Le projet Zend Avesta

Depuis quelques mois, Zend Avesta illumine les festivals d'une musique précise et exigeante. Pseudonyme principal d'Arnaud Rebotini, ce collectif-projet se veut l'avant-garde d'un nouveau genre. Sans étiquette possible, l'album Organique réussit La prouesse de toucher chacun au plus profond de lui-même. Pour tous et chacun, Zend Avesta est aussi le révélateur d'une personnalité créatrice. Rencontre avec Arnaud Rebotini, éclectique créateur et penseur musical.

Une avant-garde musicale française

Depuis quelques mois, Zend Avesta illumine les festivals d'une musique précise et exigeante. Pseudonyme principal d'Arnaud Rebotini, ce collectif-projet se veut l'avant-garde d'un nouveau genre. Sans étiquette possible, l'album Organique réussit La prouesse de toucher chacun au plus profond de lui-même. Pour tous et chacun, Zend Avesta est aussi le révélateur d'une personnalité créatrice. Rencontre avec Arnaud Rebotini, éclectique créateur et penseur musical.

Il y a quelques mois, un album OVNI sortait. Derrière une vitre où perlent quelques gouttes d'eau, le haut d'un visage, des yeux perçants : Zend Avesta présente son album Organique. A première écoute, c'est un long voyage musical qui est proposé. Commençant par un morceau instrumental (Ich will dir helfen) et se terminant par une messe baroque (XR 116/ Messe rouge), quelques haltes sont organisées autour des chanteuses Roya Arab (ex-Archive), Hafdis Huld (ex-Gus Gus), Mona Soyoc (rappelez-vous Kas Produkt dans les années 80) ou d'Alain Bashung (qui lit tragiquement deux textes de Jean Tardieu sur une musique mêlant piano, rythmique sobre électronique pour se terminer dans un tonnerre de guitare électrique) et Philippe Poirier des Kat Onoma.
Ni pop, ni rock, encore moins musique électronique, l'album réussit le prodige d'assembler différentes ambiances sans jamais les coller les unes à côté des autres. D'une ritournelle pop One of these days (chantée par Hafdis Huld) à des morceaux plus rock comme The Watcher chanté par Mona Soyoc, Ondine et Organique peuvent d'ores et déjà être considérés comme des titres classiques.

Après avoir exploré la house avec Black Strobe, en duo avec Ivan Smagghe et publié un trois titres sous le nom Zend Avesta, Queen of Siam, plus jungle avec un morceau intitulé Karlheinz Stockhausen Was The Funky Drummer, Arnaud Rebotini revient avec Le projet qui lui tient le plus à cœur. Ce nom qui a été choisi pour sa graphie et sa sonorité (le Zend Avesta est le livre sacré du prophète persan Zarathoustra) deviendra, il est certain, selon son auteur, le début-préambule d'une œuvre.
Si certains tentent maladroitement de rapprocher Arnaud de la French Touch car il a fréquenté le même lycée que Nicolas Godin (Air), Etienne de Crécy et Alex Gopher, les goûts du compositeur-créateur de Zend Avesta vont de Slayer aux Sisters of Mercy en passant par Black Sabbath avec une réelle admiration pour Talk Talk, Debussy et Ravel. Inclassable. D'autres auront déjà repéré son nom dans l'album de Philippe Poirier (Qui donne les coups) et entendu sa composition Me zalc'h ennon ur fulenn pour le chanteur breton Denez Prigent.

Comment est-il possible de déterminer le courant musical dans lequel tu t'inscris ?
Je veux faire de la musique au sens large du terme. Le punk, la pop, le rock, la house, la musique black, le jazz, la musique classique… Pour moi, ce sont des éléments que j'utilise. Il y a des choses qui existent, des axiomes, je les associe et j'en fais ma musique.
A la rigueur, ce serait de l'indie pop. C'est peut-être la meilleure étiquette.

Et par rapport à la scène française ?
Il y a des gens que j'aime bien qui sont en général issus de la scène électronique… mais aussi en variété Bashung. J'aime bien Les Micronauts, Doctor L, des gens qui ont une démarche et qui veulent faire un truc. Une démarche artistique. Je n'ai pas envie de me placer par rapport à qui que ce soit, j'ai tellement envie d'être moi. Je serais plus dans un côté rock, plus seventies du terme.

