Découverte RFI Afrique en concert

Au pays du vaudou, le Bénin, le Palais des Sports de Cotonou aura vécu une chaude soirée lors du spectacle présentant le lauréat RFI Découverte Afrique 2000. Samedi 2 décembre, sept mille spectateurs enthousiastes ont suivi la soirée qui marque la réussite populaire de l’opération menée par RFI au Bénin jusqu’au 6 décembre.

Cotonou fête Tiken Jah Fakoly

Au pays du vaudou, le Bénin, le Palais des Sports de Cotonou aura vécu une chaude soirée lors du spectacle présentant le lauréat RFI Découverte Afrique 2000. Samedi 2 décembre, sept mille spectateurs enthousiastes ont suivi la soirée qui marque la réussite populaire de l’opération menée par RFI au Bénin jusqu’au 6 décembre.

Il s’appelle Allassane Etoukan. Il a quitté voici trois jours son village, Odienné en Côte d’Ivoire, tout proche de la frontière guinéenne, pour rallier Cotonou. De taxi-brousse en taxi-brousse, traversant quatre pays, dormant aux postes frontières, il a fait tout ce trajet pour venir voir son petit frère, le nouveau chantre de la musique d’Afrique de l’Ouest, Tiken Jah Fakoly, et raconter au retour son épopée au village.
 
Un "petit frère" auquel sa famille avait interdit, alors qu’il était déjà majeur, de suivre une carrière musicale. On pensait que cela dévaloriserait le rang social de cette famille de forgerons. Allassane n’en croyait donc pas ses yeux en voyant Tiken arpenter de long en large la grande scène installée pour la circonstance sur le parquet de la salle omnisports. Le public béninois, conquis dès les premières notes par son reggae limpide, reprenait en chœur les slogans lancés par cet enfant de la jeune démocratie africaine(?).

Car la grande force de Tiken est d’être un chroniqueur avisé de la politique des pays d’Afrique francophone. Et à le voir sur scène, on comprend mieux pourquoi le public est en train de faire de lui le nouvel Alpha Blondy. Alpha, la cinquantaine passée, n’en finit pas de louvoyer sur l’échiquier politique. Tiken, son cadet d’un quart de siècle, n’hésite pas à dénoncer les abus de pouvoirs et trafics en tous genres. Avec ses chansons, véritables pamphlets, il a fait tomber deux présidents ivoiriens en moins d’un an ; Henri Konan Bédié avec Mangercratie et récemment le général Robert Gueï avec le Caméléon. Il fait reprendre en chœur les refrains en français de son dernier album qui s’arrache dans toute l’Afrique de l’Ouest et faisant le bonheur des fabricants de cassettes et CDs pirates, Mon pays va mal, l’Afrique va mal, Libérez Alpha Condé (un homme politique guinéen emprisonné depuis deux ans après avoir failli remporter l’élection présidentielle), en demandant au public de chanter plus fort «pour qu’il vous entende de sa cellule à Conakry».

Quant à Mangercratie, la chanson qui l’a révélé au public après quatre années de galères à faire du porte-à-porte auprès des grossistes de son pays pour vendre ses deux premières cassettes, elle démontre que Tiken Jah peut réellement se prévaloir d'être l’enfant de la démocratie des années 9O. Mais Découverte Afrique à Cotonou, ce n’était pas seulement le reggae de Tiken Jah.

Au pays du vaudou, cinq groupes béninois ont également été à l’affiche de cette soirée qui sera diffusée sur Canal France International et la télévision béninoise.
Claudy Siar alias «Toi-même tu sais» (ses auditeurs comprendront et vous qui ne savez pas encore, écoutez-le donc) aura été un présentateur de talent. Le premier groupe a été celui auquel il avait remis la semaine passée un Benin Golden Awards du meilleur album de musique moderne d’inspiration traditionnelle, à savoir les trop méconnus Frères de Sang.

C’est a capella qu’ils chantent des chansons où l’esprit du vaudou des villages habite ces jeunes d’une vingtaine d’années. Initiés mais pas adeptes du culte, ils veulent faire valoir le patrimoine de leur pays et décrivent la réalité des couvents. Parti du Bénin, on retrouve aujourd’hui le vaudou en Haïti, dans le centre de Cuba ou à Bahia, au Brésil. Et les Frères de Sang aimeraient bien rencontrer des artistes de ces îles dans lesquelles leurs aïeux ont été déportés et partager ainsi avec eux de nouvelles expériences.

Avec la chanteuse Kiri Kanta, les talkin' drums yorubas se mettent en marche. On s’approche du Nigeria voisin. Cette jeune femme venue du Nord du pays avait une ambition que sa famille n’avait pu lui transmettre : devenir griot. Et c’est en côtoyant Salif Keïta et Toumani Diabaté qu’elle réalise son rêve. Entre rythmes sahéliens et yorubas, Kiri tente de concilier deux cultures qui semblent a priori fort éloignées, mais qu’elle fusionne avec grâce et élégance. Quant à l’homme-orchestre Danialou Sagbohan entre funky, high-life et rythmes traditionnels béninois, il a transporté de bonheur le public avec son grand orchestre de cuivres et percussions. Un artiste qui arrive aujourd’hui à maturité et que l’on pourrait bien prochainement retrouver dans des festivals en Europe.

Enfin, on attendait avec curiosité les jeunes rappeurs des Sakpata Boys. Ce groupe créé en 1995 par trois jeunes férus de rap adapté aux sonorités africaines et plus précisément proches de l’esprit vaudou, était attendu par ses nombreux fans qui les réclamaient depuis le début de la soirée. Avec leurs tenues en raphia, chaînes de MC’s, casques à plumes, bracelets des rois d’Abomey et Nike, ils avaient un look très personnel.

Et le show de Ubano B, Laïdovic B et Olivier B fut efficace en diable. D’ailleurs Youssou N’Dour ne s’y était pas trompé, lui qui les avait accueillis dans son studio Xippi de Dakar pour l’enregistrement de leur troisième album Hip Hop from Voodoo land, mixé et arrangé par Andy Shaft, le maître d’œuvre de la compilation Da Hop, sortie en avril 2000 en France.

Il était plus de deux heures du matin lorsque les « poseurs » de la Panthère Noire clôturèrent cette soirée avec leurs rythmes plus proches du ndombolo et des Wenge Musica que de la culture béninoise.

Fourbus mais heureux, les spectateurs quittaient le Palais des Sports. Ils avaient deux bonnes nuits pour se remettre avant de revenir applaudir lundi et mardi Claudy Siar qui continuera de présenter le meilleur de la musique béninoise dans son émission Couleurs Tropicales au Centre Culturel Français.