Le Québec aime Daran
Avec son nouvel album Anita et Augustin (East West), Daran a fait le pari de jouer la carte de la simplicité, de la transparence. Résultat, à peine installé sur les présentoirs son quatrième album obtient la faveur du public et des critiques. L'histoire d'amour se poursuit avec le Québec où le chanteur a donné quelques concerts ces derniers jours.
Debout et heureux
Avec son nouvel album Anita et Augustin (East West), Daran a fait le pari de jouer la carte de la simplicité, de la transparence. Résultat, à peine installé sur les présentoirs son quatrième album obtient la faveur du public et des critiques. L'histoire d'amour se poursuit avec le Québec où le chanteur a donné quelques concerts ces derniers jours.
L'infortune de son précédent album, Déménagé paru en 1997 est oublié et pour sa treizième visite chez nous, Daran a fait le grand ménage. Les Chaises ont pris la porte, devancés par les échantillonneurs, les synthés et l'électronique pour laisser place nette à la simplicité, à l'essentiel. Ce soir j'assiste au spectacle de celui qu'on appelle l'enfant chéri des Québécois. Il est vrai que c'est ici et pas en France que sa carrière a démarré avec l'excellent Dormir dehors, certifié or en 96, couronné du Félix de l'artiste de la francophonie (équivalent des Victoires) et automatiquement adopté.
Le show commence dans la bonne humeur et dans le rire avec un problème de guitare vite réparé. Ce petit intermède imprévu ne fait qu'accroître le lien déjà très fort qui unit Daran et ses fans. Mardi 18 avril, la Maison de la Chanson, sur la plus vieille rue d'Amérique du Nord, dans le vieux Québec, se fait l'écho d'un rock très électrisant ou la guitare acoustique, la voix pénétrante de Daran et les guitares électriques se mêlent à merveille sur des mélodies intelligentes et sophistiquées. Si tout le monde s'accorde à parler d'un retour à l'essentiel, à l'intensité c'est que Jean-Jacques Daran à choisi de revenir à un son plus naturel, plus direct et poignant. Une vérité qui s'impose dans une chanson comme Légalise qu'un confrère n'a pas hésité à comparer à un mantra hypnotique. Il m'a enlevé les mots des doigts.
Daran aurait très bien pu concevoir son show avec des succès des albums précédents, personne ne lui en aurait voulu. Il a pourtant opté pour la solution la moins facile en présentant des pièces encore peu connues puisque extraites de son nouvel album. Enregistré dans les conditions du live dans un ancien cinéma parisien, transformé en studio, Augustin et Anita n'offre rien de trop. Tout y est épuré, centré sur le nécessaire. Même au Québec où les groupes de rock sont nombreux, on ne trouve pas une écriture aussi efficace. Les textes sont engagés, disent ce qu'ils ont à dire sur les inégalités sociales, l'absence de tolérance, les habitudes qui tuent. Derrière chaque grand homme il y a une femme. La femme derrière Daran, c'est la sienne, Alana Filippi. Elle est la complice de l'ombre, la main qui écrit, l'auteure indispensable dont les mots prennent vie et force avec cette voix pénétrante qui elle aussi suit la logique de l'album. Simple, puissante mais jamais excessive.
La soirée a commencé avec Quelque chose moi et s'est terminée avec un quelque chose en plus dans chacun de nous. Avec la sensation d'avoir assisté à un moment privilégié, comme si nous avions remonté le temps et nous étions retrouvés dans cette vieille salle de cinéma entre chums. Un ou deux titres supplémentaires de l'infortuné Déménagé, revisités et nettoyés de ses gugusses électroniques auraient été appréciés surtout après cette version intense de Ramses qui en a laissé plusieurs bouche bée et en a fait rêver certains. Mais Déménagé ne renaîtra pas de ces cendres sauf peut-être dans un éventuel album live que l'on espère déjà ou lors d'une nouvelle participation au festival d'été de Québec. Va savoir...
Pascal Evans