Charles Trenet
Paris, 8 novembre 1999 - Dans la foulée de son dernier disque "les Poètes descendent dans la rue", lui le grand poète éternel est descendu Salle Pleyel pour trois récitals exceptionnels les 4, 5 et 6 novembre dernier. Par voie de presse, Charles Trenet en avait donné le ton : " Ceux qui viendront à mon spectacle seront dispensés d'assister à mon enterrement !". L'envie de s'amuser du grand fou chantant reste intacte.
Trois soirs à Pleyel
Paris, 8 novembre 1999 - Dans la foulée de son dernier disque "les Poètes descendent dans la rue", lui le grand poète éternel est descendu Salle Pleyel pour trois récitals exceptionnels les 4, 5 et 6 novembre dernier. Par voie de presse, Charles Trenet en avait donné le ton : " Ceux qui viendront à mon spectacle seront dispensés d'assister à mon enterrement !". L'envie de s'amuser du grand fou chantant reste intacte.
C'est visiblement émus que les spectateurs de la salle Pleyel ont accueilli Monsieur Charles Trenet en lui rendant une véritable standing ovation à son entrée sur scène. Costume bleu foncé et œillet à la boutonnière, chapeau mou à la main, le monument vivant de la chanson française paraît heureux d'être là, en ce jour de la Saint Charles. Un tour de chant soigneusement préparé, 26 chansons en tout, ce qui est peu, au regard de toutes celles qu'il a composées (900 ont été déposées à la Sacem), mais beaucoup pour un monsieur de 86 ans qui n'était pas remonté sur scène depuis 1989 au Palais des Congrès, mis à part une soirée unique à l'Opéra Bastille pour ses 80 ans.
Deux pianos et une contrebasse suffisent à l'accompagner. Doucement, les souvenirs s'égrènent. De "Revoir Paris", chanson composée dans un avion qui le ramenait des Etats-Unis vers la capitale à ce "Kangourou", souvenir rapporté d'Australie ou bien "Tempéramentale", l'histoire de cette dame excentrique promenant son léopard en laisse. Moment émouvant lorsque Charles Trenet réclame une chaise pour s'asseoir, ses vertèbres le faisant trop souffrir (le chanteur a été renversé par un cycliste il y a un mois). Mais ne se départit pas de son humour pour expliquer les deux grandes feuilles posées sur le sol, et qui lui servent d'aide-mémoire : "Ce sont les titres, vous avez remarqué comme on ne parle plus de chansons mais de titres, c'est curieux".
Un chanteur extraordinaire
Ses plus grands succès sont au rendez-vous de ce tour de chant, "Que reste-t-il de nos amours", "Mam'zelle Clio", "le Jardin extraordinaire". "J'enregistre vos applaudissements dans mon chapeau et le soir, je me les réécoute" dit-il un brin cabotin. Car Charles Trenet aime dialoguer avec son public et c'est tout naturellement qu'il lui demande de reprendre en chœur "Douce France". Ce dont personne ne se fait prier et qui lui fera dire : "C'est beau, on se croirait à Lourdes". Après un entracte récupérateur, le fou chantant debout cette fois, enchaîne chanson intellectuelle "Débit de l'eau, débit de lait", chanson astronomique "le Soleil et la lune", dédié à Serge Gainsbourg cette chanson qu'il aimait beaucoup : "J'ai ta main dans ma main" ou encore "Mes jeunes années" qu'il avait composée pour les Compagnons de la Chanson, inscrite à leur répertoire pendant trente ans, et que "maintenant qu'ils ont tous disparus, c'est moi qui la chante".
On sent Charles Trenet littéralement emballé, la voix devenant plus forte au fil de son récital, l'excitation le gagnant un peu plus. Transmettant son swing au public. Quelques notes de piano aisément reconnaissables : "Vous la voulez en anglais, cela fait dix ans que je la travaille, vous l'aurez quand même". Charles Trenet entonne alors "la Mer", d'abord en anglais, puis en français, reprise dans le monde entier et ce soir-là par toute la salle. Ce qui étonne toujours chez ce grand-père, c'est cette propension à vouloir toujours s'amuser, imite le bruit du chat de gouttière, chante "Je t'attendrai à la porte du garage" avec l'accent de Narbonne. Enfin le grand Charles se lève et l'œil plus bleu que jamais, entame "Y'a d'la joie" sous les applaudissements et les cris de joie. Il coiffe enfin son canotier. Pas de rappel, malgré une salle debout pendant vingt minutes à attendre qu'il revienne. Une prochaine fois.
Pascale Hamon
UNE VIE EN FORMAT POCHE
Alors qu'à 86 ans il s'offre un énième retour sur scène, une biographie rapide et pas chère, signée Pascal Bussy, résume à l'attention des profanes la saga Charles Trenet.
Conter Charles Trenet, sa vie, son œuvre, en un peu moins d'une centaine de pages, la tâche était périlleuse. Dans sa biographie du fou chantant, "Charles Trenet" publiée cet été dans la collection Librio Musique (chez Flammarion), Pascal Bussy, critique musical mais aussi l'un des piliers de Warner Jazz en France, a opté pour un style journalistique concis et parfois perfide, loin du lyrisme complaisant de nombre de biographies officielles. Ce survol, aux antipodes de la démarche exhaustive d'un Richard Cannavo (auteur, en 1989, de "Trenet, le siècle en liberté", une somme de 650 pages), s'avère en fait un bon moyen à prix vil (10 francs) de brancher les plus jeunes des curieux sur ce monument de la chanson française. De l'enfance passée entre l'Aube et les Pyrénées orientales à son arrivée décisive à Paris en 1930, des premiers succès d'avant-guerre ("Vous qui passez sans me voir", "Y'a d'la joie", "Je chante"…) à la panthéonisation officielle favorisée par le retour au pouvoir des socialistes au début des années 80, la vie du poète swing défile sous forme de résumé documenté.
Distant, Pascal Bussy, sans remettre en cause son apport à la culture populaire française depuis plus de 50 ans, n'oublie pas d'évoquer aussi, comme en quête d'équilibre ou à la recherche d'objectivité, les moments les plus difficiles de la vie de l'homme Trenet (poursuites judiciaires pour des problèmes de mœurs et, plus tard, pour rupture de contrat avec son éditeur, traversées du désert, récupération dans les années 80…).
Gilles Rio