Annegarn.com

Soucieux de son autonomie.
C'est pour le moins un euphémisme de qualifier ainsi Dick Annegarn. Néerlandais de sang, Bruxellois d'éducation, Dick s'installe en France et devient une vedette de la chanson dans les années 70. Mais se sentant cannibaliser par l'industrie, il met les voiles et se lance dans des aventures plus personnelles, voyages, vie en communauté, vie associative, théâtre. Dans les années 90, il renoue avec le succès mais selon ses conditions : une certaine liberté. Mariage de l'indépendance et de l'interactivité, le Net ne pouvait que le séduire. A peine émergé de son récent déménagement pyrénéen, il nous conte le pourquoi et le comment, le pour et le contre de son site annegarn.com.

La vie est ailleurs

Soucieux de son autonomie.
C'est pour le moins un euphémisme de qualifier ainsi Dick Annegarn. Néerlandais de sang, Bruxellois d'éducation, Dick s'installe en France et devient une vedette de la chanson dans les années 70. Mais se sentant cannibaliser par l'industrie, il met les voiles et se lance dans des aventures plus personnelles, voyages, vie en communauté, vie associative, théâtre. Dans les années 90, il renoue avec le succès mais selon ses conditions : une certaine liberté. Mariage de l'indépendance et de l'interactivité, le Net ne pouvait que le séduire. A peine émergé de son récent déménagement pyrénéen, il nous conte le pourquoi et le comment, le pour et le contre de son site annegarn.com.

Ce matin-là, Dick Annegarn boite. Il est tombé d'un arbre. Poète jusque dans ses chutes. Poète, oui, avec une pointe de nouvelles technologies. C'est un peu l'ambiance générale de son univers en général et de son site annegarn.com en particulier. Ouvertes en 1999, ces pages Internet ne sont pas les premiers pas du chanteur dans le multimédia, loin de là. Il s'investit sur un projet de studio multimédia en 1990, écrit une pièce dans laquelle un ordinateur tient une place majeure en 94 (et qu'il s'apprête à remonter), produit un CD-extra pour un artiste marocain, Raïs Mohand, pratique le DV (digital video), le montage : "C'était pour moi une suite logique de faire ce site". Synthèse des expériences passées, "je peux montrer tout ce que j'ai fait", annonce t-il, sourire aux lèvres. "C'est un bon moyen de tout réunir au même endroit et de partager".

La forme

Mais avant de partager, Dick Annegarn s'est retrouvé seul avec son projet. "J'ai cherché un soutien, une aide de la maison de disques et de mon éditeur en leur apportant un projet avec un devis. Mais on a rencontré un refus frileux, une certaine ignorance, la peur de l'inconnu. Les maisons de disques ont peur du web et du vide juridique. Elles sont beaucoup plus en retard que la plupart des entreprises. Leurs ordinateurs sont des ordinateurs de bureautique sans fonction multimédia". . Qu'à cela ne tienne, Dick s'est donc penché tout seul sur la naissance de son bébé site. "Mais j'y ai gagné en liberté," ajoute t-il. Il sait ce qu'il veut et petit à petit, monte un site à son image, ludique et musical : "J'ai appris par moi-même en appliquant des logiciels dédiés comme Dreamweaver, Flash, Premiere, Photoshop, etc". Dès la première page, on est dans l'ambiance. Petite musique faite maison et cette phrase "Ce site de Dick Annegarn est fait par Dick Annegarn". Affranchi et autonome. Tel est notre hôte.

Dans les pages suivantes, une guitare tient lieu de guide : "J'ai tout orchestré autour d'une guitare parce que je suis avant tout guitariste". Et comble du détail, quand on glisse la souris sur ses cordes, on entend… un son de guitare différent pour chaque corde. Excellent. Mais contrairement aux sites de ses collègues, annegarn.com est moins high-tech, moins concours-du-plus-beau-site. "Je ne m'intéresse pas aux sites des autres, aux sites "flashy" ou "arty" qui pullulent sans réel fond. Le mien a une facture classique, en camaïeu de gris, parce que je ne veux pas le refaire tous les six mois. Je ne veux pas d'un site trop impersonnel, trop "esthétique surf".

Le fond

Quant il créé ses pages, Dick cherche à raconter et non à se raconter : "C'est vrai que je ne montre pas beaucoup ma tronche sur le site. Pour moi, ce n'est pas quelque chose de sensuel ou de sensible. J'ai fait ça en solitaire plutôt dans l'état d'esprit de l'artiste que j'ai été pendant 10 ans, l'artiste un peu oublié qui voulait qu'on se rappelle de ses textes ou du moins, qu'on puisse les retrouver". C'est ainsi qu'une large partie du site recense 150 textes de l'artiste accompagnés des partitions et des extraits musicaux, "mais une minute seulement parce que je ne suis pas propriétaire de mes droits".

