EN QUÊTE D'AUTEURS
Nous entamons avec le portrait de ce jeune auteur, Brice Homs, une série d'articles sur le métier d'auteur, métier méconnu et pourtant essentiel dans la création de chansons. S'ils vivent dans l'ombre médiatique des interprètes, ils n'en sont pas moins des pièces maîtresses du jeu artistique.
Brice Homs, lui, s'est fait un nom dans le métier auprès d'artistes comme Michel Fugain, Enzo Enzo ou plus récemment Fred Blondin. Rencontre.
BRICE HOMS : la création tranquille
Nous entamons avec le portrait de ce jeune auteur, Brice Homs, une série d'articles sur le métier d'auteur, métier méconnu et pourtant essentiel dans la création de chansons. S'ils vivent dans l'ombre médiatique des interprètes, ils n'en sont pas moins des pièces maîtresses du jeu artistique.
Brice Homs, lui, s'est fait un nom dans le métier auprès d'artistes comme Michel Fugain, Enzo Enzo ou plus récemment Fred Blondin. Rencontre.
Selon le proverbe connu, le hasard fait parfois bien les choses. Le parcours de Brice Homs en est l'exemple même. Pas de fait spectaculaire, pas de révélation soudaine, simplement une suite de concours de circonstance, d'occasions et évidemment de rencontres intéressantes qui jalonnent son parcours.
Commençons logiquement par les débuts qui pourraient être ceux d'un musicien instrumentiste mais qui très vite s'orientent vers ceux d'un parolier. "On joue dans des groupes quand on a 12 ou 17 ans. On se concentre plus sur l'instrument que sur la voix. On n'a pas forcément l'envie ni l'ego pour chanter sur le devant de la scène. En général dans les groupes, on trouve des chanteurs ou des chanteuses dont c'est le souhait, qui ont une voix et une personnalité pour ça. Je me suis mis à écrire des chansons pour les groupes dans lesquels je jouais quand j'étais à l'école. J'ai commencé la musique à l'âge de 6 ans, j'ai dû faire mon premier groupe à 12 ans. Quant j'ai eu ma première guitare à l'âge de 13 ou 14 ans, la première chose que j'ai faite sans même savoir en jouer, c'est d'écrire une chanson. Simplement en déplaçant un doigt sur la corde du haut et en écrivant sur un bout de papier." L'école, on le sait, est un vivier de musiciens en herbe. De nombreux groupes se sont formés quand leurs membres étaient encore au lycée. Si Brice a pris au départ le même chemin, il a fini par trouver sa voie… pour la voix des autres.
Des études qui mènent à tout
"Quand j'étais en fac, on a commencé à tourner dans le circuit rock, puis à fréquenter d'autres groupes. On m'a demandé d'écrire pour eux aussi. J'ai surtout commencé à écrire des textes parce que de toute façon, ils faisaient leur propre musique. A un moment donné, un de ces groupes a intéressé une maison de disques, il a fait des maquettes, puis il a splitté comme beaucoup de groupes d'étudiants. Moi, on a continué à me demander de faire des chansons, c'était une maison d'édition EMI Publishing et une maison de disques qui s'appelait A&M." Mais l'apprentissage est parfois laborieux même si cela finit par constituer une solide expérience. "Pendant 2 ou 3 ans, j'ai fait des trucs qui ne sortaient jamais, tout ce qu'on ne donnait pas aux auteurs en place à l'époque. J'ai appris à écrire des chansons pour d'autres gens sur des styles différents. J'ai appris à être plus efficace dans mes textes. On me faisait refaire, on me faisait des critiques, etc. C'était de la simulation en quelque sorte." Bien rodé, Brice Homs va pouvoir entrer dans la cour des grands.
Déclic
"Un jour, le manager d'un jeune artiste pour qui j'avais écrit une chanson qui n'était jamais sortie et qui connaissait Fugain m'a dit que celui-ci cherchait des textes de jeunes auteurs, il m'a dit de lui téléphoner. A l'époque je jouais dans des groupes de rock et Fugain, ce n'était pas mon univers." Finalement, c'est Fugain lui-même qui le rappelle, très intéressé. "Il est venu chez moi. Je suis tombé sur un type qui n'était pas du tout ce que j'attendais. Il m'a dit 'Ecoute. Ce qui m'intéresse avant tout c'est la scène, quand j'ai 3.000 personnes en face de moi. Donc, il ne va pas falloir raconter des âneries'. C'était un langage que je pouvais comprendre puisque moi, je venais de la scène." Après échanges multiples de cassettes ("Elles étaient belles les mélodies de Fugain") et de textes entre les deux protagonistes, Fugain qui a travaillé avec des "grands" comme Lemesles, Maurice Vidalin ou Delanoé demande à Brice agréablement surpris de lui écrire l'ensemble de l'album. Les choses commencent alors à devenir sérieuses.
D'autres artistes vont alors le contacter dont Philippe Lavil, Enzo Enzo, ou David Koven. Quand un de ses titres sort en simple, Brice s'en réjouit. Son texte est ainsi mis en valeur, sur le devant de la scène en quelque sorte. Son talent reconnu. Il rappelle quand même que cela ne lui tombe pas dessus par hasard. "J'ai toujours écrit des chansons mais, même si je suis capable de chanter, je me suis toujours senti plus à l'aise en maître d'œuvre qu'en frontman."
