TROIS NOUVEAUTES
Gérald, Manu et Thierry
LANVIN/ DE PALMAS : Venir au monde et Marcher dans le sable
L'un vient au monde du rock et de la pop, l'autre y est déjà confortablement installé. Chacun est doté d'une belle gueule et d'un sens éprouvé de la mélodie. Après avoir été en 94 Sur la Route toute la sainte journée, Gérald De Palmas quitte le bitume pour Marcher dans le Sable tandis que Manu Lanvin lui commet son premier album Venir au monde.
Manu Lanvin, voilà un jeune homme qui aurait pu voir le jour sous des auspices moins favorables : son géniteur n'est autre que le comédien Gérard Lanvin. Comme quoi, un Lanvin (Gérard) qui écrit pour Paul Personne (sur l'album Comme à la maison), peut en cacher un autre… D'ailleurs, ce n'est sans doute pas un hasard si on retrouve Paulo en personne et en guitare sur Pas de Rêve.
Mais le style Lanvin ne s'arrête pas à ces penchants bluesy. Il faut dire qu'avant de se produire sous son nom le jeune Manu s'est frotté à Bernie Bonvoisin chanteur de Trust en tournée et à même fait une apparition aux cotés de Johnny Hallyday à l'Olympia cet été pour reprendre en duo Le Bon vieux temps du rock'n roll. A ce petit jeu des parrainages on se dit à l'écoute de l'album que Christophe pourrait lui aussi se fendre d'une invite tant la reprise du Beau bizarre est réussie. Enfin, pour en terminer avec les références et les révérences du jeune Lanvin notons que les titres Venir au monde et le Faiseur nous font sensiblement penser au jeune Sinclair. Normal, Fab Fab percussionniste et complice du roux funker, est lui aussi de la partie sur cet album.
De Palmas, lui, est fidèle à ce style rock-country rural un peu à la manière laid-back chère à JJ Cale. Au dépouillement et à la voix fluette du maître américain, De Palmas y ajoute une batterie et des violons épais et cette voix un tantinet nasillarde qui le rend reconnaissable à la première mesure. Après le flop des Lois de la nature son deuxième album en 97, il s'agit de ne pas louper son retour. Aussi voit-on apparaître la signature d'un Goldman (" faiseur de tube " s'il en est) sur un titre J'en rêve encore ou le pathos sentimental est mis en avant à grand renfort de violons tandis qu'au morceau suivant, c'est un certain Maxime Le Forestier qui signe Tomber, l'histoire d'un pauvre bougre qui se retrouve à la porte de chez lui.
Mais c'est encore quand De Palmas signe ses propres textes et musiques qu'on l'apprécie le mieux. Exemple avec En Face, vindicte d'un amoureux qui se détache de sa compagne et n'hésite pas à lui faire savoir bien en face. Musicalement, De Palmas retrouve ses sources : guitares acoustiques enluminées, riffs solides et batteries de circonstances entre morceaux rocks et ballades. Il conforte un style qu'on lui avait reconnu dans son premier album avec ce nouvel opus de belle tenue là où Lanvin avec un disque protéiforme semble encore chercher sa voie. Ce qui nous vaut malgré tout deux albums pop-rock de belles factures.
Frédéric Garat
Manu Lanvin/Venir au monde (WEA) De Palmas/Marcher dans le sable (Polydor / Universal)
THIERRY STREMLER : Tout est relatif
Depuis sa mort en 1991, Serge Gainsbourg fait davantage parler de lui à l'étranger qu'en France. Absent, l'esprit de l'homme à la tête de chou, souvent imité, jamais égalé, plane sur les auteurs-compositeurs-interprètes les plus prometteurs du siècle naissant, de Katerine à Thierry Stremler. Justement, ce dernier intéresse les médias actuellement. Il faut dire que l'ancien chanteur du groupe funk-rock Vercoquin vient à peine de sortir son tout premier album en solo, Tout est relatif.
Certes, tout est relatif, à commencer par l'album même de ce cher Thierry Stremler. Dans la jeune génération, personne, il va sans dire, ne rivalise encore avec le verbe sophistiqué et riche de Gainsbourg. Ceci posé, l'après-Gainsbourg se démasque plus dans l'esprit et dans l'attitude. Thierry Stremler n'échappe pas à la règle. D'un bout à l'autre de cette collection de douze chansons, comme d'autres, il trimbale une nonchalance désabusée et grinçante, telle une marque de fabrique. Qu'il évoque avec humour son expérience au rayon vins d'un grand magasin parisien (Sur la surface de vente), avec un certain fatalisme sa vie amoureuse (Je ne suis Dieu que pour elle, Une proie facile), ou avec cynisme les relations sociales (Fracture sociale), Thierry Stremler impose un style en devenir qui ne se départit jamais d'un minimum de tendresse. Pas étonnant qu'il ait notamment rodé son répertoire chanson en première partie d'Alain Souchon, Matthieu Boogaerts ou encore M, avec qui naîtra une amitié sensible sur cet album, enregistré fin 1999 dans le home studio du fils Chédid et coproduit par Pascal Colon (qui, outre son travail pour M, a œuvré pour Les Innocents et Jean-Benoît Dunckel de Air).
Autre connection M : Pierre-Alain Dahan, batteur sur la tournée M. Le fait que cet album de chansons, musicalement assez traditionnelles (guitare, basse, batterie), ait séduit le label Solid, bastion des musiques électroniques (Etienne de Crécy, Alex Gopher, Cosmo Vitelli…), prouve au moins que Stremler possède une personnalité apte à séduire au-delà du cercle des amateurs de chansons, qui atténue assez bien quelques faiblesses bien compréhensibles.
Gilles Rio
Tout es relatif (Source/Virgin)