Sally Nyolo
Sally Nyolo courtise la légéreté, elle croit aux vertus de l'acoustique, qui laisse plus libre la voix. Elle sait que pour se connaître, il ne faut jamais oublier d'où l'on vient. Elle chante en eton, sa langue natale au Cameroun et donne sa propre lecture du bikutsi, le rythme de ses origines. Rencontre avec une chanteuse épanouie, rayonnante et positive, à l'occasion de la sortie de son nouvel album, enregistré en partie au Cameroun, avec des musiciens du cru.
Sally Nyolo courtise la légéreté, elle croit aux vertus de l'acoustique, qui laisse plus libre la voix. Elle sait que pour se connaître, il ne faut jamais oublier d'où l'on vient. Elle chante en eton, sa langue natale au Cameroun et donne sa propre lecture du bikutsi, le rythme de ses origines. Rencontre avec une chanteuse épanouie, rayonnante et positive, à l'occasion de la sortie de son nouvel album, enregistré en partie au Cameroun, avec des musiciens du cru.
Avant même d'écouter votre musique, lorsqu'on vous regarde, c'est déjà tout un voyage...
J'aime porter des vêtements qui fusionnent les cultures. Je ne suis pas seulement "Afrique" aujourd'hui. Je suis un mélange de ce monde. Je mets à chaque fois une heure pour me préparer avant de chanter. Je prend du temps pour le maquillage, choisir les tissus. La musique, ce n'est pas seulement des sons, c'est aussi des histoires qui se racontent, des tableaux, des peintures, des parfums, des couleurs. La musique, ça se respire, ça se goûte, ça se regarde. Sur scène, j'aime dresser le décor des chansons et y emmener le public.
Installée à Paris depuis l'âge de treize ans, vous avez commencé votre carrière en chantant avec Touré Kunda, Sixun, Princess Erika et d'autres. Puis vous avez partagé un bout d'histoire avec Zap Mama. Jusqu'au jour où vous vous êtes sentie interpellée par vos racines.
Cet appel a constamment été là. J'ai toujours eu une nostalgie pour mon pays, pour ma langue, l'eton. D'ailleurs, j'avais fait la demande expresse à ma mère de me parler sans arrêt en eton. Cela m'a permis de garder au fil des années la musique de ma langue natale. Tout en assurant les chœurs pour certains artistes, j'ai commencé à chanter et à écrire pour moi. En français, en anglais, en eton. Un jour, j'ai fait le tri dans tout ce que j'avais écrit et je me suis rendu compte que j'avais plus de textes en eton. Je suis donc partie de cette base pour enregistrer des maquettes, qui plus tard allaient former la trame de mon premier album, Tribu. Pendant cette période, je commençais déjà à m'intéresser au bikutsi, la musique du centre-sud du Cameroun que personne ne faisait encore à Paris.
Votre retour au Cameroun en 1998, pour le tournage du film Graine de tonnerre (votre portait, réalisé par François Bergeron et diffusé sur France 3), vous l'avez vécu comme une grande émotion. Vous souhaitiez donc repartir là-bas capter quelques éléments de votre nouvel album.
Je voulais faire participer des guitaristes, des bassistes de chez moi. Je suis partie avec un répertoire que j'avais travaillé à Paris, des morceaux prêts qu'il ne restait plus qu'à enregistrer. Il n'y avait pas de place ni de temps pour la création, pour la composition. C'est pour cela que l'on ne retrouve pas, par exemple, sur cet album, Anne-Marie Nzié, que j'avais tenu à rencontrer pour le film. Cette chanteuse a marqué mon enfance. On l'écoutait à la radio (mes parents n'avaient pas de tourne-disques). Elle était très respectée alors. En revanche, j'avais dès le départ prévu de faire un titre avec les Pygmées de la forêt du centre-sud du Cameroun que j'avais rencontrés en 1998. Je suis arrivé chez eux le 1er janvier. Je leur ai donc chanté des paroles de circonstance. C'est comme ça qu'a été imaginée et conçue la chanson «Bonne Année», présente sur Béti.
Vous avez également invité Andjeng Etaba Pantaléon, joueur de mvet, une sorte de guitare ou de harpe formée de quatre calebasses et de dix cordes.
Le mvet, c'est vraiment l'instrument spécifique du bikutsi, des Bétis, avec lequel on chante les épopées. Il existe aussi chez les Fangs, donc au Gabon, et également en Centrafrique, sous des formes un peu différentes. Le joueur de mvet n'est pas comme le griot en Afrique de l'Ouest. Il ne chante pas les louanges, il dit crûment ce qu'il pense, il rigole et ne fait pas forcément de jolies notes. Aujourd'hui, on vient le chercher pour animer les soirées de certains notables qui veulent garder la tradition près d'eux. Il a beau être la mémoire du peuple, se montrer brillant, c'est encore hélas quelqu'un que l'on "paie au vin de palme", dont l'art est loin d'être rétribué à sa juste valeur.
L'année qui vient de s'achever a été positive pour vous?
A titre personnel, oui. J'ai fait ma première tournée au Cameroun. J'ai pu toucher le public camerounais du bout des mains. Ce fut pour moi extraordinaire. Cela faisait longtemps que je rêvais, en tant qu'artiste issue du monde africain, de partir sur le continent, pour chanter, jouer le bikutsi, la musique de chez moi.
Vous avez une bonne étoile?
J'en ai au moins une, si ce n'est plusieurs. Il ne faut pas faire de jaloux...
Sally Nyolo Béti (Lusafrica / Naïve) 2000