Cheb Mami séduit l'Amérique

C'est aux Etats-Unis que se déroule le troisième volet de notre zoom sur les musiques arabes, le 12 septembre dernier exactement. Ce jour-là, l’herbe moyennement verte du plus grand (et central) parc de New York fut piétinée par plus de 35.000 personnes. L'Anglais Sting était la vedette d'un concert exceptionnel, fleuron du festival Summerstage, dont Cheb Mami fit l’ouverture, comme on dit dans le métier. Les deux stars ne se quittent plus, de duos en tournées croisées, l'un ne va plus sans l'autre. Chacun y gagne un nouveau public. Surtout Cheb Mami pour lequel cette collaboration réussie a permis d'investir le marché américain, peu porté sur les musiques arabes. Discussion franco-arabe sous les arbres de Central Park.

Entrevue new-yorkaise avec la star du raï

C'est aux Etats-Unis que se déroule le troisième volet de notre zoom sur les musiques arabes, le 12 septembre dernier exactement. Ce jour-là, l’herbe moyennement verte du plus grand (et central) parc de New York fut piétinée par plus de 35.000 personnes. L'Anglais Sting était la vedette d'un concert exceptionnel, fleuron du festival Summerstage, dont Cheb Mami fit l’ouverture, comme on dit dans le métier. Les deux stars ne se quittent plus, de duos en tournées croisées, l'un ne va plus sans l'autre. Chacun y gagne un nouveau public. Surtout Cheb Mami pour lequel cette collaboration réussie a permis d'investir le marché américain, peu porté sur les musiques arabes. Discussion franco-arabe sous les arbres de Central Park.

Aucun signe apparent de stress ou de nervosité lorsque Cheb Mami descend de la gigantesque scène entourée d’écrans géants. Il vient tout juste de terminer sa répétition. Son agent, qui me tient compagnie, me demande gentiment : "S’il vous plaît, dans votre article, ne l’appelez plus Le Petit Prince du raï, ça l’énerve et cette époque est terminée..." Enervé ? J’ai un peu de mal à imaginer le jeune homme jovial et chaleureux qui s’approche de moi, énervé et je ne vois surtout pas pourquoi je qualifierais de prince celui qui aujourd’hui se voit couronné roi ! Ah, ces agents !... Mais pour l'heure, installons-nous dans la roulotte qui lui sert de loge pour une petite discussion in French.

RFI Musique : Depuis ton dernier passage à New York cet hiver, on peut dire que tu n’as pas perdu ton temps...
Cheb Mami : Non, effectivement j’ai l’impression de ne pas avoir vu le temps passer. Mais c’est très agréable de le dépenser de cette façon. J’ai beaucoup travaillé sur mon prochain album. Comme vous le savez le duo Desert Rose que je chante avec Sting sur son dernier album Brand New Day fait un malheur partout où l’on passe. Alors comme une fleur dans son vase, il faut l’arroser. Nous avons beaucoup voyagé en Europe pour assurer la promotion. Parallèlement à cela, j’ai aussi tourné sans lui. Il faut savoir qu’il y a la tournée Sting et la tournée Mami. La première me permet d’élargir mon public et la seconde contribue à l’évolution de ma carrière.

Après la rencontre avec l’une des plus grandes stars de la scène rock anglo-saxonne, l’amitié qui en est née et le succès que l’on connaît aujourd’hui, est-ce facile de garder les pieds sur terre?
Ce n’est pas tous les jours facile, c’est vrai. Je réalise au ralenti ce qui m’arrive mais je ne dis pas que c’est normal, j’apprécie l’instant présent tout simplement. Je mets cela sur le compte de la chance, beaucoup, mais je n’oublie pas non plus que j’ai quand même 22 ans de carrière derrière moi. J’ai tout de même travaillé pour en arriver là. Le tout additionné, oui, c’est une belle aventure.

Il y a quelques mois de cela, les Américains découvraient le duo Sting/Mami. As-tu l’impression que l’on te regarde d’un autre œil aujourd’hui ?...
Il y a un an, les Américains ne me connaissaient pas du tout, n’ayons pas peur des mots. Maintenant je peux dire qu’ils me connaissent un petit peu. Juste un petit peu. Mais j’ai encore beaucoup de travail avant que je ne puisse plus faire mon shopping tout seul dans les rues. Cela dit, hier, dans un magasin, pour la première fois, bien que je ne parle pas l’anglais, j’ai compris qu’un gars disait à sa femme : "Eh, regarde, c’est le type qui chante avec Sting." Je dois avouer que cela m’a fait plaisir et bizarre à la fois. Moi qui avant, n’avais jamais mis les pieds en Amérique et qui en rêvais, je trouve cela formidable de pouvoir être reconnu même si pour l’instant ce n’est que par deux personnes...

