Cesaria Evora en Argentine
C'est à Neuquen, en pleine Patagonie, que Cesaria Evora a ouvert le 12 avril sa deuxième tournée de concerts en Argentine. "Cesaria a jeté ses filets et les a ramenés pleins!", titre le Rio Negro, le journal régional.
Une Diva dans la Pampa
C'est à Neuquen, en pleine Patagonie, que Cesaria Evora a ouvert le 12 avril sa deuxième tournée de concerts en Argentine. "Cesaria a jeté ses filets et les a ramenés pleins!", titre le Rio Negro, le journal régional.
Deux chroniques reflètent avec chaleur la rencontre d'une "magicienne" et d'un public envoûté et enthousiaste au point que "cette femme d'apparence tranquille se montra jubilante, comme si elle ne pouvait croire qu'en un lieu si lointain, tous puissent entrer si facilement dans ce filet qu'elle jetait et ramenait, au même ton que ses chansons". Le quotidien publie aussi un émouvant poème intitulé Déclaration d'amour pour Cizé : "C'est tellement beau de pleurer dans la pénombre...(...) de sentir le courant qui nous porte vers les abandonnés de la terre (...) ceux qui se perdent pour une pièce de monnaie dans nos rues de Neuquen".
Après les étincelles d'amour vécues en Patagonie, Cesaria a regagné la capitale argentine qui, depuis l'an dernier, ne lui était pas inconnue. Elle y avait chanté à La Trastienda, une petite salle de spectacle, pour trois soirées qui, sous l'effet du bouche à oreille, avaient dû être doublées. Elle avait rencontré Mercedes Sosa, la Negra, la grande chanteuse des provinces andines. Et puis le soir de son arrivée, dans le quartier d'Avellaneda, à sa grande surprise, la grande communauté cap-verdienne avait préparé une fête pour lui faire goûter l'asado (grillades), et lui avait offert des disques de tango (une musique qu'elle ressent proche de la sienne, par sa mélancolie). Les immigrants cap-verdiens et leurs descendants sont près de huit mille en Argentine. "Il y a eu deux grands vagues migratoires après chaque guerre mondiale. Ils étaient pêcheurs, dockers, et se sont installés près du port", explique Miriam, 38 ans, ex-présidente de l'association cap-verdienne. La morna et la coladeira de Cesaria, elle les écoute depuis bien des années : "Quand quelqu'un venait de Cap-Vert, il ramenait des cassettes que nous nous faisions passer comme des trésors, raconte-t-elle. Aujourd'hui, c'est un fait inédit, historique pour nous qu'une chanteuse africaine chante dans une salle porteña (de Buenos Aires, ndlr). Cela permet aussi à l'Argentine de renouer avec des racines qu'elle a eu tendance à occulter".
Jeudi soir, dans l'immense salle du Gran Rex (3000 places), Miriam était au premier rang, avec sa famille, ses amis, et de nombreux Cap-Verdiens. Leur présence "redouble son plaisir de revenir en Argentine", confie Cesaria. Pendant le concert, elle leur glisse des sourires, des signes complices. Deux morna ouvrent le spectacle: Sodade et Flor de nha esperanca. Luiza est un grand moment d'émotion, avec pour subtil accompagnement, un violon, deux guitares et le cavaquinho (petite guitare à cordes, ndlr). Pour le final, Nho Antone Escaderode, la salle entière n'y tient plus, et debout, mêle les applaudissements à la danse. Cizé se penche pour recueillir les bouquets de fleurs. Avant de quitter la scène, heureuse, elle ouvre les bras, esquisse un déhanchement. C'est l'ovation, les cris, les applaudissements pendant plusieurs minutes, dans l'espoir d'un nouveau bis. Mais sur scène ne reste que la trace, légère, de ses pieds nus. Et dans tous les cœurs euphoriques, la douceur de sa voix et l'écho des vagues de son lointain archipel.
Pour en savoir plus sur Cesaria Evora, consultez sa biographie