Marseille électro

Fin de notre petite exploration des sphères musicales marseillaises avec un coup d'œil sur la scène électronique. En matière de musique, les deux références principales de Marseille s'appellent IAM et Massilia Sound System. A l'heure actuelle, ces deux groupes font un peu figure de vétérans. Il n'est d'ailleurs pas question de remettre en cause leur place dans le paysage culturel local. Pourtant, outre les nouveaux groupes de rap qui poussent derrière, de nouveaux artistes sont en train de s'installer dans les fauteuils de la notoriété marseillaise. Les DJs et autres compositeurs de musique électronique sont les nouveaux acteurs de la scène locale. Matéo, programmateur à Radio Grenouille et spécialiste du genre nous explique les tenants et aboutissants de l'affaire.

La musique électronique pointe son nez du côté de la Cannebière

Fin de notre petite exploration des sphères musicales marseillaises avec un coup d'œil sur la scène électronique. En matière de musique, les deux références principales de Marseille s'appellent IAM et Massilia Sound System. A l'heure actuelle, ces deux groupes font un peu figure de vétérans. Il n'est d'ailleurs pas question de remettre en cause leur place dans le paysage culturel local. Pourtant, outre les nouveaux groupes de rap qui poussent derrière, de nouveaux artistes sont en train de s'installer dans les fauteuils de la notoriété marseillaise. Les DJs et autres compositeurs de musique électronique sont les nouveaux acteurs de la scène locale. Matéo, programmateur à Radio Grenouille et spécialiste du genre nous explique les tenants et aboutissants de l'affaire.

Ce qu'on appelait jusque-là techno (avant que le terme musique électronique ne vienne le remplacer), ne semblait pas être la spécialité des régions du Sud et en particulier de la cité phocéenne. Le métissage, idée qui collait (et qui colle toujours) à cette ville ouverte sur l'Orient pouvait se vérifier auprès des groupes de rap, lesquels brandissaient de façon véhémente l'étendard multiracial.

Difficile d'imaginer dans ces conditions que Marseille montrât un quelconque intérêt pour une musique dite "de Blancs". Et pourtant depuis plusieurs mois les choses semblent bouger : "On peut parler d'émergence car on n'a pas encore réellement d'artistes reconnus du grand public. Mais les DJs, labels ou structures marseillaises sont de plus en plus nombreux. Ils sortent de leurs propres productions et commencent à trouver un écho au niveau national ou international. On peut prendre beaucoup d'exemples, Jack de Marseille qui est un des plus représentatifs ou Superfunk dont on parle beaucoup". En effet, ce groupe a fait les grands titres de la presse mais se trouve quand même un peu en marge des autres Marseillais dans la mesure où il a opté pour un format très commercial, grand public et finalement peu novateur. Il a tout de même le mérite d'avoir permis de pointer ce phénomène.

Dans les locaux de la Friche la Belle de Mai, anciennes manufactures de la Seita et maintenant résidence de nombres d'associations ou structures dont Radio Grenouille, on n'est pas en reste. "Avec la Résidence Electrofriche qui a été montée par une des organisations de la Friche l'AMI (Aide aux Musiques Innovatrices), on a fait travailler des DJs producteurs entre eux pendant une dizaine de jours. Ils se réunissent en binôme ou en trinôme dans les ateliers, dans les boxes de répétition ou les home studios de la Friche et composent pendant cette période de la musique ensemble. Certains ne s'étaient jamais rencontrés auparavant." Le résultat fut présenté le samedi 25 mars à la Friche et retransmis en direct sur le site de Radio Grenouille. "L'idée de Ferdinand Richard de l'AMI, c'est de voir comment peut se construire cette scène locale".

