Pierpoljak
Pour son troisième album, le fameux rasta français continue décidément de n’en faire qu’à sa tête. La preuve, il a mis en couverture sa "tête de chien… du moins en partie", comme il dit.
Le pari rasta du parigot
Pour son troisième album, le fameux rasta français continue décidément de n’en faire qu’à sa tête. La preuve, il a mis en couverture sa "tête de chien… du moins en partie", comme il dit.
Pierpoljak a son franc-parler, un « riddim piggin » à la française, né de ses séjours aux Antilles, de sa vie de « mauvais garçon » et de l’usage immodéré des sound-systems. Bref, Pierpoljak ne fait que ce qui lui chante et cela lui réussit. Intitulé « Je fais c’que j’veux », sa dernière collection de 14 reggaes enregistrés à Kingston, consacre l’osmose rare de la langue de Molière et de l’authenticité d'un groove syncopé « fabriqué en Jamaïque ». Pourtant, si PPJ connaît Kingston comme sa poche, c’est à Paris, dans les « sound » qu’il fait en 96 une rencontre décisive avec Clive Hunt l’homme qui a fait ses classes en 73 au Dynamic Sounds de Kingston avec les Stones avant de produire Peter Tosh, Toots and The Maytals, Jimmy Cliff et tant d’autres héros du reggae. Cette fois Clive venait de réaliser l’album de Khaled « Sahra ». Pour PPJ, Clive devient « le chef des pirates », l’homme qui va l’entraîner vers de le succès dès le tout premier album « Pierpoljak ».
Trois ans plus tard, de Tryo à Baobab en passant par des dizaines d’autres formations, on surfe dans l’Hexagone sur une déferlante reggae. Et Pierpoljak désormais vétéran chante « Dans les rues de Paris… » sur fond d’accordéon enivré par les rythmes chaloupés de Kingston toujours épaulé par le même Clive Hunt et son équipe de choc tels le bassiste Strickland Stone ou l’ex-Wailers, le guitariste Earl « China » Smith. Clive et les autres co-signent d’ailleurs avec PPJ les compositions, c’est sa manière à lui de conserver la tête haute en partageant les fruits du travail . Et cette prise de conscience explique sans doute la fluidité, le naturel, l’authenticité de son reggae.
Les yeux d’ailleurs rougis par l’assiduité rastafarienne, Pierpoljak nous livre les clefs de son nihilisme cool.
Il y a une nette évolution dans ta manière de faire les chansons, cet album semble différent… plus fluide, plus naturel comme une intégration reggae/chanson plus aboutie ?
Oui c’est vrai, je suis d’accord avec toi. Cet album, c’est moi, maintenant. Les chansons sont toujours les mêmes, je suis toujours le même apprenti dans le reggae music. Mais je ne me mets pas la pression en me disant : « j’ai un album à enregistrer». Je crois que depuis le dernier disque, j’ai du vivre des choses qui m’ont inspiré pour écrire ces chansons.
Mais une composition comme « Né dans les rues de Paris » sur fond d’accordéon, c’est bien ton univers de titi parigot, non ?
Oui, puisque c’est moi qui ai toutes les idées, même si le reggae à la française est impossible. Là en l’occurrence, c’est du reggae music. Et le reggae music, cela reste toujours de la musique jamaïcaine, quoi qu’on en dise. C’est peut-être parce que je vais trop là-bas, parce que j’ai connu la Jamaïque avant d’y aller à travers les disques. Mais je ne suis pas un spécialiste, j’ai juste écouté ce que j’aimais et ce que j’aimais, c’était le son du légendaire Studio One. Les Jamaïcains n’ont jamais interdit aux Blancs de faire du reggae. Mais quand tu le fais, c’est bien de le reconnaître et de le faire savoir. Je connais des chanteurs là-bas qui ont fait les plus grands disques du reggae et qui ne sont absolument pas reconnus. Ce ne sont pas vraiment pas des stars et ils ne roulent pas sur l’or.
Alors pour moi, c’est juste une question de sincérité. J’ai aimé leur musique et donc eux à travers leurs disques. Aujourd’hui j’ai la chance de travailler là-bas et là-bas je les ai sous les yeux, alors qu'ici je ne peux pas revendiquer de reggae français, cela n’existe pas.
En écoutant ton album on ne peut s’empêcher de songer à Burning Spear...
Burning Spear est un grand que je respecte, que j’admire depuis toujours. En écoutant ses disques, et après, lorsque j’ai eu le privilège de travailler avec lui sur une tournée où je faisais sa première partie. C’est un grand bonhomme le Winston Rodney, Spearman ! Je l’ai écouté et je l’écoute encore aujourd’hui.
Burning Spear m’a bercé, comme il m’a inspiré aussi ; cette référence est exacte, ce que tu dis est vrai et j’en suis fier.
Je pensais aussi à Dennis Brown...
Yes Man ! Ces deux-là sont vraiment mes sources d’influence. Dennis Brown m’a énormément inspiré. A mon sens, il est le plus grand vocaliste de la Jamaïque. Et, à propos de Dennis Brown, parallèlement à l’album « Je fais c’que j’ veux ! », j’ai aussi enregistré avec mon producteur Clive Hunt un disque en anglais plein de duos avec d’autres chansons, d’autres musiques. Mais il y a une seule reprise dans cet album, c’est « Money In My Pocket » le plus grand hit de Dennis Brown. Les autres chansons sont composées par Donny Key que je connais depuis mon premier disque sur lequel on chantait ensemble le duo « Never Diss a Rastaman ».
Ce qui nous ramène au titre « Je fais c’que j’veux ». Tu n’en fais vraiment qu’à ta tête ?
Et bien oui, j’ai la prétention de dire que j’arrive à peu près à faire ce que « j’veux »dans la musique et j’espère que cela va continuer.
C’est facile ?
Non ce n'est pas facile, rien n’est facile, tu le sais bien. C’est banal ce que je vais te dire. Tu vois avant j’étais déjà chanteur, j’aimais autant la musique, ni plus ni moins, mais les gens ne te reconnaissent pas quand tu es inconnu ! Ils te disent « ah bon, mais tu ferais mieux d’aller bosser, mon pauv’ vieux ! ». Maintenant lorsque tu es connu, c’est tout le contraire, c’est « ah, regarde la voiture qu’il a ». Moi je suis juste un chanteur.
Un chanteur rebelle, puisque le reggae est une musique un peu rebelle ? En fait, je ne peux pas dire aujourd’hui « je suis un rebelle », car je sais ce qu’est un rebelle, alors que moi je ne manque de rien.`C’est vrai, parfois je m’énerve un peu avec la police, tu vois ce que je veux dire. Mais si c’est cela être rebelle, tout le monde l’est, car tout le monde est caractériel. Le reggae music c’est vraiment une musique rebelle, celle des gens qui souffrent dans les ghettos en Jamaïque. Moi, je ne peux pas affirmer parce qu'étant chanteur de reggae je suis rebelle et que je me bats contre le système. Je suis un chanteur, je fais mes chansons, je n’ai pas la prétention de faire réfléchir les gens, mais s’ils aiment la chanson et qu’elle leur procure un bon moment, c’est déjà bien.
Propos recueillis par Gérard BAR-DAVID
Nouvel album: Je fais c'que j'veux - Barclay Universal Music