RENCONTRES ELECTRO
Paris, le 16 septembre 2000 - Depuis le vendredi 15, la Cité des Sciences et de l'Industrie à la Villette accueille le salon-festival Mix Move. L’occasion d’écouter et de rencontrer de nombreux artistes. Le label Haute Couture et son armada québécoise apportent du sang neuf à une house en voie d’institutionnalisation. Quant à Eva Gardner, son conte de fées découvre de nouvelles voies d’expression artistique : l’esprit d’un club à la maison. Rencontres avec une scène et une DJ.
Les Jardiniers et DJ Eva Gardner
Paris, le 16 septembre 2000 - Depuis le vendredi 15, la Cité des Sciences et de l'Industrie à la Villette accueille le salon-festival Mix Move. L’occasion d’écouter et de rencontrer de nombreux artistes. Le label Haute Couture et son armada québécoise apportent du sang neuf à une house en voie d’institutionnalisation. Quant à Eva Gardner, son conte de fées découvre de nouvelles voies d’expression artistique : l’esprit d’un club à la maison. Rencontres avec une scène et une DJ.
Le Québec arrive en force au Mix Move. Haute Couture, un des plus importants labels emmène ainsi dans ses bagages Les Jardiniers et plusieurs de ses DJ’s dont Rinno Disco, Mad Max et la très jolie Maüs.
Au calme, dans le studio RFI, les trois Jardiniers, Martin Dumais (qui est aussi le «label manager»), Sylvain Haude (le bavard selon ses comparses) et Jean-François Charette (surnommé la force tranquille) ont bien voulu se découvrir.
A quoi ressemble actuellement la scène "musiques électroniques" québécoise ?
Martin Dumais : Si on compare avec la scène française, c’est un peu la même chose sauf qu'on n’a pas de scène hardcore. Il n’y a pas de free parties non plus. Il y a beaucoup de clubs pour le bassin de population. Le Québec est une province quatre fois et demi plus grande que la France…
Sylvain Haude : Ça ressemble plus à la France qu’aux Etats-Unis. On est plus Européens. Montréal est plus house que techno, mais au niveau de la production, cela ne fait que commencer. Il n’y avait pas d’infrastructures au départ, on a fondé un label pour ça, pour se donner une structure. Et maintenant, il y a quatre ou cinq labels mais il y a trois ans, il n'y en avait aucun, cela commençait à peine. Pourtant, il y a une grosse scène pour le public qui sort dans les boîtes, qui va dans les raves avec 20.000 personnes.
Martin Dumais : Les DJ’s s’intéressent à Montréal car on y retrouve New York et Paris, un petit peu mélangé, c’est latin.
Que faisiez-vous auparavant ?
MD : On a toujours fait ça. On a eu un collectif de DJs, Sylvain et moi avec une autre personne, de 92 à 98. C’était l’équipe Vitamines DJ Team. Puis on a fait de la musique pour la télévision.
SH : On a fait beaucoup d’autres choses, moi comme journaliste, toi (MD) comme graphiste, promotion. Je travaille aussi dans la littérature. J’anime une émission de TV.
MD : Tous les trois, ça fait plus de quinze ans qu’on bidouille dans tous les aspects de la musique : producteur, promoteur, gérant…
Qu’est-ce que vous voulez apporter ?
SH : Du plaisir. Festif. On ne veut pas se prendre la tête. On essaie d’avoir une attitude plus amusée.
MD : Ça, c’est dans le cas des Jardiniers. Avec un autre label comme Hautec, c’est un plus techno minimale. On essaie d’amener un maximum de qualité. On travaille avec des locaux, on ne signe pas vraiment de licences à l’extérieur, comme il n’y a pas beaucoup de labels à Montréal. On essaie de développer une scène et d’exporter le plus possible et d’apporter le son de Montréal à l’international. Je considère qu’on a un potentiel de qualité, un calibre international.
Vous ne faites que de la musique électronique ?
MD : Pour l’instant oui.
Jean-François Charrette : Il y a aussi des échantillons qui viennent d’instruments traditionnels ou de sons naturels.
SH : On a quand même travaillé avec des musiciens pour deux-trois expériences. Avec un saxophoniste, un guitariste pour un live.
Du fait de la proximité avec les Etats-Unis, êtes-vous anglophones ou francophones ?
SH : Francophones. Bien que la musique soit instrumentale, on a gardé un nom francophone. Il y a des liens naturels qui existent entre le Québec et la France, ce qui fait que la première fois qu’on est sorti, c’est par la France que nous sommes passés.
MD : Cependant on a joué dernièrement à Toronto… et le flyer disait « French Connection ». On n’est pas français, en plus il y avait le drapeau du Québec, c’était un peu absurde. Ça avait une connotation politique.
Vous travaillez comment ?
MD : On a déjà travaillé chacun avec nos ordinateurs et on s’envoyait des trucs par e-mails. Quand il fait très froid en hiver au Québec, on peut travailler chez soi en caleçon en buvant une bière. Maintenant on habite très près.
SH : Pour faire l’album, nous nous sommes éloignés de la ville, nous nous sommes enfermés dans un chalet au bord d’un lac. Et en plus, on n’a pas les mêmes compétences. Moi, je suis zéro technique. C’est plus Jean-François.
On essaie d’apporter chacun notre contribution. Je donne mes idées et après on canalise… On a trois têtes. On essaie de travailler d’une manière assez démocratique. Sinon, chacun peut faire des "side projects"…
Quels sont vos projets ?
SH : J’aimerai bien collaborer avec des écrivains, des gens qui lisent des textes… J’essaie d’amener ça aussi car je pense que cela peut amener un nouveau public à la musique électronique ainsi qu'un nouveau public aux écrivains.
