INTERCELTIQUE DE LORIENT

Lorient, le 9 août 2000 - Lancé vendredi dernier sur fond de polémique locale (faut-il faire payer l'accès aux manifestations de rue ? Faut-il laisser dormir les riverains ?), le Festival Interceltique de Lorient n'a pas sorti les bougies de son trentième anniversaire, mais propose une programmation classique, solide et sans risques.

Shanties et pipe-bands

Lorient, le 9 août 2000 - Lancé vendredi dernier sur fond de polémique locale (faut-il faire payer l'accès aux manifestations de rue ? Faut-il laisser dormir les riverains ?), le Festival Interceltique de Lorient n'a pas sorti les bougies de son trentième anniversaire, mais propose une programmation classique, solide et sans risques.

Géographie lorientaise

Le Festival Interceltique de Lorient se décline en quelques lieux, où chaque année l'habitué sait retrouver ses marques. Le Stade du Moustoir, siège de la finale du concours de bagadoù (pipe-bands bretons), est cette cathédrale immatérielle où officie Jean-Pierre Pichard, directeur du Festival, reconverti en grand prêtre de la celtitude lors des "Nuits Magiques" du festival. L'Espace Kergroise est réservé aux artistes susceptibles de réunir plusieurs milliers de spectateurs, tandis que l'inélégant Palais des Congrès offre son plateau aux concours de cornemuse et aux soirées sages ou intellectuelles.
Quant au Cabaret, il reçoit les délaissés, ceux qu'on abandonne devant deux ou quatre cents mangeurs-buveurs attablés : hard rockeux néo-celtes d'Ecosse (Big Jessie), Texans branchés celto-irish (Clandestine), amateurs d'alliances inattendues (harpe et accordéon diatonique de l'Alain Pennec Quartet), et tant d'autres au rythme de trois groupes par soirée. A souligner, samedi 5, le spectacle tout en finesse de Kof A Kof ("ventre contre ventre" en breton), pour un voyage au pays du baloche breton des années vingt et trente, proposé par Roland Becker (saxophone ténor) et Régis Huiban (accordéon chromatique).

Chants de marins au Cabaret

Lorient, ville de la Royale, ville de pêcheurs -aujourd'hui en déclin, certes- il était normal que l'Interceltique accueillît les chants de marins et pas illogique que ce fût au Cabaret. En début de Festival, passaient les Djiboudjep qui cultivent sans faillir leur look de Capitaine Haddock avant sa cure d'eau plate. Mardi 8, parole était donnée aux Charivari (en photo) et Shangaïé devant quelques cinq cents personnes : cabaret comble et sur le bar, tirage à haut débit pour une seconde partie de concert à vingt trois heures passées.
Le temps n'est plus où les groupes de chants de marins se bornaient aux shanties (entonnés pendant les manœuvres à bord pour soutenir l'effort) et aux chansons des bars du vieux port. Les uns parlent de "chanson marinée", les autres de "guinguette marine", mais, au fond, tous ont fait de la mer une raison autant qu'un prétexte, ce qui permet d'élargir utilement le répertoire ou d'habiller la tradition de rythmes inattendus : blues, biguine ou autres.
Charivari, groupe de Pont l'Abbé en pays bigouden dirigé par Laurent Drouet (guitare, banjo, piano, composition), a offert l'honnête prestation d'un ensemble qui demande encore à s'affirmer, quoique ses tangos au goût de sel ne manquent de charme. Les amateurs demanderont l'album Du bois qui craque (autoproduction). C'est une autre histoire que raconte Shangaïé, le groupe-phare du genre. Emmené par un Gilles Beuzet (chant, accordéon chromatique) solidement carré devant son public lorientais, le trio fait une belle démonstration d'énergie et de professionnalisme. Sur scène, alternent chansons et blagues d'entre-deux marinées, la salle tangue comme les navettes sur la rade, par gros temps, bref tout file. Et vous tous qui en redemandez, pour les after hours à domicile, consultez par exemple Sans retour ni consigne(Escalibur).

Et ça n'est pas fini…

Non, ne quittez pas les quais du port de plaisance, car quelques dates sont à retenir d'ici la fin du Festival Interceltique. Ce mercredi 9, Riccardo Del Fra, Annie Ebrel et d'autres, l'alliance cérébrale et sensuelle du jazz et de la Bretagne (Palais des Congrès). Jeudi 10, soirée américaine avec la harpiste de choc Deborah Henson-Conant (Kergroise). Vendredi 11, l'incontournable Jose-Angel Hevia, dont l'album Terra de Nadie s'est vendu à un million d'exemplaires (Kergroise) ; ou l'ensemble Arz Nevez, la tradition réécrite par un quatuor à cordes (Palais des Congrès). Samedi 12, Erik Marchand et le Taraf de Caransebes : gavottes et horas pour danser jusqu'à plus soif (Halle du Moustoir). Dimanche 13, bouquet final au Stade du Moustoir avec la dernière de L'Héritage des Celtes, direction Dan Ar Braz, mais nous devrions vous en reparler.

Pour plus d'informations, vous pouvez consulter le site du Festival Interceltique de Lorient

Jérôme Samuel