M
Nommé aux Victoires de la Musique 1999 après un premier album farfelu et imaginatif, le Baptême, M, alias Mathieu Chédid, confirme avec Je dis aime la place unique qu'il occupe parmi les nouveaux auteurs compositeurs interprètes, entre Souchon et le cirque Pinder. Entre rêves et réalités, le fils de Louis Chédid décode son univers ludique et coloré.
De A à Z
Nommé aux Victoires de la Musique 1999 après un premier album farfelu et imaginatif, le Baptême, M, alias Mathieu Chédid, confirme avec Je dis aime la place unique qu'il occupe parmi les nouveaux auteurs compositeurs interprètes, entre Souchon et le cirque Pinder. Entre rêves et réalités, le fils de Louis Chédid décode son univers ludique et coloré.
RFI musique : La bio envoyée aux journalistes précise : "Son album devrait être remboursé par la Sécu". A quels genres de malades s'adresse-t-il?
Matthieu Chédid : Il ne faut pas le prendre au premier degré… Je ne sais pas à qui ça peut s'adresser. Je suis le premier surpris qu'on s'intéresse à ma musique. Je ne suis pas élitiste. Je n'ai jamais fait une chanson en me demandant si j'allais toucher les 13-18 ans ou les 25-40. C'est un travail instinctif, inconscient.
C'est pour ça que vous préférez enregistrer en première prise?
Je me sens plus artisan qu'artiste. Ce qui me plaît n'est pas ce qu'on maîtrise mais ce qui échappe.
Les médias parlent de maturité pour ce 2ème album. Qu'est-ce qui a changé depuis le 1er ?
Le premier, le Baptême, porte bien son nom car avant, M n'existait pas. Le deuxième est une façon de préciser la direction. Après 125 concerts, tu commences à savoir où tu vas.
Justement, M, c'est Matthieu Chédid ou un personnage imaginé par Matthieu Chédid?
C'est une manière d'illustrer mon état sur scène. J'y suis plus excessif que dans la vie, où je suis assez calme. M, c'est Mathieu Chédid dans un contexte spécial. Mais c'est surtout une façon de m'amuser, me déguiser, avoir un décor et un côté enfantin qui fait qu'on ne se prend pas au sérieux.
Vous avez dit : "M, c'est beaucoup plus moi que Matthieu Chédid". Qu'est-ce que M se permet de dire ou de faire que n'ose pas Mathieu?
Au quotidien, je n'ai pas assez de temps et d'énergie pour dire les choses. Je préfère les laisser à l'intérieur. Sur scène, les gens me donnent une force que je n'ai pas dans la vie de tous les jours, qui me permet de dire des choses. Je ne dénonce pas des faits très graves, mais je dis sincèrement ce que je ressens. Mes tabous et mes complexes s'effacent quand je monte sur scène. Donc, ça me permet d'être moi-même. Je me sens inconsciemment protégé, comme derrière des lunettes noires ou un masque. Je suis timide et la musique m'a aidé à m'ouvrir et à parler.
M, n'est-ce pas aussi une couverture pour éviter d'être comparé à Louis Chédid, votre père?
Ça laisse une ouverture pour ceux qui ne savent pas. Dans les interviews, au début, on me parlait de mon père. Maintenant, on ne parle pas spécialement de lui mais on dit Matthieu Chédid. Les gens savent qui se cache derrière M. Je préfère être détesté pour ce que je suis qu'aimé pour ce que je ne suis pas.
Vos albums ont été conçus à la maison. Avez-vous besoin de cet environnement familier ou vous arrive-t-il de créer ailleurs?
80% des chansons sont composées chez moi, à la campagne car j'ai le temps, la disponibilité et la tranquillité. Cette maison a de bonnes ondes. J'y suis né et j'y ai passé mon enfance. Mais ça m'est arrivé de composer dans le bus qui nous transporte en tournée.
Une chanson mélancolique comme Qui est le plus fragile ? s'éloigne de l'image d'hurluberlu kitsch et excentrique que beaucoup ont de vous. Vers quoi vous voyez-vous évoluer ?
J'ai été éduqué dans l'ironie, le second degré. Il faut une maturité pour passer au premier. Je l'étais pourtant sur le premier album dans la Fleur ou le Rose pourpre du cœur, des morceaux dans lesquels je disais des choses plus profondes. Mais c'est le côté Machistador plus fun, qui a été mis en valeur. Aujourd'hui, j'essaie plus d'assumer certains sentiments.
