FRANCOFOLIES SUISSES 99
Les Francofolies de la Rochelle continuent de faire des petits. En exportant avec succès le festival francophone. Après Montréal au Canada, Spa en Belgique, voici Nendaz en Suisse. Avec une originalité pour l'édition helvétique, celle de coupler les sports de glisse et la musique, en station et sur les pistes. Carte postale ensoleillée de cette édition zéro, du 7 au 9 octobre dernier.
Première édition montagnarde
Les Francofolies de la Rochelle continuent de faire des petits. En exportant avec succès le festival francophone. Après Montréal au Canada, Spa en Belgique, voici Nendaz en Suisse. Avec une originalité pour l'édition helvétique, celle de coupler les sports de glisse et la musique, en station et sur les pistes. Carte postale ensoleillée de cette édition zéro, du 7 au 9 octobre dernier.
Des vignes à flancs de coteaux, des chalets en bois, le tintement des cloches, les vaches qui paissent, l'herbe verte. Une vraie carte postale. Celle du petit village de Nendaz, surplombant la plaine de Sion, dans le canton du Valais, et qui organise l'édition zéro de ce qui sera, pendant la saison hivernale, une manifestation couplant sport et musique. Tendance à venir donc, snowboard et rap, raquettes et reggae ou encore ski acrobatique et rock celtique.
Ces premières Francofolies Suisses ont le charme de toute manifestation qui cherche ses marques. La grande inconnue est de savoir si elle est soutenue par la population locale. Pourtant les organisateurs n'ont lésiné devant rien. Réalisant même des prouesses techniques pour monter un immense chapiteau de trois mille places, au cœur d'un petit village tranquille. Trop peut-être. Pour une affiche assez gonflée avec Tonton David, Zebda, Alliance Ethnik et Matmatah pour les grosses pointures. Trois soirées thématiques, l'une dédiée au reggae et au groove, la seconde au hip hop, preuve que l'on rappe (à fromage) aussi chez nos amis Suisses, enfin la dernière soirée confirme que la vague celte atteint des sommets, sinon également les montagnes de Nendaz...
Le reggae en station
Le groupe Sweetness ouvre la première soirée en douceur. A capella, six voix noires chantent du gospel. Un répertoire influencé par les Américains de Take 6, Stevie Wonder et Marvin Gaye. Six garçons antillais dont la grande fierté est d'avoir fait la première partie de Michael Jackson lors de son dernier concert à Lausanne. En huit ans d'existence, Sweetness n'aura enregistré que deux singles ; une carrière occultée par le succès des Poetics Lovers, jouant, hélas, dans la même cour.
Très vite Princess Erika arrive en scène, seule artiste féminine de cette Black Attitude, la nouvelle génération d'artistes africains. En jupe et dread locks, la chanteuse franco-camerounaise entame son célèbre "Trop de bla-bla". Dix ans déjà, "On passe sa vie à courir et on est souvent à bout de souffle". Chantent à ses côtés ses deux choristes en tenue camouflage. Les petits Suisses ont répondu à l'appel, collés devant la scène, les parents un peu plus loin derrière. "C'est ma vie, j'en fais ce que je veux même si j'ai l'air malheureux...", reprise par tous les gamins enchantés de cette soirée pas comme les autres. Princess Erika se démène, je vais au charbon comme elle dit, chauffe une salle encore clairsemée avec les titres de son dernier album enregistré à la Jamaïque : "Tant qu'il y aura". "Nouvelle génération" et "Encore une histoire (qui se termine)" sur un tempo reggae très dansant qui fait sautiller tous les gamins, en maillot Ronaldo. Rencontrée à sa sortie de scène, Princess Erika préfère causer mode. Pourquoi garde-t-elle un pantalon sous sa jupe ? "C'est pour faire style, comme Bjork, je l'adore".
C'est du tout cuit pour le toujours très populaire Tonton David lorsqu'il déboule avec ses musiciens anglais. Beaucoup d'enthousiasme de la part du public qui reprend en chœur tous les succès du rasta d'origine réunionnaise "Je suis issu d'un peuple qui a beaucoup souffert", "On nous prend pour des cons", etc. Une gorgée de rhum blanc avant de monter sur scène pour Mustapha du groupe Zebda. Et c'est parti pour une heure trente de vraie bonne musique. Le ska à la sauce kabyle mâtiné d'accordéon des sept Beurs-Gascons fait mouche ici aussi comme partout ailleurs en France. Une énergie impulsée par les cabrioles cosaques des deux frères-lutins Amokrane et la voix rauque de son chanteur Magyd Cherfi. Malgré le froid, on enlève ici aussi sa chemise, lorsque Zebda chante "Tomber la chemise".
Rap suisse en Sens Unik
Avec cinq albums, la discographie des rappeurs lausannois de Sens Unik, force le respect, nous dit-on. Malheureusement, même leur notoriété locale ne suffira pas à attirer un public nombreux. Malgré un joli freestyle au milieu les pré-ados, soutenu par la voix de Deborah, sister rap au ventre rond. "Est-ce que ça caille dans la place ? hurle le chanteur. Pas d'écho. A l'affiche également, le label Kobra Connexion, créé entre Marseille et Lausanne par deux amoureux de hip hop. Du reste, une programmation assez pointue puisque l'écurie Sad Hill, le label de DJ Kheops (du groupe IAM), présentait ses poulains avec Def Bond, Yak et surtout les trois rappeurs marseillais de Psy 4 de la Rime. La faible prestation du groupe parisien Alliance Ethnik ne fera pas davantage décoller la soirée, faute de participants. "Je pense que le hip hop n'est pas encore une musique installée de ce côté-ci de nos alpages" conçoit Philippe Lation, l'organisateur de ces Francofolies Suisses. Quoi de mieux pour se consoler qu'un pique-nique improvisé en montagne, fait de "Brésolée", le casse-croûte des vignerons helvètes, pain aux noix, fromage, châtaignes et raisin, le tout arrosé d'un petit Fendent. Et d'attendre que passent les chamois.
Pubs et bistrots
Samedi soir sur la terre. Samedi soir à Nendaz, la musique est celte. Et visiblement, elle plait plus. Le chapiteau est bondé, on danse, on boit, on saute en l'air, sur le folk irlandais, celui de Glen of Guiness, le bien nommé. En français ou en anglais, les huit musiciens originaires du canton du Valais, avec violon et bombarde, auront fait décoller très tôt dans la soirée 3.000 personnes montées des villages voisins. Ambiance de pubs enfumés. Tapis rouge pour les six Lorientais d'Armens et leur rock énergique, même chose, un ton en dessous pour le Belge de Perry Rose. Des quatre vallées, ils sont venus aussi et surtout pour Matmatah. Le groupe qui monte, avec plus 700.000 copies vendues de leur album "la Ouache", et un succès qui rappelle celui de Louise Attaque, l'année dernière. Du rock ressourcé au folklore, les binious en moins, la guitare un peu hard et un tour bien rôdé où entre les tubes maison "Lambé An Dro", "Emma" ou "L'apologie", Sammy le chanteur et ses trois copains gardent un goût des reprises des familles comme ce "Twist and shout" des Isley Brothers. Les quatre brestois, dont c'était la dernière date de tournée, ont pourtant joué les prolongations tard dans la nuit. Une sortie soignée sur le générique de fin de Benny Hill et c'est parti pour un tour de piste en accéléré de Matmatah, clôturant ainsi la première édition nendaize de ces Francofolies.
Amenez vos raquettes pour la prochaine édition du 10 au 13 avril 2000.
Pascale Hamon