Plongée dans l'univers d'un chanteur
Alors comment procède t'on pour travailler avec un artiste, pour écrire un texte que celui-ci ait envie de chanter ? "Je ne demande jamais à un interprète de me raconter sa vie. Ça m'intéresse humainement, mais pas professionnellement. Tout ce que j'ai besoin de savoir se situe dans la voix et dans la musique. L'émotion que tu mets, le grain de voix, ça s'entend. Le reste, on s'en fout…" Si tout cela n'est pas à nos yeux et surtout à nos oreilles, très palpable, il reste que l'auteur travaille normalement en complète coordination, voire harmonie avec l'artiste."La qualité que j'espère avoir, c'est d'être capable d'entendre ce qui fait la particularité d'un chanteur, ce qu'il dégage d'unique, de touchant et qui fait qu'on le reconnaît. A partir de là, je peux essayer de lui apporter quelque chose de différent mais qui reste vrai avec lui. Dans la façon de porter les mots peut-être. Les artistes qui sont "construits", qui ont travaillé leur voix, leur art, chantent ce qu'ils sont en même temps qu'ils sont ce qu'ils chantent, il y a une adéquation. Quand ça triche, on le sent, moi je le sens."
De la modernité
Une des questions qui se pose fréquemment consiste à se demander si dans la variété française, il existe des artistes qui innovent ou si la majorité de la production française n'est qu'une variation, voire une resucée de ce qu'on a déjà entendu ? L'auteur est partie prenante dans ce débat puisqu'il participe largement au succès (qu'il soit commercial ou artistique) de la chanson. Peut-on parler de modernité en matière d'écriture ? "Ce qui compte avant tout dans l'écriture, c'est que ça soit sincère. Prenons Gainsbourg qui est un vrai novateur, quelqu'un de très moderne. En fait, son écriture est extrêmement classique. C'est de la rime bien filée, il y a le même nombre de pieds, la syntaxe est correcte. Pourtant ce qu'il en fait est extrêmement moderne." (A propos de Serge Gainsbourg, nous pouvons lire l'intervention de Brice lors d'un colloque consacré à l'artiste, qui eut lieu pendant les Nuits de Champagne à Troyes sur le site de la Sacem : Exercice autour d'un style)
"La chanson n'est pas un tout égal à la somme des parties. De la même façon, si on prend quelqu'un comme Dominique A considéré comme un type très moderne, il a une écriture classique. Et pourtant c'est moderne parce que très dépouillé. Il y a une façon d'aborder cette écriture classique qui elle, est moderne. C'est le regard qu'il porte là-dessus qui est moderne. Le rap est dans la lettre très proche de ce qui caractérise la poésie grecque, psalmodiée, rythmée, codée. Les rappeurs ont la plupart du temps une utilisation classique du langage, de la syntaxe, c'est avec le phrasé qu'ils prennent des libertés et là ils font montre d'une grande créativité. Le type qui serait vraiment moderne, ce serait Boris Bergman parce qu'il a une écriture complètement éclatée."
Musicien ou écrivain ?
Quand il s'agit de définir son métier, Brice considère l'ensemble de ses activités tout en reconnaissant que l'écriture des paroles d'une chanson est une chose particulière. "Je suis un songwriter et j'en suis fier. Je suis aussi un écrivain, j'écris des romans, des scénarios. Ce sont des formats, des approches différentes, mais l'important reste de dire vrai. Quand j'écris des chansons, je fais avant tout de la musique, des paroles à chanter, pas à lire ni à dire... Il faut aussi écrire des choses chantables. Quand un chanteur chante à plein volume sur une mélodie très haute, certaines sonorités, certaines respirations ne vont pas passer." Contrairement à ce qu'on pourrait penser, musique et texte sont donc totalement imbriqués, les deux ne pouvant se coller artificiellement l'un à l'autre. "Ceux qui écrivent de bons textes sont aussi musiciens ou en tout cas suffisamment pour écrire des choses musicales. Un texte peut être bon sur le papier et une fois mis en musique, il ne passe plus, trop écrit, trop compliqué, c'est ça la spécificité du texte de chanson. Il y a d'ailleurs des auteurs qui ne veulent pas qu'on imprime leur texte, parce qu'ils sont faits pour être entendu, pas lus. De la même façon qu'il est rare qu'un poème mis en musique fasse une bonne chanson ou alors c'est déjà de la musique. Les textes de Prévert sont déjà des chansons."
Un auteur sur le net
En pleine expansion du multimédia, Brice s'intéresse aussi au net, aux possibilités que le Réseau donne en matière de communication. En effet, depuis quelques jours, un site (en français et en anglais) lui est consacré montrant ainsi son travail, de l'écriture de chansons bien sûr, en passant par la photographie et la poésie. Il a fait appel à Christophe Dellatre qui s'est occupé de la conception et de la réalisation graphique pour donner à son site une certaine "couleur". Pour donc en savoir plus sur Brice, rendez-vous sur www.bricehoms.com
Propos recueillis par Valérie Passelègue
Visuels : Christophe Dellatre