blanc de Jean-Louis Murat est soudain devenu bleu et le foin de la homepage s'est transformé en une peinture signée du chanteur : "C'est indispensable ! Ah, ces sites qui ne changent jamais ! L'idéal, ce serait de changer tous les ans. Mais un nouveau site, c'est au moins six mois de boulot, de recherches, de lectures." Souci de changement, reflet d'un instant, moins intemporel que le précédent site : "Mais on me reprochait aussi qu'il n'était pas assez promotionnel." Mais surtout, nouvel album, prétexte numéro un à cette version toute fraîche. Murat se détourne des vaches, jumelle l'Auvergne avec le Mustang, petit royaume du Népal aux parfums bouddhistes, part travailler aux Etats-Unis et se met à l'autoportrait. Le site devient galerie virtuelle. "Pour que je m'éclate, il faut que ce soit un truc artistique. On peut y faire des choses qu'on ne pourrait faire nulle part ailleurs. C'est vraiment bien particulier comme média et il faut en profiter."
Peu de traces de l'ancien modèle donc. Dans le forum ouvert aux visiteurs, au milieu des compliments, pointent quelques regrets. "Les gens trouvent toujours qu'avant c'était mieux", répond Murat. "Mais je ne vais pas faire un sondage pour savoir ce que je dois faire. Dans un an et demi, il y en aura un nouveau, et certains regretteront le site Mustango. Il faut changer. Je ne vais pas passer ma vie à faire un site avec des vaches."
Droits du son
Contrairement aux images, peu de son sur le site Mustango. En fait, il n'y a même aucun son des ses albums, aucun extrait, aucune note. "Je ne mets pas de son des albums parce qu'il faut vendre les disques." Petite phrase bien raisonnable de la part d'un artiste qui se fout de plaire à sa maison de disques. Et pour cause, Murat est à peu près le seul artiste à mettre en ligne un titre inédit dans son intégralité. Et ça, la maison de disques n'apprécie guère : "Sur l'ancien site, il y avait un inédit par mois en MP3. Je pense qu'à partir de novembre, je vais recommencer à en mettre un en ligne. Mais je sais qu'on va aller au clash avec la maison de disques sur ce sujet là. J'ai des centaines de chansons à la maison qui ne servent à rien, que les gens n'entendront jamais. J'ai fourni deux albums en un an, donc j'essaie de faire en sorte que ce soit un accord entre moi et la maison de disques, qu'on se traite en personne responsable."
Si Jean-Louis Murat pense que "les chansons, c'est fait pour tout le monde", il va plus loin en jetant un pavé dans l'océan des droits d'auteur. Quand on lui parle du piratage, il répond : "Pourquoi ne pas faire exploser les droits et vivre autrement sans toucher les droits sur les chansons qu'on écrit ? Maintenant, les artistes vivent comme des princes simplement parce qu'ils touchent des droits. Tout le monde veut préserver sa cagnotte. Moi, je trouve que ce qu'on touche par chanson est ahurissant." Provocation ou auto-flagellation ? Difficile à dire.
Boîte aux mails
Quand on demande à Jean-Louis Murat quel plaisir il tire de son site, il prend un air d'enfant heureux de récupérer un cadeau et confesse : "Avoir des messages. Surtout quand ça va mal. Ça me requinque. C'est un peu enfantin mais c'est comme ça. Je vis un peu isolé et parfois, je ne sais même plus si les gens savent encore qui je suis." Un rien cabotin, Murat se laisse rassurer par des messages directs et sincères. "Lire que des gens ont écouté ci ou ça, sentir qu'on ne fait pas des disques pour rien me fait très plaisir. Par exemple, j'adore qu'on me dise qu'on s'est rencontré sur mes chansons. C'est sûrement un peu bébête mais très réjouissant. "
Aucun filtre entre l'artiste et l'expéditeur, un dialogue d'égal à égal même si Murat dose ses réponses : "Je n'y réponds pas tout le temps. Je dirais presque que je réponds un minimum. J'essaie d'être assez précis dans mes réponses quand il s'agit de problèmes discographiques par exemple, comme c'est le cas la plupart du temps. Sinon, il s'agit de sollicitations. Mais j'essaie de montrer sans agressivité que le site, ce n'est pas un fan club, un truc pour demander des photos dédicacées. J'essaie de me faire une haute idée des gens et dans ce dernier cas, je ne réponds pas." Si Murat répond un peu dans le courrier, il ne répond pas du tout dans le forum installé sur le nouveau site. En revanche, il semble s'en servir comme plate-forme de réflexion en y posant des questions comme "Trouvez-vous judicieux que j'intervienne dans les médias sur les sujets délicats de l'actualité?" ou "Quel serait votre choix pour le prochain 45T extrait de Mustango?", interrogations qui croulent sous les réponses et qui prouvent son respect pour ceux qui visitent le site. Mais Murat doit-il demeurer uniquement interrogateur sur le forum, lieu de dialogue par excellence ?
Idées et projets
"Comme tout ce que je fais dans la vie, je ne sais pas, on va voir." Jean-Louis Murat avance doucement. Pas de bousculade. Le rythme effréné du cyber-monde ne le concerne pas, même s'il reproche souvent aux vitesses d'accès sur internet d'être trop lentes : "Ça limite la créativité." Les idées ne manquent cependant pas comme celle de "faire une fois par semaine une heure de programme radio ou un petit journal en vidéo. Mais c'est utopique".
Comme parfois dans ses propos, on perçoit quelques contradictions. Si Murat opte pour un site d'une extrême simplicité, il avoue aimer se tenir au courant des nouvelles technologies. Mais son souci est surtout d'être visible par tous et le plus aisément possible : "On ne peut pas imposer aux gens des temps de chargement infinis. Déjà pour visiter le site, il faut être patient." Chez Jean-Louis Murat, on prend soin du visiteur et on préfère la qualité à la quantité. "Je ne suis pas acharné sur le fait que des milliers de gens le visitent. Qu'il existe me suffit." C'est aussi pour cela que contrairement à de nombreux sites, les mises à jour sont très fréquentes. "Il faut que ça bouge de l'intérieur".
Perfectionniste et indépendant. Tel est Murat. Tel est son site jlmurat.com .
Propos recueillis par Catherine Pouplain
Peintures extraites du site jlmurat.com
Jean-Louis Murat est en tournée à partir du 12 octobre avec une escale à Paris les 10 et 11 novembre au Trianon.