LE PROJET DE DJ CAM
Paris, le 7 août 2000 - DJ Cam est un électron libre dans le paysage électronique français. Difficile de lui accoler un genre ou une catégorie. L'album, sorti il y a quelques semaines, en fait une nouvelle fois la démonstration. Loa Project, puisque c'est son nom, navigue du côté de la culture vaudou. Une source d'inspiration peu explorée par les maîtres de la musique électronique.
L'électronique touche à tout
Paris, le 7 août 2000 - DJ Cam est un électron libre dans le paysage électronique français. Difficile de lui accoler un genre ou une catégorie. L'album, sorti il y a quelques semaines, en fait une nouvelle fois la démonstration. Loa Project, puisque c'est son nom, navigue du côté de la culture vaudou. Une source d'inspiration peu explorée par les maîtres de la musique électronique.
Il y a toujours eu un malentendu entre Laurent Daumail et le public. Quand il produisit son premier maxi Dieu reconnaîtra les siens, on l'associa immédiatement à cet embryon de scène électronique française dont Air, La Funk Mob et Dimitri From Paris semblent alors être les têtes de pont.
Pourtant, DJ Cam était plus proche des premiers rassemblements hip hop de la Porte de la Chapelle à Paris où sévissaient les futurs NTM et Dee Nasty que des lambris du Queen, le très chic club house des Champs-Élysées. Pas du tout house, quoiqu'il ne dédaigne pas en mixer de temps en temps, et pas complètement rap. C'est plutôt du côté des producteurs japonais du Major Force qu'il faut regarder pour trouver une filiation musicale ; et du côté de la discothèque de son papa. Papa Cam possède dit-on une des plus belles discothèques de jazz des années 70, qui permettra au fiston de sortir les compilations Street Jazz.
Après deux albums inégaux, le précurseur Underground Vibes qui signe la naissance de ce qu'on a appelé l'Abstract Hip Hop, soit des beats de rap sans rappeurs, teintés de jazz, de samples de BO et de dub, et le très prétentieux Substances bourrés de références indiennes, vient de sortir il y a quelques semaines Loa Project, son projet le plus abouti.
L'esprit vaudou
Depuis quelques années, celui qui signait ses graffitis sous le pseudo de Cam a découvert la culture vaudou, dont Loa Mété est l'esprit de protection. Le musicien s'est baladé durant deux ans entre l'île Maurice et la Réunion pour s'imprégner de ce culte. Difficile pourtant en écoutant son dernier CD d'y retrouver de quelconques influences musicales. Plutôt un état d'esprit mystique, enfumé toujours, fumeux parfois. Le DJ parisien au sommet de son art du sampling, de l'échantillonnage, n'a pas accéléré le beat mais l'a rendu plus dense, plus étoffé. Les beats craquent comme sur un vieux vinyl, donnant un côté intemporel mais certainement pas vieillot. On vous conseille d'entrée le dernier morceau Angel Heart. Souvenez-vous de ce film d'Alan Parker dans lequel De Niro rendait hystérique un certain Mickey Rourke, dans une ambiance plus que malsaine et toujours teintée de vaudou... Nous y voilà ! Un album âpre sans être ennuyeux, humide comme un après-midi d'été en Louisiane.
Mais le tour de force de Cam réside dans ses nouvelles influences : le dub et le jazz joué live ce qui manquait singulièrement à celui qui "faisait pleurer les machines" comme le présentait sa maison de disques, mais pas nous... Comme un bon vieux Bordeaux, la musique de Cam prend corps écoute après écoute et on reste interloqué par la richesse musicale de ce "gamin" de 26 ans. Et puis Cam se lâche. Il aurait presque de l'humour sur des titres comme Waiting for Franck Black (l'ex-leader des Pixies) ou Ganja Man qui reste et de loin un de ses passe-temps préférés. Enfin, DJ Cam est amoureux et le titre Juliet qui est dédié à sa femme en fait un musicien plus sûr de lui, plus serein.
On pense évidemment à l'écoute de ce Loa Project à DJ Premier, le DJ du groupe Gangstarr mené par Guru, le groupe de rap le plus respecté au monde. Et faire penser à Premier sans donner l'impression de le pomper est certainement le plus grand compliment que l'on puisse faire à cet amoureux du hip hop qui n'a eu de cesse de faire sortir cette musique et ses rejetons trip hop et abstract hip hop des ghettos.
Loa Project nous prouve que DJ Cam est bien un personnage à part de cette scène française électronique... Electronique DJ Cam ?? Comme quoi la confusion n'est pas prête de cesser !
DJ Cam Loa Project (Columbia) 2000
Willy Richert