Afro Galliano

Ou le mariage de l'Afrique et de l'électro.

A l'heure où vous trouvez dans les bacs des disquaires des tas de compilations qui regroupent des titres mélangeant musique africaine et house music, (sans grand intérêt à part celui de vous faire dépenser vos euros), je vous propose de découvrir un véritable amoureux de la musique africaine et des rythmes électroniques et qui a choisi de les marier avec sincérité : Frédéric Galliano.

Il nous avait déjà épatés avec ses premiers albums Espaces baroques et Live infinis dans lesquels il mélangeait beats électroniques et musiciens de jazz enregistrés en live. Des productions autrement plus ambitieuses que celles de St Germain, par exemple.

Aujourd'hui, cet ancien étudiant en sculpture nous revient avec un nouveau projet Frikyiwa. Cette fois pas de jazz, mais une mise en perspective de titres africains issus du catalogue Cobalt remixés par quelques-uns des grands noms de la scène électronique, mais pas les plus connus. "Faire remixer Lobi Traoré ou Neba Solo par les Master at Work, quel intérêt ? (les New-yorkais Master At Work sont les poids lourds de la house music, ndlr) Et puis honnêtement, je voulais donner une chance à des gens qui ne sont pas tellement connus du grand public. Je suis quelqu'un de singulier ; donc je produis de la musique singulière avec des gens singuliers. Mon but comme initiateur de ce projet, en tant que directeur artistique, est de se faire rencontrer deux univers, l'un électro et l'autre traditionnel, qui se marieront parfaitement sans que les Dj's ne trahissent l'original. Dans mon cahier des charges, je leur demande avant d'attaquer le remix de garder les voix et les instruments, sinon le contrat n'est pas respecté."

Ce qui frappe à l'écoute de ce premier volume Frikyiwa, c'est effectivement le respect des musiques africaines. Pas de colonisation musicale ici, mais une vraie fusion, même si Galliano n'apprécie pas vraiment ce terme : "C'est un terme de journaliste. Je parlerais plutôt de rencontre. Et puis ces deux mondes ne sont pas si éloignés. La musique africaine est très proche de la house, la seule différence c'est qu'en occident nous avons rajouté le pied" (terme qui caractérise la techno, le rythme appuyé façon boom boom, ndlr).

De Jeff Sharel, le producteur français du moment, au travail de relecture signé par l'Ecossais Aqua Bassino, toujours aussi deep, sans oublier l'ancien ingénieur du son du groupe Assassin, Doctor L., le casting, s'il n'est pas prestigieux, est irréprochable. Coté africain de grandes voix du Mali sont présentes, Nahawa Doumbia, Abdoulayé Diabaté, et se marient à merveille avec les sonorités techno. On peut établir un parallèle entre le projet Frikyiwa et le collectif Bisso Na Bisso, même si la démarche des rappeurs diffère quelque peu, l'idée est proche : montrer la modernité de le musique africaine.

Le second volume de Frikyiwa place la barre plus haut et prouve que le pont jeté entre artistes africains et les sorciers du son électro repose sur des bases solides. Coté africain, vous retrouverez les artistes de prédilection de Galliano : Djigui, Nahawa Doumbia ou encore Néba Solo. Mais c'est du coté des remixers que le directeur artistique est allé chercher de nouveaux noms. Et pour certains producteurs le travail de relecture s'est fait dans la douleur : "Notamment pour Catalyst, alias Alex Attias, l'un des personnages clefs de la scène suisse, qui s'est exilé à Londres. Certains producteurs m'ont demandé si je ne m'étais pas trompé de numéro de téléphone, c'est en tous cas ce que m'a répondu Pole". Pole est un des leaders de cette nouvelle scène allemande qui réinvente le dub à grand coup de basses et de rythmes simples, ce qu'on appelle la house minimale. Le remix de Pole est l'un des sommets de ce second volume. La complainte de Lobi Traoré sur la perte de sa mère se confond parfaitement avec les ambiances western à la Ennio Morricone distillé par l'Allemand.
De la Suisse à l'Angleterre, en passant par le Japon et la France, ces deux volumes nous démontrent, si besoin était, l'universalité de la musique africaine. Et celle de l'électronique. Cette fusion que Galliano a présentée au public nord-américain cet été : "Cette tournée au Québec et à New York a été un vrai délire. Pour te donner un exemple, en plein concert à Central Park, mon joueur de kora a pris d'assaut le micro et a demandé au public si quelqu'un connaissait son frère, qui s'est installé aux Etats-Unis plusieurs années auparavant. Malheureusement, personne n'a pu le renseigner sur son frangin sénégalais."

Alors finalement, quel jugement porte Galliano sur ces fameux producteurs d'Afro-house qui polluent la production électronique : "La différence entre eux et moi est toute simple : moi, je passe la moitié de mon temps en Afrique. Qui sont les plus authentiques ?"

Compilation Frikyiwa / vol.2 (Cobalt) 2000 .