En dehors de ses droits, Dick Annegarn est "webmaster en chef"". Le contenu est laissé à son libre arbitre et les mises à jour doivent l'attendre. Il faut qu'il soit à la maison, entre voyages et tournées, pour que le site évolue, bouge, change. C'est ainsi que certaines rubriques tardent à s'étoffer par manque de temps. "Je pourrai développer encore plus la partie Voyages avec toutes mes photos. Quant à la rubrique Bazaar, encore vide, j'ai l'idée d'un espace de vente de disques, d'une boutique. Mais c'est plus compliqué à mettre en place parce que ça ne dépend pas que de moi. Si je vends, je dois reverser de l'argent. Des sites de commerce électronique ne font que ça. De plus, ça impliquerait une certaine main mise de la part de ma maison de disques Warner et de mon éditeur Chappell". Eternel problème de l'artiste écartelé entre l'industrie et sa liberté, pas toujours compatibles. "Et les liens, franchement, c'est comme les duos Taratata (émission musicale, ndlr), ce sont de fausses amitiés. Il y a autant de curés que d'églises chez nous. Je ne crois pas que ce soit mon rôle d'artiste. Il y a des sites pour ça. Chacun fait son boulot". C'est ainsi qu'on trouve un lien vers le groupe de son ami Raïs Mohand, musicien berbère marocain, dont Dick fait la promotion aussi souvent que possible : "Je les ai mis en avant parce qu'ils représentent une minorité. Une minorité de 60%. Il n'y a rien sur eux donc le lien est utile".

L'e-courrier

Le moteur de Dick Annegarn, c'est la rencontre et le contact humain. Le Net oui, mais en complément, en support. Dans sa démarche artistique, il n'oublie jamais que c'est un outil et non une fin en soi. "Heureusement que j'ai les concerts, mais je soupçonne beaucoup d'artistes d'entrer en contact avec le monde via le Net depuis leur petite piaule, avec leur petite loupiotte. C'est ce que je fais aussi. Mais pour moi, ce n'est pas la vie. Hier encore, j'ai organisé une rencontre-dédicace à la fin d'un concert. Et comme je ne peux pas voir tout le monde, je les envoie sur le site et là, les gens sont désolés. Ils préfèrent le contact aussi". Et de compléter : "Le Net, c'est comme les home studios, on n'y fait pas de rencontres, que des tentatives de rencontres". CQFD.

Mais comme tous les artistes qui s'affichent sur la toile, Dick Annegarn se rend compte que le courrier électronique apporte un plus dans la relation avec ses aficionados : "Franchement, j'ai pas mal de retour, d'e-mails par jour. Les gens m'écrivent et pas seulement pour dire qu'ils m'aiment bien mais ils m'envoient des poèmes ou des dessins. Mais le vrai retour, c'est celui des gens qui m'écrivent après m'avoir rencontré lors des tournées. Il y a une interactivité qui me fait plaisir intellectuellement". Une fois encore, le Net en complément de l'humain. De toutes façons, Dick Annegarn pratique peu l'Internet pour son usage personnel. "Ça me bousille les yeux. C'est comme la musique, j'en fais mais j'en écoute peu. Pour moi, l'outil principal du Net, c'est l'e-mail. J'y passe plus de temps qu'à regarder des sites. De plus, je trouve qu'esthétiquement c'est navrant. Les sites sont tellement vulgaires que je ne peux pas les regarder longtemps. Je préfère regarder les Pyrénées que mon écran". Et regarder les montagnes, il peut désormais le faire en travaillant : "Lors de mon retour à la campagne, j'étais rassuré par le fait de pouvoir travailler chez moi, faire du télé-travail. J'ai par exemple travaillé sur la pochette du "Best of Dick" qui sort début avril (sorti le 3 avril chez Polydor, ndlr). Je peux donc maintenant plus facilement m'éloigner de Paris. Le Net me permet d'être en ville et à la campagne en même temps".

Travailler, s'amuser

Aujourd'hui, l'artiste se prend à rêver de ce que qu'aurait pu être son creux de la vague (les années 80) s'il avait alors eu un site internet : "Ça m'aurait sans doute permis de signer plus tôt. On disait de moi que j'étais une mauvaise copie de moi-même et je n'arrivais pas à me rendre crédible auprès d'un directeur artistique". Le Net aurait pu lui servir à communiquer de force, à se faire reconnaître en dépit d'une industrie qui lui fermait la porte. Pour Dick Annegarn, Internet est donc une vraie chance pour les générations montantes : "Coluche disait "Quand on additionne les minorités, ça devient une majorité". Jusque là, les artistes essayaient de niveler par le milieu pour avoir une chance de gagner un peu leur vie. Aujourd'hui, le Net offre des possibilités de se faire connaître, de sortir des frontières, de garder son authenticité, sa marginalité", une source d'économie pour les jeunes artistes : "Le marché de la maquette est une ruine pour beaucoup de gens", et un réservoir de talents pour les professionnels : "Si un producteur est aujourd'hui à la recherche de groupes un peu originaux, c'est vrai que le Net est un moyen".

Finies les vaches maigres, Aujourd'hui, Dick Annegarn peut se permettre d'utiliser l'Internet comme il l'entend, pour le plaisir, pour lui et pour les autres. Sa tournée d'hiver terminée, il se réinstallera devant son ordinateur, au pied des Pyrénées, et travaillera le contenu de son site, l'étoffera, le transformera, l'habillera, le déshabillera : "La vidéo fait aussi partie de mon ambition à venir. Je pourrais mettre une caméra sur ma tronche et communiquer directement, établir un contact visuel. Pouvoir s'amuser".

annegarn.com

Catherine Pouplain

"Le meilleur de Dick" (Polydor)
"Dick Annegarn au cirque d'hiver" (WEA/Tôt ou tard)
"Azorf"/ Raïs Mohand " (WEA)