Pascal Obispo

Devenu millionnaire en albums vendus avec Superflu, sorti il y a trois ans, Pascal Obispo a, depuis, renforcé encore sa position dans le paysage de la variété française. Compositeur de Savoir aimer, le plus grand tube de Florent Pagny, d'albums pour Johnny Hallyday et Patricia Kaas, donnant çà et là des chansons ou des collaborations artistiques, il donne avec Soledad un album divers, qu'il commente lui-même...

La métaphore de la passoire

Devenu millionnaire en albums vendus avec Superflu, sorti il y a trois ans, Pascal Obispo a, depuis, renforcé encore sa position dans le paysage de la variété française. Compositeur de Savoir aimer, le plus grand tube de Florent Pagny, d'albums pour Johnny Hallyday et Patricia Kaas, donnant çà et là des chansons ou des collaborations artistiques, il donne avec Soledad un album divers, qu'il commente lui-même...

Pascal OBISPO: – Dans cet album, j'ai eu envie de proposer douze univers différents.

Il y a aussi bien piano et cordes pour Ce qu'on voit allée Rimbaud écrit avec Roda Gil, que des boucles et des programmations de drum'n bass dans Vivre ici, qu'une espèce de «craigarmstronguerie» comme Par absence, qu'un peu de house qui pourrait être remixée par Todd Terry dans Variations sur le même «tu manques», qu'une chanson comme Mon océan qui ressemble à ce que je faisais avant, qu'un titre traditionnel comme L'important c'est d'aimer, qu'une veine un peu soul à la Curtis Mayfield mais avec un peu d'espagnol dans Soledad...

-Après avoir été très brit pop, vous voici très trip hop…
– C'est vrai, j'ai toujours fait beaucoup de brit pop. Mais, pour moi, Craig Armstrong, c'est de la brit pop. Tricky, ce n'est pas du trip hop, c'est Melody Nelson!

-Voici une question désagréable quant à votre réputation...
– J'ai l'habitude.

– Ah bon?
– Bizarrement, quand je rencontre les journalistes, ils me disent que j'ai mauvaise presse. Mais je garde tout et j'ai chez moi vingt-cinq classeurs de coupures de presse sur moi et je n'ai eu que cinq ou six articles négatifs.

-Donc, récemment, Johnny Hallyday disait qu'il n'avait pas trouvé que l'album que vous lui aviez écrit était «suffisamment Johnny Hallyday».
– On n'impose jamais rien à Johnny et c'est toujours lui qui décide. Si Johnny ne veut pas travailler avec quelqu'un, il ne le fera pas. J'aurais pu ne faire que trois chansons avec lui et il en a choisi quatorze – tout un album, avec ma vision de Johnny. J'avais l'impression qu'Allumer le feu était une chanson proche de Johnny – une chanson pour le Stade de France –, de même que Chacun cherche son cœur, Que ma Harley repose en paix ou Seul.
Mais qui mieux que la chair de sa chair, le sang de son sang, peut faire des chansons pour lui? David Hallyday a du talent et il est évident que, travaillant avec son père, il réussisse mieux que les autres à lui ressembler. Si sa fille Laura lui écrit un jour des chansons, ce sera pareil. Ceci dit, je ne trouve pas que Sans pour sang soit l'album le plus original de Johnny, mais je suis d'accord que ça lui ressemble beaucoup plus que ce que j'ai fait. Il a raison, je ne peux pas lui en vouloir de dire ça. Ce n'est pas méchant, c'est lucide. Et il n'a fait que trois albums écrit par un seul compositeur et, avant Sang pour sang, je reste la plus grosse vente des albums de Johnny, ex-æquo avec Lorada. Je suis content que le public l'ait aimé.

– Vous n'avez pas parfois la tentation de garder pour vous vos meilleures chansons?
– Je donne toujours le meilleur quand je fais des chansons – jamais de fonds de tiroir. Quand j'ai écrit Savoir aimer avec Lionel Florence, c'était pour Florent Pagny. Quand j'ai écrit Allumer le feu dans une chambre d'hôtel à Aix-les-Bains, j'ai immédiatement téléphoné à Johnny sur son bateau à New York. Si j'avais voulu les garder? Je n'aurais jamais vendu autant de singles que Florent avec Savoir aimer: c'est sa chanson, pas la mienne. Personne d'autre que Johnny ne peut chanter Allumer le feu...

– Vous n'enregistrerez jamais vos chansons écrites pour les autres?
– Pour les émissions de télé, je fais des petits pot-pourris de chansons que j'ai composées pour les autres, parce que j'en suis fier. Sur scène, je ferai sans doute quelque chose comme ça. Quant à les enregsitrer, ça n'a rien à voir. Enfin, pas maintenant.

– Vous avez le sentiment d'être prolifique?
– J'ai le sentiment d'aimer la musique beaucoup plus que ceux qui le sont moins.

– Vous pensez que vous ne serez jamais comme Alain Souchon, qui a mis six ans à écrire un album de dix chansons?
– Oh, ce n'est pas pareil. Alain est un auteur de chanson française. Les auteurs, ça réfléchit plus, ça a envie du mot juste, c'est important dans l'époque – Souchon, on le cite. Moi, j'ai une démarche beaucoup plus musicale, qui est le résultat d'une communion avec d'autres musiciens.

– La source ne se tarira pas?
– Il n'y a pas de source, mais une passoire: j'écoute de la musique, je reçois des informations tous les jours. Et ça coule.

– Dans les textes de cet album, vous semblez plus grave que dans les années précédentes.
– Quand je m'engage, c'est parce que je pense pouvoir faire avancer les choses. Je le dis à tout le monde ces jours-ci dans les interviews mais vous avez vu le type qui fait la manche à côté de la poste en bas? Toute la journée, il a sous les yeux un panneau qui dit «bureaux climatisés à louer». Quand j'avais seize ans, on rêvait de l'an 2000. On en rêvait. C'est ce que dit ma chanson Neil Armstrong ou Gagarine: ça sert à quoi d'aller sur la Lune quand ce type est encore là, en bas?