Votre grand-mère Andrée a écrit 2 titres : Bonoboo et Je dis aime. Sur le plan de l'écriture, vous sentez-vous plus proche d'elle ou de votre père?
Elle a écrit un nombre incroyable de romans, était amie avec Albert Camus… Elle fait partie des grands écrivains du siècle. Dans ses textes, il y a un côté philosophique, poétique et quotidien. Au niveau de l'état d'esprit, nous avons beaucoup de points communs. Elle aime profondément la vie et les gens. Quand je chante ses textes, je me dis que je n'aurais pas pu les écrire mais ça colle parfaitement. Avec mon père, l'écriture n'est pas la même. Lui est plus social. Il fait des choses précises et réfléchies alors que moi, c'est le contraire.
Avant d'enregistrer vos propres chansons, vous avez collaboré en studio avec des artistes aussi différents que Nina Morato, NTM, Jane Birkin ou De Palmas. Ces expériences vous ont-elles permis d'évoluer artistiquement ou courriez-vous simplement le cachet?
Quand c'est lié à la musique, il y a toujours un côté affectif. Ça peut être des rencontres d'une journée ou d'un mois. Mais tout est lié à la relation. En plus, je ne suis pas comme d'autres guitaristes de studio qui sont extrêmement précis dans la technique, pouvant jouer du classique comme de la bossa. Je ne suis pas caméléon. Quand on m'appelle, c'est pour mon style, pas pour le guitariste. On me fait écouter le morceau et j'improvise. Toutes ces rencontres m'ont réussi.
De quoi nourrissez-vous votre inspiration ?
C'est un magma d'idées ludiques, futiles et décalées qui restent depuis 2 jours, 5 mois ou 10 ans. Par exemple, le look de M. Je voulais trouver un moyen de faire un M avec mes cheveux. Après, pour les vestes, je me suis inspiré de Sergent Peppers. Sinon, je ne suis pas un grand lecteur. Ma culture, en bande dessinée, c'est plus Franck Margerin et Eddycat que Tintin.
Etes-vous sensible à la critique ?
De temps en temps, des gens me regardent en se disant : "Regarde, c'est machin". Ça me perturbe, même s'il faut l'accepter. Les critiques me touchent. Je suis le plus mauvais juge de ceux qui pourraient écrire sur moi. Je ne suis pas contre quelqu'un qui en écrirait une critique juste car je suis convaincu de choses qui ne vont encore pas. Ceux qui font des chansons essaient d'arriver à quelque chose mais aucun ne parvient à ce qu'il veut. Je prie pour des critiques intelligentes. Des bonnes aussi parce que j'ai besoin de confiance.
Vanessa Paradis vous a demandé des chansons pour son prochain LP. Quand l'avez-vous rencontrée ? Et comment ?
Il y a un an et demi. Je n'ai jamais été demandeur. Quand mon premier disque a commencé à marcher, j'ai eu la chance qu'elle entende "le Baptême" à la radio. Elle pensait que c'était une fille qui chantait. Elle était dans sa voiture avec des potes et cherchait des gens pour écrire ses chansons. Deux jours après, elle laissait un message sur mon répondeur pour savoir si on pouvait se rencontrer. On s'est vus et ça s'est bien passé. Nous nous sommes aperçus que nous étions voisins de campagne. C'est devenu très affectif et familial.
Cela débouchera-t-il sur un album complet ?
Nous avons fait une dizaine de chansons plus ou moins abouties. Je composais en tournée puis venais deux ou trois jours pour enregistrer avec elle. Dans le tas, il y en a qui resteront. A savoir combien et quand elles sortiront, je ne sais pas.
Ecrire pour Paradis après Serge Gainsbourg et Lenny Kravitz, vous le vivez comme une consécration ?
Je ne l'ai pas pris comme ça. C'est écrasant d'y penser.
Prévoyez-vous de travailler pour d'autres artistes ?
Je suis limité par le temps mais j'ai des projets. Je préférerais pousser des inconnus de talent que des artistes reconnus juste parce que c'est "branchouille".
David Hallyday vient de composer les musiques du dernier album de son père. Envisagez-vous des projets avec le vôtre?
Nous avons fait des bouts de chansons mais ça n'a pas abouti. Ça se fera peut-être un jour. J'ai encore besoin de me construire pour que ça ne soit pas l'œuvre d'un fils à papa.
Je dis aime (Delabel)