GENERAL ALCAZAR
Paris, le 10 octobre 2000 - Le grand public connaît encore peu le Général Alcazar. Celui qui chante. Parce que, pour ce qui est de l’autre, le Général de papier qui s’ingénie à menacer Tintin dans L’Oreille cassée, il a déjà eu son heure de gloire. Celle du Général-qui-chante pourrait bientôt sonner grâce à un nouvel album, Des sirènes et des hommes (Chant libre/MSI), et à quelques scènes judicieusement placées dont l’ouverture des Transmusicales, à Rennes, le 29 novembre...
Le chant des sirènes
Paris, le 10 octobre 2000 - Le grand public connaît encore peu le Général Alcazar. Celui qui chante. Parce que, pour ce qui est de l’autre, le Général de papier qui s’ingénie à menacer Tintin dans L’Oreille cassée, il a déjà eu son heure de gloire. Celle du Général-qui-chante pourrait bientôt sonner grâce à un nouvel album, Des sirènes et des hommes (Chant libre/MSI), et à quelques scènes judicieusement placées dont l’ouverture des Transmusicales, à Rennes, le 29 novembre...
Le Général Alcazar ne court pas derrière la reconnaissance publique : sa voix et sa façon de chanter, ou plutôt de poser des récitatifs, l’apparentent plus à Boby Lapointe ou à Peter Kröner, passionnant Allemand aujourd’hui inexplicablement discret (Un monde, un dieu, une bière remonte à 1993), qu’à Goldman ou à Souchon... On peut aussi, parfois, penser à Bashung, comme sur l’exceptionnel Nous sommes d’accord, chanson d’amour dont la ligne mélodique têtue couronne Des sirènes et des hommes, quatrième et tout récent album du Général. Un album qui devrait, après le succès d’estime remporté en 1999 par La position du tirailleur, contribuer à attirer auprès du débonnaire Général un public plus conséquent - et, pourquoi pas, le grand...
Car ces Sirènes-là ont bien des arguments pour attirer les humains. D’abord, nous l’avons dit, la voix du général, chaude et objectivée à la fois : son parti pris récitatif lui assure une belle prise de distance avec le texte qu’elle porte. Exemple avec le terrible La prudence, aux paroles adaptées d’un tract destiné à lutter contre les violences sexuelles infligées aux enfants. Le tout sur une musique guillerette et décalée.
Les musiques, deuxième argument de vente du Général, sont très inspirées de l’univers de Pascal Comelade, dont Alcazar est non seulement l’un des musiciens attitrés (dans le Bel Canto Orquestra), mais aussi un ami d’enfance. Voir pour cela l’instrumental La jeune femme en bleu ou l’étonnant collage du Bleu tahitien, dans lequel Comelade lui-même tient le piano. Est-il cependant étonnant de dire que les meilleures musiques de ce disque sont celles qui, grâce à leurs rythmes marqués, s’éloignent un peu de l’univers comeladien ? Aloha aloha, Le bord du ravin ou, encore une fois, Nous sommes d’accord, par exemple.
Mais le vrai secret de l’Alcazar, ce sont les textes. On pourrait sans trop exagérer affirmer que ce disque est un recueil de poèmes soutenus par des musiques... Quelques extraits : "Laisse donc passer ma main sur l’écorce de la terre/ Je surprendrai le chien qui surveille les douleurs" (Aloha aloha), "Aujourd’hui je t’attends comme un retour de flamme" (Une sirène et un homme), "Nous devinons intuitivement qu’au-delà de cette limite/ C’est un peu plus que du sentiment." (Nous sommes d’accord).
La vie de notre héros du jour est essentiellement discrète. En le soumettant à un interrogatoire musclé de la Sécurité Militaire, tout au plus apprend-on qu’il s’appelle Patrick Chenière, qu’il est né il y a bientôt cinquante ans dans les colonies, que son papa y était militaire (un vrai, lui), qu’il a appris la guitare à Tahiti, qu’il est revenu en France, à Nîmes, à quinze ans, qu’il a connu Pascal Comelade au lycée de Montpellier et qu’il a séjourné en prison. Le disque, il s’y est engagé à un âge où un footballeur serait déjà largement à la retraite : en 1992, son premier album, tout en anglais, Hunting Dogs, paraît chez le label indépendant New Rose. En 95, rebelote avec No Comment, cette fois chez les grands maîtres du punk alternatif, Bondage.
Aujourd’hui, cet amateur de petits instruments à cordes (bouzouki, ukulele, mandoline...), reste étonnamment modeste malgré le succès frémissant : "Je ne me positionne pas comme un chanteur", avoue-t-il à nos confrères de Chorus. "Je ne raconte pas d’histoires, tout au plus des choses qui pourraient en être le début. Musicalement, c’est pareil : l’école du blues et du rudimentaire. Peintre du dimanche plutôt que vrai musicien, j’ai mesuré mes limites." Ben alors, ne te fais pas du mal, mon vieux : contente-toi d’écrire des poèmes. Mais quelque chose me dit que la chanson de France y perdrait quelque chose...
Jean-Claude DEMARI
Quelques dates de concerts :
le 12 octobre à Nancy (Festival Nancy Jazz Pulsations)
le 19 octobre à Vénissieux avec Les Fabulous Trobadors
le 25 octobre à Millau
le 29 novembre à Rennes (Les Transmusicales)