Est-ce encore de la création ?
C'est comme ça que les nouveaux courants s'inventent. Comme quand Captain Beefheart fait du rock au début de sa carrière, qu'il prend des acides et qu'il part dans un délire complètement dissonant, déstructuré… sauf qu'on sent la musique contemporaine, il crée un truc, après ce sont les personnalités qui arrivent à s'affirmer à travers ce qu'ils écoutent et ce qu'ils mélangent.
J'ai envie de faire ma musique et d'exprimer ma personnalité à travers ça. Je ne pense pas qu'on puisse résumer ce que je fais à un simple mélange de différents styles. C'est la face cachée de l'iceberg. A travers ça, j'essaie de mettre autre chose : une personnalité, une âme. Je m'oppose à ceux qui font de la musique comme ça, en pompant ce qu'ils ont écouté, il y a deux semaines.

Ton album semble éclectique ?
C'est un disque varié qui peut parler à plein de gens. Je ne comprends pas qu'on puisse dire que c'est un disque difficile. C'est un disque difficile parce qu'il y a beaucoup de choses dedans et que peut-être on n'est plus habitué à écouter un disque comme ça mais finalement tu peux le prendre sous pleins d'angles. C'est un disque à tiroirs.
Toute la période pure électronique que j'ai pu faire avec Zend Avesta et d'autres projets, c'est plus une période de recherche, d'étude qui a un intérêt intrinsèque mais maintenant j'ai envie d'aller beaucoup plus loin.

Est-ce que tu fais de la musique française ?
C'est une question fondamentale par rapport à ma musique. Je suis français car j'essaie de m'inscrire dans une certaine démarche de musiciens français que j'admire. En tous les cas leurs démarches artistiques. Je pense en particulier à Debussy et à Ravel. Cette démarche de musique française, d'ouverture et de créer quelque chose de très français avec des éléments assez extérieurs à la musique française.

Comment pourrions-nous définir ton travail ?
Une sorte d'éponge, qui ressort quelque chose de nouveau. Comme quand Debussy s'inspire de la musique russe et de celle de Bali… J'ai une grande admiration pour Debussy et je tiens à l'idée de musique française même si ma musique n'est pas exclusivement d'expression française au niveau des textes. C'est l'esprit et cette idée d'avant-garde. Ce sont des gens qui cherchent à faire avancer le schmilblick et à ne pas copier éternellement ce qu'il y a autour d'eux ou ce qui les a précédé.

N'est-ce pas du melting-pot ?
Je ne fais pas du melting-pot. Ce n'est pas ça le fondement du disque. Les morceaux sont tous un peu pop comme ils ne le sont pas vraiment. J'utilise des objets sonores, des sonorités, des choses qui existent et que j'assemble… Je n'ai pas pris des styles et j'ai secoué… tout a été pensé. C'est une construction. C'est construire une musique avec des éléments qui existent… C'est normal de faire ça, tous les compositeurs classiques se sont inspirés du jazz, les jazzmen sont influencés par le classique… les musiques traditionnelles, on ne les a jamais fait chier comme ça. C'est normal. C'est une démarche créatrice.

Le projet Zend Avesta a-t-il un avenir ?
Zend Avesta, c'est un projet à long terme. Ce n'est qu'un début. Ce n'est qu'une esquisse. J'ai essayé de poser des idées, une base. J'ai la sensation d'avoir trouvé une formule et j'ai envie de continuer dans cette direction et d'approfondir. Je vais garder des projets qui m'amusent mais Zend Avesta, c'est le truc principal.

Zend Avesta a-t-il des limites ?
La vulgarité et le compromis… commercial. Je ne vois pas de limites pour l'instant à part les miennes.

Qu'est-ce que tu écoutes actuellement ?
De la musique classique. Elle est extrêmement en avance par rapport à ce qu'on peut faire, nous. Les mecs du GRM (Groupe de Recherche Musicale) ont avancé la musique industrielle qu'on a vue arriver dans les années 80, voire la techno et le scratch dans "Symphonie pour un homme seul" de Pierre Henry et Pierre Schaeffer.

Emmanuel Dumesnil

Zend Avesta, Organique (Artefact/Barclay)
Concerts : 21/09, café de la Danse / Paris ; 23/09, Festival Les nuits botaniques / Bruxelles ; 12/10, Nancy Jazz Pulsations ; 13/10, L'Aeronef / Lille ; 17/10, Ubu / Rennes ; 19/10, Poste à Galene / Marseille ; 27/10, Festival Ososphère / Strasbourg ; 28/10, Olympic / Nantes…