Ricardo Lemvo, un salsero congolais à L.A
Né à Kinshasa en 1957, c'est à Los Angeles où il réside depuis le début des années 70, qu'il s'est fait un nom en mélangeant salsa et soukouss congo-zaïrois. L'Europe l'a découvert en 1998 lors de son passage au Midem. Amateur éclairé des rythmes de Cuba, il chante comme un vrai sonero et à travers son nouvel album, São Salvador, rappelle que la musique cubaine et nombre de rythmes latinos se nourrissent au cœur de l'Afrique.
Révélateur d'affinités
Né à Kinshasa en 1957, c'est à Los Angeles où il réside depuis le début des années 70, qu'il s'est fait un nom en mélangeant salsa et soukouss congo-zaïrois. L'Europe l'a découvert en 1998 lors de son passage au Midem. Amateur éclairé des rythmes de Cuba, il chante comme un vrai sonero et à travers son nouvel album, São Salvador, rappelle que la musique cubaine et nombre de rythmes latinos se nourrissent au cœur de l'Afrique.
Lors du premier Midem latino organisé à Miami en 1997, un seul producteur d'artistes cubains avait pu braver le boycott anti-castriste. Il s'appellait Jimmy Maslon et dirigeait le label discographique Ahi-Nama (Maraca, Laito, Bamboleo...). Cette affaire, il l'avait montée à L.A., parce que dans ce coin des Etats-Unis, disait-il, on n'avait pas les mêmes blocages qu'à Miami. La musique cubaine, qu'elle émane directement de l'île ou de ses musiciens exilés, s'y consomme avec avidité. Ricardo Lemvo, lui, s'y est plongé dès son arrivée en 1972 rejoindre son père qui s'était installé aux Etats-Unis dix années plus tôt. «A l'époque où j'ai débarqué, il y avait moins de cinquante Congolais dans toute la ville. A l'université, la plupart de mes amis étaient cubains. Quand ils se sont rendus compte à quel point je connaissais bien la musique de chez eux, ils n'en sont pas revenus».
Ricardo Lemvo leur raconte comment il a grandi à côté d'un bar à Kinshasa (Léopoldville, à l'époque), où il était «bombardé jour et nuit par la musique cubaine et la musique congolaise», comment la rumba congolaise a intégré des éléments cubains. Il leur dit que s'il a commencé à chanter en reprenant Otis Redding, James Brown ou d'autres figures de la soul et du rythm'n blues, il a très vite développé une passion égale pour, d'un côté Benny Moré ou Chapottin, découverts grâce à la collection de disques de son cousin, de l'autre Franco, Grand Kallé, Tabu Ley ou Dr Nico, les pères de la rumba congolaise. A Los Angeles, Ricardo Lemvo se met immédiatement à fréquenter les lieux où l'on écoute de la musique afro-cubaine, puis il s'intègre à la scène musicale latino. Il se produit comme choriste dans différents groupes avant de définitivement laisser tomber ses études (sciences politiques et droit commercial) à la fin des années 80 pour monter, avec le cubain Niño Jesus Perez en 1990, sa propre formation, Makina Loca, dans l'idée de mélanger la rumba congolaise à la musique cubaine. «Pas à la salsa. Je suis un puriste» souligne fermement le chanteur, même si sur son dernier album São Salvador, le troisième après Tata Masamba (1996) et Mambo Yoyo (1998), des lignes de cuivres ne sont pas sans rappeler celles que l'on entendait dans la Fania et qu'il aborde entre autres styles le merengue, la salsa nerveuse de la République dominicaine. "C'était un rêve très ancien pour moi", déclare-t-il au journal Libération (30 octobre 1998) lors de son premier passage en France, "de mélanger les deux traditions, d'introduire la guitare électrique de la rumba dans le son cubain et d'ajouter des trompettes et le piano à la musique congolaise. "
A Los Angeles, malgré l'embargo, on trouve des disques cubains partout. «Dans les années 80 déjà, il y en avait venant indirectement du Canada ou d'Europe, mais aussi d'autres qui étaient mis sur le marché par des compagnies américaines. Elles signaient des artistes à l'extérieur des Etats-Unis. De cette manière, la loi n'était pas violée techniquement». Beaucoup de groupes cubains ont pu de la même façon percer le mur. Dans les grands magasins, le chanteur s'approvisionne régulièrement pour enrichir sa collection. Comme tout passionné, il a chez lui des trésors, «des disques que je n'ai pas mis sur la platine depuis cinq ans» raconte-t-il. Certains n'existent pas en CD, alors gare à l'usure. Un enregistrement des années 40 du trompettiste Felix Chapottin par exemple, Sones de Ayer. «Je me contente de le regarder». Même quand on aime une musique qui met le feu au corps, le plaisir des yeux, cela compte aussi.
Patrick Labesse
ALBUM : São Salvador (Putumayo) PUTU 158-2