Le tissu associatif et la radio sont d'excellent vecteurs de développement même si cela ne suffit pas. Les labels ont un rôle central à jouer qu'ils soient installés là ou ailleurs. "Il y a aujourd'hui des DJs à Marseille qui signent avec des labels allemands de grande réputation. Un trio devrait beaucoup faire parler de lui, les Troublemakers avec Fred Berthet qui est aussi le responsable des ateliers sample à la Friche et qui travaille dans une association aixoise Biomix. Ils vont sortir un album sur un label indépendant de référence de Chicago, Guidance Recordings (leur premier maxi sort mi-mai et l'album en septembre). Il y a aussi le label Pornflake qui a été monté par David Carretta qui vient de sortir un premier maxi alors que son propre album était déjà sorti sur un label allemand. Les maxis c'est plus difficile, on en parle dans la presse spécialisée ou on les écoute sur les radios. Mais le premier maxi du label Pornflakes a été joué par Laurent Garnier".

Ca reconnaissance est un point important pour donner du souffle à cette effervescence. Du coup, les échanges sont plus nombreux. "Il y a un bon esprit sur la scène électronique marseillaise, ils ont compris - c'était une nécessité - de la même façon que l'ont fait les artistes hip hop avec l'aspect social en moins, qu'il fallait travailler ensemble. La chaîne de création, de diffusion, on essaie de l'assumer de A à Z. On crée la musique, on crée notre label, on s'occupe de la distribution ou on trouve un distributeur. On est de plus en plus autonomes".

Certains l'ont compris rapidement. "Il y a quelques labels marseillais dédiés uniquement à la musique électronique, celui de DJ Paul qui a été un des premiers à faire parler de lui en dehors de cette ville avec Jack de Marseille, Obsession Music, un label de house qui signe des artistes marseillais aussi bien que québécois ou anglais. Il y a ce réseau entre les DJs. Ils jouent ensemble, se connaissent".

Pourtant ce qui reste primordial, c'est la diffusion de cette musique car sans diffuseur, pas de public. Les radios et les associations en tous genres participent à un effort collectif car ils se rendent comptent de leur intérêt. Qu'en est-il des organisateurs de concert ou loueurs de salles? "Les DJ's constatent qu'il n'y a pratiquement pas de structures, de lieux de diffusion. On peut citer un lieu, le Café Julien qui avait un programmateur, Sébastien Manya, qui a été un des premiers à faire jouer les DJs marseillais et internationaux, à les confronter, à leur donner les moyens de pouvoir s'exprimer convenablement dans une salle. Sans doute parce qu'il avait un attachement personnel pour les musiques électroniques. En dehors de ça, on a le sentiment que les programmateurs et les diffuseurs ont un train de retard au niveau de l'actualité. Ils ont mis du temps à comprendre. Si c'est en train de bouger, c'est aussi grâce à la médiatisation des musiques électroniques en dehors de Marseille. Il y a des majors compagnies qui sortent des artistes électro".

Petit à petit les choses se mettent en place. Peut-on déjà parler de son marseillais ou est-ce prématuré ? "C'est en construction. Il y a un avantage et un désavantage à ne pas être à Paris. C'est plus difficile de monter quelque chose. On est loin du microcosme parisien et donc on est loin de la mode, ça doit se ressentir un peu dans le son, on est un peu plus à l'abri de toutes les tendances et tentations". Pour autant, on ne cultive pas ici une rivalité avec les autres scènes, quelles soient parisiennes ou autres. "Il y a un orgueil à être marseillais mais il y a des liens permanents entre ce qui se fait ici et ce qui se fait à Paris ou en Angleterre. Il y a une ouverture évidente. Si on pense à Paul ou Jack, ce sont des DJs qui ont beaucoup joué en dehors de Marseille". Car on pourrait vouloir mettre en parallèle le chemin parcouru par le rap marseillais et le devenir de la musique électronique dans cette ville. L'un se forgea une identité forte grâce à son opposition aux groupes parisiens. Pour l'autre, rien de tout cela. "A l'origine, c'est quand même une pratique individuelle donc il n'y a pas cette notion de clan". On parlera plus de connexions ou de réseaux, utilisant ainsi le langage propre aux machines que les DJs utilisent.

Ainsi du côté de Marseille, la musique électronique commence à se développer. Rien d'étonnant pour une ville qui joue la confluence des cultures. Peut-être pourra t'elle jouer sur ses influences diverses et apporter une touche de soleil à cette musique électronique française tellement encensée.

Visitez le site de la Belle de Mai et de Radio Grenouille

Valérie Passelègue