CREATIONS A MACON

Mâcon, le 3 octobre 2000 -Il y avait Valérie, Jean-Louis et heureusement les autres ! Au festival de chanson de Mâcon, du 27 septembre au 1er octobre dernier, Les Voix Si, Les Voix La proposait cinq créations parmi lesquelles Autour de Lucie, Jean-Louis Murat, Natacha Tertone ou le combo suisse Le Soldat Inconnu. Ces deux derniers auront largement rempli leur contrat. Pour les autres, le bilan est plus mitigé. Le Théâtre de Mâcon, seule scène nationale à être ainsi labellisée pour son projet chanson, accueillait aussi le premier passage en France de la Québécoise Jorane.

Les Voix Si, les Voix La

Mâcon, le 3 octobre 2000 -Il y avait Valérie, Jean-Louis et heureusement les autres ! Au festival de chanson de Mâcon, du 27 septembre au 1er octobre dernier, Les Voix Si, Les Voix La proposait cinq créations parmi lesquelles Autour de Lucie, Jean-Louis Murat, Natacha Tertone ou le combo suisse Le Soldat Inconnu. Ces deux derniers auront largement rempli leur contrat. Pour les autres, le bilan est plus mitigé. Le Théâtre de Mâcon, seule scène nationale à être ainsi labellisée pour son projet chanson, accueillait aussi le premier passage en France de la Québécoise Jorane.

D'entrée, on se pose la question : Autour de Lucie est-il un groupe scénique ? Visiblement non. En tous cas, pas ce soir-là. Sous des volutes mauves, le groupe encensé par la presse branchée parisienne, a fait bien pâle figure de ce côté-ci de la Saône. En pleine tournée avec leur troisième album Faux mouvement, la pop traînante d'Autour de Lucie se laisse écouter. Sur une platine. En concert, la chose est plus ardue. Le titre Lent suivi de Vide ouvrent les festivités. "Qui m'aime me suive, de bas en haut, de haut en bas..." feule Valérie Leulliot. On aurait aimé pourtant accompagner, suivre la chanteuse d'Autour de Lucie dans ses atermoiements. Le fait est que le groupe, Jean-Pierre Ensuque à la guitare électrique et aux synthés, Fabrice Dumont à la basse et Sébastien Buffet aux percussions, joue très fort. Perdant du même coup ce côté acidulé qui fait le charme de l'album. Et laissant sur le bas-côté toute compréhension des textes de sa chanteuse.

"Autour de Lucie et un octet à cordes et deux cuivres" nous avait-on promis pour cette création. On se prend à espérer lorsque huit violonistes et violoncellistes s'installent sur la grande scène. Immobile, longiligne dans sa jupe droite, sa guitare acoustique en bandoulière, un peu Françoise Hardy, Valérie entame avec Je reviens, cette belle chanson mélancolique qui ouvre l'album : "Je suis revenue comme on rentrerait au port, fatiguée de passer par-dessus bord/Je reviens, je reviens et j'ignore ce qui nous ramène, ce qui nous ramène au bord/On a déjà vu la mer rendre certains corps/qu'on avait dit portés disparus". Quel dommage que les dites cordes aient été étouffées par le son pesant et inutile. Un petit tour et puis s'en vont. Les jeunes musiciennes venues de Nancy n'auront joué que trois morceaux. Un peu court la création. Pourtant, tout avait été réuni par l'équipe du Théâtre de Mâcon, dirigé par Ghislaine Gouby, pour que les artistes puissent y prendre leurs marques : la grande salle est magnifique, le public a répondu présent mais il faut croire que cela ne suffit pas pour avoir envie de donner de soi.



La bonne surprise est venue de Natacha Tertone qui se produisait beaucoup plus tard à la Cave à musique, scène de musiques actuelles. Leur premier album le grand déballage, sorti en février dernier, a été produit par B pourquoi B, petit label chtimi et distribué par Naïve. Le trio lillois, composé des frères Mathieu, Philippe et Bruno, est emmené par Natacha, qui après 15 années de flûte traversière a abandonné le Conservatoire pour des lieux plus fréquentables. A eux trois, ils aiment à bidouiller les sons du côté des années 80 : "ça fait un peu kitsch". Et Natacha de parler, de raconter des trucs, comment elle compose, comment elle voit la vie, de descendre dans l'assistance avec son bandonéon-jouet, de l'inciter à danser. Invite Monsieur Orange, un autre bidouilleur, fameux dans son genre, à se joindre à eux pour un Chapi Chapo des plus réalistes et un Premier baiser d'Hélène Rolles, déjà si loin. "On a apporté avec nous deux vieux claviers Bontempi, les moins fragiles, un sampler, la guitare" (et une batterie qui crache) explique Natacha après son happening. Un festival, ça sert aussi à ça, être surpris. Par des artistes comme Jorane, la jeune Québécoise de 24 ans, dont l'approche à la musique est pour le moins, originale. Un violoncelle, des gestes graciles, et une voix étrange. Qui chante, murmure ou crie. On en reparlera, c'est sûr.

La complainte du paysan français

Juste avant la prestation d'Autour de Lucie, on aura pu jeter un œil sur celle de Jean-Louis Murat, qui présentait lui aussi sa création. Il aura fallu d'abord user de subterfuges pour pénétrer dans la salle, le chanteur ayant donné l'ordre de ne faire rentrer aucun spectateur retardataire. Des fans venus exprès de Montpellier se sont vus ainsi refouler... Pieds nus, un gros pull, Jean-Louis Murat ne s'embarrasse pas de considérations vestimentaires superflues. L'ambiance est moite. Pas une respiration dans la salle. Seuls les trémolos du chanteur emplissent la salle de sa très belle chanson Au Mont sans souci, extraite de son dernier album Mustango.

Pourtant si la salle est pleine comme un œuf, les applaudissements eux, sont clairsemés. Quelques mots jetés en pâture au public : "Comme y reste plus qu'un quart d'heure... voici une nouvelle chanson : La complainte du paysan français. En plein pays du Charolais", ajoute-t-il. Et là, surprise, nous avons droit à une grande tirade : "Mon grand-père disait que tout changerait pour les paysans à partir du moment où les hommes iraient sur la lune. Je m'en suis souvenu". S'ensuit une chanson fourre-tout où se côtoient José Bové, Karl Marx et le roquefort... C'est peut-être cela finalement la création annoncée, car peu de changement par rapport à ses concerts précédents, si ce n'est moins de bruit. Pourtant et malgré ses bougonneries, Jean-Louis Murat ne manque pas de fasciner. Nu dans la crevasse achèvera de nous subjuguer pendant dix bonnes minutes.

En sortant, on rencontre Franck Monnet qui joue les festivaliers avant de se produire en première partie de Pierre Perret pour le final du festival. Il sera à l'automne en résidence au Théâtre de Mâcon pour répéter son prochain spectacle. On apprend de lui qu'il a couché sur le papier deux titres sur le dernier album de Vanessa Paradis. Le lendemain, pendant la balance, Arielle, silhouette androgyne, grille clope sur clope, en répétant cette douce morna, Je tourne à tous les vents. Puis frappe sur un gong.

Pascale Hamon