MD : Il essaie de nous faire lire…
J-FC : Le prochain album sera un peu plus expérimental mais sans pour autant être hors normes, inécoutable. Toujours rester intéressant et attrayant malgré le côté expérimental.
SH : Il y a assez de diversité… Les gens pourront se reconnaître.
J-F C : Ceux qui ont aimé le premier album, n'aimeront pas forcément le second…
SH : On aimerait que les gens nous suivent. Qu’ils comprennent où on va…
J-F C : Qu’ils suivent le sillon du jardin.
Et les Etats-Unis ?
MD : Le disque n’est pas sorti là-bas.
SH : Quand les Etats-Unis ont eu nos disques, ça venait d’Europe. Comme il n’y a pas de tradition "musiques électroniques" au Québec, ils vont plutôt passer par la France ; le fait qu’on s’appelle les Jardiniers a pu faire penser qu’on était français.
MD : On est un peu comme les gens de Détroit qui étaient obligés de passer par l’Allemagne pour revenir chez eux.
Les Jardiniers, Cafétéria
DJ Maüs, Intersections
Reno Disco, Rare Tracks and remixes
Pour plus d’informations : Site de haute couture
Eva Gardner est née sous une bonne étoile. La claque magique qu’elle a reçue par un DJ lui trace un chemin qu’elle sait emprunter avec beaucoup de talents et de ténacité. DJ à la radio (FG) et en résidence à l’Alcazar (un bar parisien), elle a visité des lieux aussi réputés que le What’s Up, le Rex avec des débuts à la Villa Barclay, endroit huppé par excellence dans le VIIIème arrondissement parisien, avenue de Matignon. Alors que sa deuxième compilation (Aphrodisiac 2, Infracom) sort, retour sur les propos d'une charmeuse.
Ses pas n’ont pas couvert que des roses. Des épines comme des piqûres de rappel ont su à chaque fois l’interpeller pour la relancer. Sa fascination de jeunesse, à Bourg en Bresse, pour les boîtes de nuit peut-être parce que je suis une fille et que c’était des garçons qui jouaient et la situation de DJ (Tu es dans une position quand tu mixes qui est assez centrale, où tu ne peux pas louper le mec qui met les disques car c’est le seul à être derrière un comptoir… et tout dépend de lui), plus des parents qui écoutent beaucoup de musique, l’ont prédestinée à travailler dans ce monde.
Au hasard des déplacements dans le cadre des études et un petit boulot comme serveuse dans un bar à Lyon, la musique est à portée de main. Le trip hop, l'acid jazz, le contact direct avec des DJs lui donnent l’envie. Les études de psychologie s’arrêtent avant même le passage des premiers examens. C’est le départ pour Paris, entrer dans le monde du travail. Elle tape aux portes des maisons de disques. Toucher ce qui la fascine, ce qui l’a fait vibrer. Mais ce n’est pas encore le bon moment (Je ne connaissais pas bien ce monde-là). Elle revient alors à ce qu’elle sait déjà faire et ce qui peut surtout la faire vivre : barmaid. C’est la Villa Barclay qui lui ouvre ses portes. On m’a donné ma chance là-bas. Un soir, on m’a dit qu’ils avaient besoin d’un DJ pour le restaurant, musique très cool et tranquille, du jazz au trip hop… Début 97, je suis devenue résidente trois fois par semaine pendant plus d’un an. C'est là que j'ai été débauchée par une maison de disques. C’est ainsi que ses pas accrochent au plus près ses désirs. Enfin, une maison de disques vient la chercher. Mais le fruit n’est pas sain : elle promouvait de la dance music. J’étais à la promo presse TV. J’ai voyagé. Mais eux se positionnaient Euro-Dance, je recevais des trucs de New York mais je ne pouvais plus exercer. J’ai démissionné au bout de deux ans. Promouvoir la musique dans laquelle tu ne crois pas toujours, ce n’est guère possible.
Mise au point et rencontres
La première étape est franchie mais que d’illusions. Ce monde-là n’est pas fait pour elle. Il faut recommencer et tout s’enchaîne. L’éclaircie devient destinée, les portes s’ouvrent mais ne claquent plus. A la Villa Barclay, je rêvais d’être résidente au What’Up. Un an après j’y étais. Et puis je voulais le Rex… Je crois que j’ai une destinée assez sympathique… je tombe sur les bonnes personnes. Quelques démêlés avec une major pour clôturer l'épisode. Maintenant c’est une sorte de concrétisation de rêves. Elle mixe. Le label allemand Infracom lui donne l’occasion de développer une collection. J’ai envie qu’Aphrodisiac devienne une référence. Mais je suis encore trop petite pour ça. J’ai envie que chaque compilation suscite une certaine curiosité et à terme, que l’album comporte le plus possible d'inédits. Donc j’essaie d’approcher des producteurs… je prends mon téléphone et j’y vais. Et pourtant le label allemand est aussi le hasard qui tombe bien. Un déplacement au Costes (un autre grand lieu parisien), quelques voyages en DJ à Francfort, le destin reprend sa route sereinement.
Celle qui se découvre avec parcimonie en production mixée a aussi pour ambition la création. J’aimerais bien. Je vais essayer. Malgré l’appréhension et peut-être le sentiment d’avoir déjà créé dans un domaine (les arts plastiques), l’envie et ses expériences passées sont des moteurs prometteurs.
Alors si un jour, vous voyez son nom, fiez-vous aux rencontres, elles réservent toujours des surprises.
Eva Gardner, Aphrodisiac 2, Infracom
Emmanuel Dumesnil
Photos : Valérie Passelegue