MINO CINELU
Mercredi, le 19 janvier 2000 - Le percussionniste français d'origine antillaise, Mino Cinelu, sort enfin son premier album à son nom, après avoir participé à une kyrielle d'enregistrements pour les autres. Ses rythmes raffinés ont servi Bernard Lavilliers, Miles Davis, Pierre Akendengue, Sting, Bruce Springsteen, Curtis Mayfield, Toto Bissainthe, Tracy Chapman... Résumé d'une épopée.
Le parcours du coeur battant
Mercredi, le 19 janvier 2000 - Le percussionniste français d'origine antillaise, Mino Cinelu, sort enfin son premier album à son nom, après avoir participé à une kyrielle d'enregistrements pour les autres. Ses rythmes raffinés ont servi Bernard Lavilliers, Miles Davis, Pierre Akendengue, Sting, Bruce Springsteen, Curtis Mayfield, Toto Bissainthe, Tracy Chapman... Résumé d'une épopée.
Agacé par d'incessants contrôles de papiers, Mino Cinelu quitte la France en 1979 pour les Etats-Unis. Il a vingt-deux piges et de l'énergie à gogo. Là-bas, le Gotha musical lui ouvre grand les bras. Au fil des années, il se construit un curriculum vitae impressionnant. Le secret du percussionniste antillais ? Dépasser sa virtuosité, pour mettre en lumière une poésie du son. Faire vibrer les musiques intérieures de la musique.
1983, il revient en beauté en Europe, à l'occasion d'une tournée avec le groupe de Miles Davis. Il dompte le Palais des Congrès (à Paris) d'un solo de triangle, petit instrument presque ridicule qui, entre ses mains, répand une divine poudre d'étoiles. Il en décline les milles nuances et un arc-en-ciel de résonances. Miles adore l'inventivité de Mino et lui confie plusieurs soli par concert.
Le percussionniste reste quelque chose comme trois ans avec le légendaire trompettiste. Puis notre globe-trotter du tempo part vers d'autres horizons musicaux et géographiques. Qu'il voyage avec Herbie Hancock, Youssou N'Dour (dans le cadre de la tournée pour Amnesty International) ou Pino Daniele, il garde en lui les folklores imaginaires, les riches cultures populaires qu'il entend ou voit. C'est à ce parcours du cœur battant qu'il nous convie dans le premier disque à son nom, attendu par ses fans depuis longtemps et humblement intitulé "Mino Cinelu".
Le percussionniste reste quelque chose comme trois ans avec le légendaire trompettiste. Puis notre globe-trotter du tempo part vers d'autres horizons musicaux et géographiques. Qu'il voyage avec Herbie Hancock, Youssou N'Dour (dans le cadre de la tournée pour Amnesty International) ou Pino Daniele, il garde en lui les folklores imaginaires, les riches cultures populaires qu'il entend ou voit. C'est à ce parcours du cœur battant qu'il nous convie dans le premier disque à son nom, attendu par ses fans depuis longtemps et humblement intitulé "Mino Cinelu".
Pour lui-même
Un travail de solitaire quasiment, hormis l'apparition, sur certaines plages, du bassiste camerounais Richard Bona et de Mitch Stein, guitariste américain complice de Tania Maria et Cyndi Lauper. Au gré d'instruments et de styles butinés aux quatre coins du monde, l'alchimiste crée un univers éminemment personnel. La composition "Shibumi Dunes", qui pérégrine de gammes asiatiques au blues de l'Amérique profonde, en furetant par l'Afrique, illustre superbement l'épopée Cinelu. Tambour sénégalais sabar, instrument à cordes banshi (entre banjo et sanshi japonais), slide guitare, luth "saz" de Turquie, batterie, bandonéon : Mino joue de ces différents instruments sans tomber dans le piège du collage, mais en forgeant une cohérence intime. De l'infinitésimal et du singulier, il invente une subtile universalité.
Ses racines antillaises ne sont pas oubliées. Dans cet album, la langue créole a une place au soleil. Il commence avec "Chouval Bwa", du nom du rythme martiniquais lié aux manèges qu'autrefois l'on poussait manuellement. Déjà enregistrée dans le passé (avec le groupe Weather Report), sa fameuse ballade "Confians" revêt ici une nouvelle version à laquelle Richard Bona apporte sa basse et sa voix. Si le ton général du disque est plutôt retenu, intériorisé, le rythmicien hors pair conclut par un jungle-beat époustouflant ("Why Not"), imprimant au drum'n bass une délicieuse saveur acoustique, une humanité dont les manipulateurs de machine manquent souvent.
Né à Saint-Cloud en 1957, c'est à travers son père chanteur et guitariste qu'il s'initia de bonne heure à la musique. "Avec lui et avec mes frères, on jouait à la maison, que ce soit de vieilles biguines ou des airs brésiliens", se rappelle Mino. "A chaque fête, tous les oncles et tantes venaient. La cadence battait son plein. Ca m'a ouvert la tête". A sept ans, il débarqua pour la première fois aux Antilles, après onze jours de bateau. Plus que du cyclone qui sévissait dans le coin, il se souvient des chants de bienvenue avec lesquels les gens l'ont accueilli. "Par la suite, lorsque je suis devenu musicien, j'ai souvent retrouvé le parfum cette hospitalité au cours de mes périples. Par exemple avec la famille de Youssou N'Dour à Dakar. Ou auprès des Amérindiens dans la forêt amazonienne, où le chef a joué la flûte sacrée en notre honneur. J'étais avec Sting. Les Indiens martelaient la terre de leurs pieds. Puis ils se sont mis à tournoyer. C'était fabuleux".
En Afrique, il a chaque fois l'impression de retrouver une partie de lui-même. Lors d'un séjour au Zimbabwe, il se rendit, avec Peter Gabriel et Manu Katché, dans une petite boîte de la capitale. Des musiciens jouaient du mbira (autre appellation de la sanza). "Nous avons tous dansé. J'ai rapporté un mbira avec moi et le portier de l'hôtel m'en a montré les rudiments. Plus tard, je suis allé à Okinawa, île qui fut colonisée par le Japon et qui possède une culture particulièrement riche, avec une grande diversité d'instruments. J'ai entendu des rythmes ressemblant à certains de ceux qui prévalent en Afrique". Ces ponts, en général invisibles, que seule l'intelligence du cœur et de l'oreille perçoit, constituent le sel de la vie, pour celui que Miles Davis surnomma le Métronome.
Fara C.
CD "Mino Cinelu" (Emarcy/Universal).
Tournée du 23 février au 15 mars. Notamment : le 26 février à Pointe-à-Pitre (Guadeloupe) ; le 2 mars, Bordeaux; le 3, Angoulême ; le 4, Albi ; le 7, Paris (New Morning) ; le 8, Massy ; le 9, Montpellier ; le 10, Nice ; le 11, Alençon ; le 12 Saint-Brieuc ; le 13, Anvers (Belgique) ; le 15 mars, Fribourg (Suisse).