Tu ne parles pas anglais ? Alors comment communiquez-vous avec Sting ?
Je n’ai pas eu le temps d’apprendre, c’est tout. Je sais, j’aurai dû me trouver un professeur et travailler sérieusement. Je crois véritablement qu’à nos âges, à moins de vivre ici quinze jours par mois, c’est peine perdue. Mais n’exagérons rien, je commence à comprendre quelques mots petit à petit. Et quand je ne sais pas ou que je ne comprends pas, c’est devenu une habitude chez moi, je ne réponds pas, c’est tout et cela me sauve de bien des situations. Sting lui, il parle un peu français. Avec son français et mon peu d’anglais, on s’en sort relativement bien. Par exemple, il m’a appris à dire et surtout à comprendre des mots comme after ou encore before. Pour les concerts c’est toujours utile. Finalement, mon prof, c’est lui.

Quelle est l'histoire de ce duo Desert Rose ?
La chanson existait avant que l’on se rencontre. Elle était très rock. Quand Sting a décidé que c’était moi qu’il voulait pour l’accompagner, il est venu me trouver et il m’a dit : "Voilà la chanson, trouve-moi un truc..." Pendant une quinzaine de jours, j’ai travaillé pour trouver une musique qui puisse coller à la sienne. J’ai donc écrit et rajouté la partie que je chante. Sa seule exigence était de vouloir de l’authenticité. J’ai compris tout de suite ce qu’il voulait et j’en ai fait quelque chose de très oriental. Pour cela, il me fallait le thème, le sens de la chanson pour que je puisse écrire des paroles. Il m’a dit : "C’est quelqu’un qui cherche la femme idéale. Mais comme tout le monde le sait, elle n’existe pas. Alors, chacun se crée son idéal. Un peu comme si l’on cherchait une fleur au milieu du Sahara".

Quand s’arrête cette belle histoire ?
Artistiquement, elle devrait s’arrêter dans 5 ou 6 mois mais amicalement, elle n’aura jamais de fin !

Et après que se passe t-il ?
Je dois finir mon prochain album qui sera d’ailleurs enregistré à New York. Je suis très content car je vais travailler avec Nile Rodgers, l’arrangeur du groupe Chic, qui a également produit des grosses pointures comme Madonna, Diana Ross et bien d’autres. Mais n’insistez pas, je ne vous en dirai pas plus, tout est pour l’instant top secret.

Est-ce que l’aventure américaine aura une influence sur cet album ?

Evidemment ! Ce sera un album véritablement international. Il sortira dans tous les pays en même temps, contrairement à précédemment où mes albums ne sortaient qu’en France et dans les pays qui exportent les cassettes. Professionnellement, c’est une chance énorme pour moi. Vous allez découvrir un autre Mami. Laissez-moi juste vous dire ceci et surtout n’interprétez pas cela comme de la vanité. C’est extraordinaire d’être associé à quelqu’un comme Sting. Ils se comptent sur les doigts de la main les artistes comme lui, Stevie Wonder, Michael Jackson... Lorsque l’on chante avec de telles personnes, les portes s’ouvrent et lorsque l’on fait un tube, c'est encore mieux.

Est-ce que la musique raï est désormais connue du public américain ?
Mon rêve a toujours été de l’exporter aux Etats-Unis... Je pense que c’est en tout cas bien parti pour. Oui, c’est un très bon début pour cette musique, car ici croyez-moi, si l’on veut s’épanouir, c’est très très difficile surtout lorsque l’on chante en arabe. Grâce à ce duo, les gens s’habituent petit à petit à mes vocalises, à mon style. L’avenir du raï ici est devant nous. Et dans cet avenir, proche je l’espère, il faudra penser à inviter sur le sol américain d’autres artistes de raï.

As-tu été contacté par d’autres artistes américains pour d’éventuels duos ?
J’ai une liste de noms qui n’a pas de fin. Dans l’immédiat, je préfère travailler à un nouvel album. J’aime bien faire des duos mais seulement quand le courant passe entre moi et le chanteur que j’ai en face. Je n’aime pas les "collages". Rentrer dans un studio, chanter et coller ma voix sur le disque d’un autre cela ne m’intéresse pas. Si cela a marché entre Sting et moi, c’est qu’il y a eu tout de suite entre nous une vraie collaboration. C’est tout ! Mais rassurez-vous, il y aura deux ou trois surprises sur le prochain album.

Que retires-tu de cette expérience ?
Elle m’aura apporté beaucoup professionnellement. Fini les répétitions en retard et les rendez-vous manqués. Je n’ai pas attendu Sting pour devenir sérieux sinon notre rencontre n’aurait jamais eu lieu, mais grâce à lui, j’ai appris la rigueur.

As -tu prévu de l’emmener chanter chez toi, en Algérie ?
Oui, l’année prochaine nous devons faire un concert à Alger. Ensuite, c’est moi qui ferai ma tournée...

Deux mots pour résumer ton bonheur ?
Dieu merci !

Cheb Mami Meli Meli (Virgin) 1998