Maxime Le Forestier
Après avoir consacré plusieurs années aux chansons de Georges Brassens, Maxime Le Forestier revient à lui-même avec L’Écho des étoiles, nouvel album qui voyage à travers les parfums de musiques du monde entier, dresse quelques portraits, affirme une forte conscience humaniste et se souvient du chanteur kabyle assassiné Lounès Matoub.
Maxime Le Forestier revient à Maxime Le Forestier
Après avoir consacré plusieurs années aux chansons de Georges Brassens, Maxime Le Forestier revient à lui-même avec L’Écho des étoiles, nouvel album qui voyage à travers les parfums de musiques du monde entier, dresse quelques portraits, affirme une forte conscience humaniste et se souvient du chanteur kabyle assassiné Lounès Matoub.
Maxime Le Forestier nous est arrivé comme contestataire, caricaturiste et professeur de sentiments dans ces années 60-70 qui ne savaient aimer que la liberté et ses exigences. Depuis, il est devenu un commentateur tendre et vaguement ironique d’un monde qu’il contemple en grand frère revenu aussi bien des utopies que de la gloire. Mon Frère, L’Éducation sentimentale et Parachutiste résument peut-être sa première vie de chanteur ; la suivante ne se résume pas, tant elle foisonne - depuis Né quelque part il y a treize ans - de sourires, de détours, de voyages, de ferveurs. Après s’être accordé une longue parenthèse pour chanter son « bon maître » Georges Brassens au disque et sur scène, il revient avec L’Écho des étoiles, nouvel album dont le générique est déjà lourd de promesses : le parolier Boris Bergman, le guitariste et arrangeur Jean-Félix Lalanne ou le producteur Jean-Pierre Sabar, et puis Jean-Jacques Goldman qui cosigne et chante avec lui Affaire d’état, Zazie et Marc Lavoine pour des chœurs, les musiciens Daniel Mille ou Bernard Paganotti...
Il se promène en douze chansons entre son ici parisien et une belle collection d’ailleurs, entre le rêve d’aimer mieux et un regard d’humaniste sur les crampes du monde et de l’âme. Soucieux de dignité, de vérité, de gestes et de mots sincères, il chante ainsi une des plus belles chansons de sa carrière, Les Chevaux rebelles, écrite par l’homme politique et écrivain français Jean-François Deniau pour Lounès Matoub. Mais quand l’immense chanteur kabyle algérien a été assassiné avant de l’avoir pu chanter, ses amis ont dit à Jean-François Deniau : « Donne-la à Maxime ». Celui-ci a alors mis en musique cet étrange poème sur la liberté, sa beauté et ses menaces : « Trois choses que je crains/Le feu qui n’a pas d’ami/La source tarie/Celui qui me connaît et détourne les yeux/Trois choses que je crains/Une que je redoute/Les cheveaux rebelles/Les chevaux rebelles/Les chevaux rebelles/Qui refusent la bride et le mors ».
L’écriture de Maxime Le Forestier a elle-même beaucoup évolué : il aime s’évader en biais, aborder les thèmes par le travers, s’amuser de jeux de mots ambigus. La complicité avec Boris Bergman (entre autres compagnon d’écriture pendant longtemps d’Alain Bashung), qui signe ou cosigne la moitié des chansons de l’album, y est pour beaucoup : « On fait souvent le reproche à Boris Bergman d’écrire des textes difficiles à comprendre. Et il répond : « Vous aimez le chant des oiseaux ? Oui ? Et vous comprenez ce qu’ils disent ? » Que le sens de ses textes soit toujours prolongeable m’a apporté énormément dans ma propre façon d’écrire des chansons, explique Le Forestier. Mariée à ma logique, sa méthode produit des choses intéressantes : quand nous travaillons ensemble, je lutte contre l’allusif et lui lutte contre la trop grande clarté. »
Amours, peine de mort, fantaisies elliptiques, anecdotes de l’autre bout du monde ou Portrait de fille très française, clins d’œil personnels de Maxime (comme La Guitare à Paul, à propos d’une douze-cordes offerte par Paul Personne), le disque a les couleurs diverses et soignées d’une des meilleures signatures de la chanson française. Et tout cela arrive cinq ans après son précédent album en studio, Passer ma route. Cela n’a pourtant pas été cinq ans sans écrire de chansons : « Je ne peux pas dire que je n’écris pas, mais une chose est d’avoir une idée et de la noter, un autre est de se mettre à table et de se dire qu’on va faire une chanson avec cette idée. » Il y a un an, Maxime Le Forestier avait quatre chansons nouvelles : Les Chevaux rebelles, Minimun que Minnie m’aime, J’aurai ta peau et Rue Darwin. Après les dix-huit mois de tournée avec son Cahier de chansons de Brassens, il voulait reprendre contact avec ses propres œuvres et est parti pour Tour de chauffe, tournée de trente-huit petites salles en province en duo avec Jean-Félix Lalanne. Et cette tournée a déterminé bien des choses, à commencer par la forme que prendra la prochaine, à partir du printemps prochain et encore en duo. Les chansons à venir s’étaient aussi définies : écrites sur la guitare de Maxime, elles ont été arrangées pour le disque en totale liberté de formes et d’ambiance, mais seront de toute façon jouées à deux guitares pendant la tournée - « Au pire, si la chanson l’exige, on peut faire des percussions sur une guitare », dit-il.
Comme Maxime le pratique depuis quelques lustres, on rencontre dans L’Écho des étoiles beaucoup de musiques assez lointaines, ce qui rappelle, après tout, que la chanson française a souvent emprunté à l’extérieur sa matière mélodique et rythmique, à commencer par le premier chanteur qui a jamais intéressé Le Forestier : « Les musiques de Brassens, ce sont les chansons italiennes de sa mère mélangées à ce qu’il entendait de l’Espagne, aux cantiques et à la musique des Gitans des Saintes-Maries-de-la-Mer. Mélanger les influences et les parfums est le principe de mes arrangements depuis plusieurs disques. C’est très facile maintenant d’avoir accès à tous les folklores existants, mais, chaque fois qu’une chanson semble trop appartenir à un pays, j’essaie de la transporter ailleurs. Dans L’Écho des étoiles, la première chanson du disque, avec ses cuivres cubains, j’ai demandé à l’accordéoniste Daniel Mille d’amener la chanson autre part, en Europe de l’Est ou en Argentine. » Le résultat est bien sûr saisissant. Métier ? Savoir faire ? Compétence ? « Oui, répond Maxime, mais une compétence limitée à ce que je fais, à ce que j’aime. Je ne suis capable de trouver plus facilement que ce qui me plait. »
Bertrand DICALE
Maxime Le Forestier : L’Écho des étoiles, Polydor.
Maxime Le Forestier L’Écho des étoiles (Polydor) 2000